chasse aux chômeurs

Schaerbeek contre une limitation des allocations de chômage

Plusieurs conseils communaux ont été invités par le CSCE à se positionner contre le projet de couper les allocations de chômage après deux ans. Celui de Schaerbeek est le premier à l’avoir fait.

© SCHAERBEEK 1030 SCHAARBEEK
© SCHAERBEEK 1030 SCHAARBEEK

On l’a dit, limiter dans le temps les allocations de chômage, comme le prévoient les discussions pour la constitution d’une majorité fédérale Arizona, ne résoudra rien au problème du chômage, mais appauvrira les personnes concernées, qui seront ainsi mises à charge soit de leur famille soit du CPAS de leur commune. (Lire ici) Ce glissement de la solidarité organisée par la Sécurité sociale au niveau fédéral vers le niveau familial ou local devrait susciter le rejet de toutes les personnes éprises de justice sociale et d’efficacité des politiques sociales. Lorsque la solidarité entre tous est remplacée par une multitude de micro-solidarités entre « riches » d’un côté et entre « pauvres » de l’autre, on ne peut pas espérer que la protection sociale soit assurée et que la cohésion sociale soit préservée. Les familles, les communes et les régions pauvres sont à la fois celles qui sont le plus exposées aux risques du chômage et celles qui ont le moins de moyens pour garantir l’accès à un revenu de remplacement. Les Fédérations de CPAS ont dénoncé l’impact d’une telle mesure sur leurs finances et sur les bénéficiaires, mais mezzo voce « sans se prononcer sur l’opportunité de la mesure de limitation en elle-même », en mettant l’accent sur la nécessité d’une (improbable) compensation financière intégrale pour leurs institutions. (Lire ici) Des partis, tout comme des mandataires politiques, notamment locaux, ont également pris position de façon catégorique contre cette coupe des allocations. (Lire ici, ici et ici)

Au vu de l’impact qu’aurait cette mesure à la fois sur la cohésion sociale et sur les finances locales, il paraît manifeste que cette question est un enjeu majeur pour les communes, et en particulier pour les plus exposées d’entre elles. Dans le cadre du travail que nous mettons en œuvre en vue de la constitution d’un large front contre la limitation dans le temps des allocations de chômage, il nous a semblé pertinent d’interpeller les conseils communaux d’une série de communes particulièrement impactées en cas d’adoption d’une telle mesure en les invitant à prendre position à travers l’adoption d’une motion « pour le maintien de la prise en charge de l’ensemble des chômeurs par la Sécurité sociale fédérale et contre l’introduction d’une limitation dans le temps des allocations de chômage ». Le texte de la proposition de motion que nous avons adressée aux mandataires locaux de plusieurs communes invite les conseils communaux à prendre position «  1. contre tout affaiblissement de la solidarité organisée au niveau fédéral et au sein de la Sécurité sociale, 2. contre toute régionalisation de la Sécurité sociale et contre tout renvoi des bénéficiaires à charge des pouvoirs locaux, 3. contre toute limitation dans le temps des allocations de chômage, 4. contre toute diminution du montant des allocations de chômage et du Revenu d’intégration, 5. contre la création de jobs au rabais à destination des chômeurs de longue durée. »

Les Schaerbeekois ont été les premiers à donner un écho à cette initiative. Cette commune est en effet fort concernée, comptant actuellement plus de 4.200 chômeurs indemnisés (4,9 % de la population de 18 à 64 ans), dont environ 2.900 d’entre eux sont des non-cohabitants, et donc susceptibles d’être financièrement mis à charge de la commune à travers son CPAS. Par ailleurs le contexte politique local s’est révélé favorable à l’adoption d’une motion de ce type, puisque la majorité actuelle est composée de la « Liste du Bourgmestre » – qui avait été présentée par Bernard Clerfayt (Défi) – ainsi que de la liste Ecolo-Groen, c’est-à-dire de trois partis opposés à une limitation des allocations de chômage. L’initiative de l’inscription d’une motion à l’ordre du jour de la séance du conseil communal du 18 septembre 2024 est revenue à Matthieu Degrez (PS), qui siège dans l’opposition. Son projet initial de motion a été retravaillé, en s’inspirant largement de la proposition transmise par notre association, sous l’impulsion de Bernard Clerfayt (LB – Défi) et avec le soutien d’Ecolo-Groen. In fine, la version finale (Lire l’encadré) qui a été débattue et soumise au conseil a été déposée par MM. Degrez (PS), et Clerfayt (Liste Bourgmestre) ainsi que Mme Petre (Ecolo-Groen). Cette excellente motion, qui reprend quatre des cinq positionnements que nous avions suggérés, a été adoptée à une écrasante majorité de 90 % des conseillers communaux (30 voix « pour », 3 voix « contre » et une abstention). Elle a reçu le soutien non seulement de la majorité (LB – Ecolo-Groen) mais également des conseillers PS-Vooruit et de la liste PTB-PVDA. Les votes contre émanant du MR et des Engagés et l’abstention venant de M. Verzin (hors parti).

Au-delà du vote, les débats ont également été instructifs. Pour le MR, la limitation dans le temps des allocations de chômage se justifierait par le fait que ce sont les allocations de chômage qui sont la cause du chômage : « certains chômeurs, qui avaient peut-être déjà refusé un travail, accepteront plus facilement un autre travail plutôt que de se retrouver au CPAS ». Manifestement ce conseiller ignore que le refus d’emploi est sanctionné sévèrement : un minimum de 13 semaines (pouvant aller jusqu’à 52 semaines) de suspension des allocations pour une première infraction et, en cas de récidive, au minimum un doublement de la sanction pouvant aller jusqu’à l’exclusion définitive. En renfort de sa pensée magique, le MR n’hésite pas à appuyer celle-ci par des contre-vérités manifestes, au mépris de toute réalité : « lorsque l’on a supprimé les allocations d’attente il y a quelques années avec le concours des socialistes, il n’y a pas eu un transfert massif vers le CPAS ». (Lire l’encadré) Quand aux Engagés, ils entretiennent la confusion et le déni sur leur programme et sur les accords de majorité qu’ils concluent : « notre programme n’a jamais prévu que les personnes qui sont au chômage depuis deux ans aillent directement au CPAS. On a prévu qu’elles bénéficient d’un droit à l’emploi, d’un travail d’utilité publique dans le secteur public ou associatif. Vous parlez de jobs au rabais… Non ! Il y a beaucoup de gens qui travaillent dans le cadre de programmes de remise au travail des chômeurs comme les ACS qui ne sont pas des jobs au rabais. C’est quoi ce misérabilisme social ? ». Apparemment, les Engagés schaerbeekois ont « oublié » que l’accord de gouvernement présenté par leur parti en Wallonie dit explicitement que « les partenaires gouvernementaux n’ont pas caché leur souhait d’une révision du mécanisme d’octroi des allocations de chômage (notamment la limitation dans le temps à deux années) ». Idem, ils ne s’interrogent pas trop sur la façon dont les pouvoirs publics pourraient créer des emplois payés aux barèmes pour les plus de 140.000 chômeurs de plus de deux ans, ni comment ils obtiendraient un accord de leurs partenaires pressentis, MR et N-VA, pour la mise en œuvre d’un tel « droit à l’emploi ».

Nous espérons que le vote de cette motion à Schaerbeek fera des émules. A l’heure de mettre sous presse (fin septembre), des mandataires d’autres communes que nous avons interpellés envisageaient de faire inscrire à l’ordre du jour de leur conseil des motions sur ce sujet, qui mérite un large débat public. Nous rendrons compte du résultat de leurs démarches dans le prochain numéro d’Ensemble !

Qui croire ?

Selon M. Bernard Guillaume, conseiller communal MR à Schaerbeek : « lorsque l’on a supprimé les allocations d’attente il y a quelques années (…) il n’y a pas eu un transfert massif vers le CPAS » (18.09.24).

Selon l’Observatoire de la Santé et du Social de Bruxelles-Capitale : « (…) la tendance à la hausse du nombre de bénéficiaires du RI ces dernières années s’explique par différents facteurs, notamment la mise en œuvre en 2015 des “fins de droit” aux allocations d’insertion (limitées à trois ans), résultant d’une réforme qui s’intègre dans la tendance au durcissement des conditions de maintien et d’accès aux allocations de chômage (…) La tendance à la baisse du nombre de bénéficiaires d’une allocation de chômage ou d’insertion parmi les jeunes adultes (-75 % entre 2013 et 2023) et la tendance à la hausse du nombre de bénéficiaires du RI dans ce groupe d’âge (+85 % sur la période) sont particulièrement marquées. (…). Une partie des jeunes adultes sans ressources financières se sont donc tournés vers les CPAS. (…) » in Baromètre social bruxellois 2023, pp. 46 et 49. Précisons entre outre que, si la limitation dans le temps des allocations d’insertion a concerné pour 2/3 des cohabitants (qui n’ont en général pas droit au RI), la proportion des chômeurs de longue durée sur la base du travail est exactement inverse : 2/3 sont des non-cohabitants !

Extraits des débats

Un aperçu de ce qui a été dit au conseil communal de Schaerbeek du 18.09.24.

Matthieu Degrez (PS) : La motion que j’ai déposée vise à prendre position contre le projet de limitation à deux ans des allocations de chômage, mesure qui est reprise dans le programme de certains partis qui négocient un accord pour un gouvernement fédéral. La presse s’en est faite l’écho et la FGTB, les fédérations des CPAS ainsi que toute une série d’ acteurs nous alertent sur les dangers et les risques qu’elle comporte. Limiter à deux ans les allocations de chômage, à tout le moins pour les moins de 55 ans, comme on l’évoque, exclurait du chômage de nombreux Schaerbeekois.e.s. C’est une mesure idéologique, qui ne créerait aucun emploi. Il suffit de comparer le nombre de chômeurs et celui des emplois vacants. On ne résoudra pas le problème du chômage en excluant des chômeurs. Ce dont ils ont besoin, c’est qu’on les accompagne, qu’on les forme, et qu’on les amène effectivement vers l’emploi. Cette mesure anti-sociale plongerait plus de 3.000 Schaerbeekois.e.s dans une très grande précarité et affaiblirait leurs familles.

Elle ferait également extrêmement mal aux communes et aux CPAS, qui verraient une partie des exclus du chômage transférés vers eux. Cela rajouterait une pression supplémentaire sur les assistants sociaux de notre CPAS, déjà surchargés. Vu le système actuel de financement de l’aide sociale, qui prévoit que l’État fédéral ne prend en charge, pour une commune comme Schaerbeek, que 70 % du montant des revenus d’intégration, les 30 % restants seraient mis à charge de la commune, les finances communales seraient lourdement impactées. In fine, c’est la classe moyenne qui paye des impôts communaux, et que le MR et les Engagé.e.s prétendent défendre, qui devrait payer cette note.

Il est temps que notre commune envoie un signal clair en faveur du maintien d’une entière solidarité fédérale sur les risques liés au chômage et contre le retrait des allocations de chômage. J’avais introduit une proposition initiale de motion. Après discussion, un amendement qui réécrit celle-ci a été déposé par Monsieur Clerfayt et cosignée par toute une série de groupes, dont le nôtre. Nous réclamons par cette motion le maintien de la solidarité fédérale par rapport aux allocations de chômage, nous nous opposons au retrait des allocations de chômage après deux années de recherche, nous nous opposons à toute régionalisation de la Sécurité sociale et à tout renvoi des bénéficiaires à charge des pouvoirs locaux, ainsi qu’à la création de jobs au rabais à destination des chômeurs de longue durée.

Bernard Guillaume (MR) : Si cette mesure est effectivement envisagée par le gouvernement fédéral en formation, ses détails ne sont pas encore définis. Monsieur Degrez dit qu’il y aurait à Schaerbeek environ 3.000 chômeurs de plus de deux ans et de moins de 55 ans qui seraient visés… Il est abusif de considérer, comme il le fait, qu’ils vont tous émarger au CPAS. Certains seront incités à trouver du travail et allégeront ce transfert vers le CPAS. D’autres chômeurs, qui avaient peut-être déjà refusé un travail, accepteront plus facilement un autre travail plutôt que de se retrouver au CPAS. Ensuite, on ne peut pas considérer le bien-fondé ou le mal-fondé intrinsèque d’une mesure uniquement par le prisme de ses retombées sur le CPAS. Il faut voir les effets globaux de la mesure sur la société, sur l’économie et sur les contribuables, car ces derniers d’une façon générale y gagneront. Remettre des personnes à l’emploi rapportera de l’argent au trésor public. Lorsque l’on a supprimé les allocations d’attente il y a quelques années, avec le concours des socialistes, il n’y a pas eu un transfert massif vers le CPAS. Enfin, nous sommes le seul pays du monde à perpétuer ce chômage éternel ! Serions nous vraiment les seuls à avoir raison ? Poser la question, c’est y répondre.

Leila Lahssaini (PTB-PVDA) : Sur le fond, le PTB soutient le texte. Des partis comme la N-VA et le MR cherchent à diviser la classe travailleuse, à monter les gens les uns contre les autres, ceux qui travaillent dur mais ne gagnent pas beaucoup contre les allocataires sociaux et les chômeurs… on connaît la technique. L’introduction d’une limitation des allocations de chômage ferait exploser le nombre de personnes qui seraient renvoyées vers les CPAS. Contrairement à ce que dit le MR, soit les chômeurs exclus n’auront plus droit à aucun revenu de remplacement et vont tomber dans la précarité totale, soit ils vont se retrouver à charge des CPAS, et les communes devront accroître leur participation au financement des dépenses de leur CPAS. On voit où cela mène aujourd’hui à Schaerbeek ! Cet argent, il faudra bien aller le trouver quelque part et les communes devront donc continuer à augmenter leurs taxes pour compenser la charge supplémentaire. Le MR et Les Engagé.e.s trompent les citoyens quand ils prétendent qu’ils veulent plus de services pour la population, pour la sécurité et la propreté, qu’ils veulent moins de taxes, etc. Dans la réalité, avec de telles mesures il y aura à la fois plus de précarité et plus de taxes. Le texte de la motion amendée dénonce le projet de limiter dans le temps les allocations de chômage et dit qu’il ne faut pas organiser des formes de travail au rabais pour les chômeurs, car cela reviendrait à faire pression sur les salaires de tout le monde, en faisant planer sur chacun la menace qu’un chômeur soit prêt à accepter de faire le même travail pour 500 euros de moins. Le projet de motion prend position contre la régionalisation de la Sécurité sociale, que soutiennent les partis de droite. C’est donc un texte qui va dans le bon sens et auquel nous nous rallions. (…)

Cédric Mahieu (Les Engagés) : La situation de ce soir est rocambolesque. On va faire une pétition sur quelque chose qui n’existe pas encore, puisqu’il n’y a encore rien de validé au niveau fédéral. (…) Chaque parti impliqué dans la formation du gouvernement a son propre programme. Dans celui des Engagés, il n’a jamais été prévu que les personnes qui sont au chômage depuis deux ans aillent directement au CPAS. On a justement prévu qu’elles bénéficient d’un droit à l’emploi, d’un travail d’utilité publique dans le secteur public ou associatif. Vous parlez de jobs au rabais… Non ! Il y a beaucoup de gens qui travaillent dans le cadre de programmes de remise au travail des chômeurs comme les ACS qui ne sont pas des jobs au rabais. C’est quoi ce misérabilisme social ? Tout ça pour un peu d’électoralisme à quelques semaines des élections communales ! Je pense que ce conseil mérite mieux et je propose donc que l’on encommissionne ceci. Il y a des commissions du conseil communal, travaillons-y et on fera un bon texte tous ensemble.

Bernard Clerfayt (Liste du Bourgmestre – DéFI) : Nous défendons ensemble, Monsieur Degrez, Madame Petre et la Liste du Bourgmestre, la motion amendée qui vous a été transmise. On vient d’entendre dans la dernière campagne électorale un grand nombre de déclarations à l’emporte-pièce selon lesquelles il faudrait exclure les chômeurs au bout de deux ans. On a pu lire que la note sur laquelle l’Arizona travaille prévoit explicitement cette mesure. Nous ne voulons pas laisser dire que si cette mesure devait être approuvée, cela ferait du bien, ni pour les personnes qui sont visées par celle-ci ni pour notre CPAS, qui aurait à assumer une charge supplémentaire qui serait mise sur le dos de la commune. Dans cette motion nous rappelons que toutes les études scientifiques ont montré que les mesures d’exclusion du chômage n’avaient aucun impact sur la remise à l’emploi. Quand on est dans les difficultés et qu’on n’a pas pu retrouver de l’emploi au bout de deux ans, ce n’est pas en gagnant encore un peu moins et en étant encore plus en difficulté que l’on va soudainement trouver les ressources pour retourner à l’emploi. Ce n’est pas vrai. Les études administratives de l’ONEm montrent la même chose : les exclusions du chômage n’entraînent pas un retour automatique ou rapide vers l’emploi. Certains peuvent le croire ou le dire, mais c’est faux. Toutes les études scientifiques sont formelles. C’est le cas en Belgique comme dans les pays comparables.

Cette mesure plaît beaucoup à M. De Wever et à la N-VA, car cela leur permet de détruire un pan de la Sécurité sociale, de retirer des missions fondamentales de notre Sécurité sociale fédérale pour les renvoyer aux communes et in fine aux régions qui sont responsables des finances de celles-ci. La Flandre étant dans une situation proche du plein emploi, elle aimerait que la prise en charge de l’indemnisation des chômeurs de longue durée ne soit plus à charge de la solidarité nationale mais soit transférée aux communes, aux communes pauvres et aux régions pauvres. Il y a des partis francophones qui tombent dans ce piège alors que l’on sait très bien que ça n’a aucun impact sur la remise à l’emploi et sur l’amélioration des chances réelles des gens pour trouver de l’emploi. Ça ne veut pas dire que, lorsque l’on défend cette motion et que l’on s’oppose à l’exclusion des chômeurs après deux ans de recherche active, on croit à des recettes magiques en matière de chômage. Nous pensons qu’il faut continuer à accompagner les chômeurs, peut-être mieux qu’on ne le fait maintenant en Wallonie et en région bruxelloise. La formation est essentielle pour avoir une chance d’aller vers l’emploi. Une étude de l’OCDE, publiée au mois de novembre 2023, rappelait qu’en région bruxelloise, pour 10 chercheurs d’emploi non qualifiés, ce qui représente 2/3 des chercheurs d’emploi, il n’existe qu’un seul emploi vacant. Vous pouvez les activer tous les dix, les harceler ou les exclure, au bout du compte, il n’y aura toujours qu’un seul emploi disponible pour ces 10 chercheurs d’emploi non qualifiés. La seule issue, c’est l’accompagnement, le coaching, leur donner confiance en eux et en leurs capacités d’apprentissage pour se rapprocher du marché de l’emploi et des postes disponibles. Cette mesure est donc une simple mesure d’affichage, méchante à l’égard des chômeurs, de ceux qui veulent détruire la solidarité de l’état belge. Je vous invite à voter cette motion. Gouverner, c’est prévoir. Ne permettons pas à la N-VA de détruire la Sécurité sociale et de détruire nos finances. (…) Il faut impérativement s’opposer à une telle mesure, dans l’intérêt des chercheurs d’emploi, qui ont besoin d’un accompagnement plus actif et plus efficace d’Actiris et de Bruxelles Formation, ainsi que dans l’intérêt de notre commune et de son CPAS, qui n’aurait pas plus de moyens pour les accompagner qu’Actiris n’en a.

Matthieu Degrez (PS) : Je comprends que les représentants du MR et des Engagés soient gênés quand j’explique que cette mesure ne générerait pas un seul emploi et coûterait des millions d’euros à notre commune. Ce sont ceux qui contribuent fiscalement, notamment la classe moyenne que les mandataires de ces partis prétendent défendre, qui vont devoir payer ces taxes à Schaerbeek, comme dans les communes dites populaires ou urbaines. Voilà la vérité, et ça vous embête qu’on vous le dise, car vos partis sont en train de mettre à mal à la fois la solidarité nationale et notre commune.

La motion est adoptée par 30 oui, 3 non et une abstention (a).

(a) Ce compte-rendu est un abrégé du débat , l’intégralité peut être suivie dans la vidéo disponible sur youtube (entre 3h42 et 4h11). Tapez sur votre moteur de recherche « conseil communal du 18/09/2024 1030 »

Texto, la motion de Schaerbeek

Motion pour le maintien d’une Sécurité sociale fédérale forte et contre l’introduction d’une limitation dans le temps des allocations de chômage

déposée par M. Degrez (PS), B. Clerfayt (Liste Bourgmestre) et L. Petre (Ecolo-Groen), adoptée par le Conseil communal de la commune de Schaerbeek le 18 septembre 2024 par 30 voix pour, 3 voix contre et 1 abstention.

Le Conseil communal de Schaerbeek

Considérant que,

– la Sécurité sociale fédérale organise la solidarité vis-à-vis des salarié.e.s involontairement privés d’emploi et que leur indemnisation est assumée par l’ONEm, sans limitation dans le temps pour autant que le chercheur d’emploi démontre sa disponibilité sur le marché du travail, telle que contrôlée par les services régionaux de l’emploi;

– la loi attribue aux communes et à leur CPAS la mission de participer à l’octroi d’une aide sociale (RI, aide équivalente, etc.) afin de garantir à tous leurs habitants le droit à la dignité humaine. Cette aide sociale est conçue comme devant être résiduaire, c’est-à-dire qu’elle n’a pas vocation à se substituer aux mécanismes assurantiels fédéraux de la Sécurité sociale. Le rôle des CPAS étant de remettre ces personnes à l’emploi.

Considérant que la presse a fait état d’une volonté, portée par la personne chargée par le Roi d’une mission de formateur d’un nouveau gouvernement fédéral, de limiter à deux ans le droit aux allocations de chômage et de réaliser ainsi des économies dans le budget fédéral de l’assurance chômage.

Considérant que l’exclusion des bénéficiaires d’allocations de chômage n’est pas de nature à les aider ou à favoriser leur retour versl’emploi, ainsi que le démontrent de nombreuses études scientifiques ou rapports publics.

Considérant que les services régionaux de l’Emploi et de la Formation (Actiris, Bruxelles Formation et le VDAB) restent mieux armés que les services communaux et des CPAS pour accompagner, activer, former ou réorienter les demandeurs d’emploi vers l’emploi en tenant compte de leurs besoins et qualifications.

Considérant que les demandeurs d’emploi de longue durée sont ceux qui ont le plus de difficultés à se réinsérer sur le marché du travail.

Considérant que l’introduction d’une limitation dans le temps des allocations de chômage reviendrait donc à fragiliser des personnes déjà précaires et à les renvoyer soit vers la solidarité familiale soit vers les CPAS.

Considérant que le renvoi de ces personnes vers les CPAS reviendrait non seulement à dégrader les droits sociaux des personnes concernées mais encore à rompre le caractère national de la solidarité vis-à-vis de celles-ci.

Considérant que cette rupture de la solidarité nationale reporte vers les communes et leur CPAS une lourde charge supplémentaire, encore plus lourde pour les communes qui, comme Schaerbeek, comptent les taux de chômage et de précarité les plus élevés, sans qu’elles en portent la responsabilité.

Considérant que, au mois d’août 2024, les chiffres d’Actiris confirme qu’elle compte sur Schaerbeek 11.243 chercheurs d’emploi inscrits (dont 2.212 usagers du CPAS). 4.876 chercheurs d’emploi le sont depuis plus de deux ans.

Considérant que,

– les CPAS peuvent apporter une contribution utile à la remise à l’emploi à travers des dispositifs de type article 60 et article 61 dans la mesure des moyens financiers que les pouvoirs subsidiants leur octroient pour développer ce type de dispositif;

– les CPAS et les communes n’ont pas vocation à être instrumentalisés pour forcer la mise à l’emploi de chômeurs de longue durée vers des « jobs » qui ne leur garantiraient pas le plein accès à un salaire conforme aux barèmes et à tous les droits sociaux, ce qui ne sortirait pas ces chercheurs d’emploi de la précarité;

– que le renvoi des chômeurs de longue durée vers les CPAS ferait largement perdre son sens à des dispositifs comme l’article 60, puisqu’il instaurerait pour une série de personnes une forme de carrousel entre l’aide sociale et l’assurance chômage.

Considérant enfin que d’autres propositions portées par l’actuel formateur fédéral, dont la presse s’est fait l’écho, vont dans le sens d’un retrait de la solidarité fédérale (concernant le montant des allocations de chômage, la Grapa ou la politique migratoire et le RI…) et auraient un impact négatif sur la solidarité fédérale ainsi que sur la cohésion sociale et reviendraient à augmenter le coût de la prise en charge de la précarité à assumer par les pouvoirs locaux et leur CPAS, alors qu’ils ne disposent pas des moyens de gérer ces phénomènes.

Le Conseil communal de Schaerbeek

– réclame le maintien de la pleine solidarité fédérale sur l’indemnisation des risques de chômage;

– s’oppose donc à un retrait des allocations de chômage après deux années de recherche active d’emploi et s’oppose à tout affaiblissement de la solidarité organisée au niveau fédéral et au sein de la Sécurité sociale.

– s’oppose à toute régionalisation de la Sécurité sociale et contre tout renvoi des bénéficiaires à charge des pouvoirs locaux;

– réclame le maintien d’un service régional de l’Emploi dédié à l’accompagnement et à la formation des chercheurs d’emploi, doté de moyens suffisants pour lutter contre le chômage de longue durée, participer à la hausse du taux d’emploi des Bruxellois et aider à lutter contre les pénuries d’emploi;

– s’oppose à la création de jobs au rabais à destination des chômeurs de longue durée.

Le Conseil communal de Schaerbeek,

Demande au Collège des Bourgmestre et Échevins de transmettre cette motion :

– au formateur fédéral, au Président de la Chambre des Représentants et aux présidents des partis politiques représentés à la Chambre des Représentants,

– aux chefs de file des partis invités à former une majorité régionale bruxelloise et aux présidents des partis représentés au parlement bruxellois.

Le Conseil communal de Schaerbeek demande à laprésidente du CPAS de Schaerbeek d’évaluer aussi précisément que possible le coût que générerait pour le CPAS la limitation des allocations de chômage après deux ans (RI, aides complémentaires, locaux, équipement, personnel…) et de le communiquer au Conseil communal et à la presse.

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