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G.-L. Bouchez : « Limiter dans le temps les allocations de chômage, c’est une mesure sociale »

Le dernier congrès du MR a adopté de nouvelles propositions en matière de protection sociale : limitation dans le temps du chômage, « allocation de remplacement de base », « plafond du cumul des aides »… Son président, G.-L. Bouchez, nous les présente.

G.-L. Bouchez : "Nous proposons que le maintien des allocations de chômage soit conditionné par la réalisation d’un travail communautaire"
G.-L. Bouchez : "Nous proposons que le maintien des allocations de chômage soit conditionné par la réalisation d’un travail communautaire"

Le Mouvement Réformateur (MR) vient d’adopter de nouvelles propositions programmatiques, lors d’un congrès qui s’est tenu en octobre 2022. Nous avions déjà effleuré le sujet dans un précédent article (1).

A travers l’adoption de sa nouvelle proposition de «contrat sociétal», le MR se met ainsi en ordre de bataille pour les prochaines élections fédérales, prévues en mai 2024. Il aligne désormais une série de nouvelles propositions «disruptives», dont la limitation dans le temps des allocations de chômage, la création d’une «allocation de remplacement de base», l’obligation de prester un «service communautaire» notamment pour les bénéficiaires du Revenu d’intégration (RI), pour ne pas parler du retrait aux organisations syndicales de leur mission de paiement des allocations de chômage… Un coup de barre à droite, qui aligne le MR sur une série de propositions socioéconomiques qui étaient jusqu’ici essentiellement portées au niveau politique par la N-VA et l’Open VLD et, depuis tout récemment, par Les Engagés (ex-cdH), dans le contexte d’un réalignement plus global de la droite belge sur ce plan (Lire l’article), le tout mâtiné d’une proposition «d’allocation de remplacement de base», qui reprend la thématique du « Revenu de base » (RDB), sans relever à proprement parler de ce concept. (Lire le dossier) Les contours de ces nouvelles propositions du MR ne nous ayant toujours pas paru très clairs, nous avons donc demandé à son président de nous les présenter.

« La différence entre les allocations sociales et les revenus du travail est trop faible ».

Celui-ci aime le débat. Il a donc accepté notre invitation. Nous avons parfois été un peu déconcertés par ses réponses. Par exemple, lorsqu’il nous affirme que son constat de base est « que la différence entre les allocations sociales et les revenus du travail est trop faible » en Belgique, en en imputant la cause à l’enveloppe bien-être de revalorisation des allocations sociales et aux avantages liés au statut de bénéficiaire de l’intervention majorée (BIM). Or, une récente étude de l’ONEm (institution censée compétente en la matière et peu susceptible de faire preuve d’un parti pris en faveur des chômeurs) indique que le fossé entre le niveau des allocations de chômage et celui du seuil de pauvreté s’est au contraire creusé au cours de la décennie écoulée : « Durant la période 2013-2020, le seuil de pauvreté a augmenté de 19,5 % (en prix courants). Cette augmentation est supérieure à celle de l’allocation moyenne par catégorie familiale. Par conséquent, bien que les liaisons au bien-être aient augmenté les allocations moyennes pour toutes les catégories familiales, nous constatons que le fossé par rapport au seuil de pauvreté pour toutes les catégories familiales s’est encore creusé au cours de la période 2013-2020 » (2). Quant au statut de BIM, son octroi n’est en rien limité aux allocataires, mais il est également accessible à tous ceux et celles qui ont un revenu imposable annuel inférieur à 20.292 euros (augmenté de 3.756 euros pour chaque personne à charge au sein du ménage). Les travailleurs.euses qui ont les plus bas salaires (temps partiels, etc.) peuvent donc en bénéficier aussi bien que les allocataires… Par ailleurs, on le verra, le président du MR n’hésite pas à faire des déclarations provocantes : « la limitation – à deux ans – des allocations de chômage que nous prônons » indique-t-il « est une vraie mesure de politique sociale » et ce au motif que… ces personnes seraient mieux aidées à retrouver un emploi par les CPAS que par les services régionaux de l’emploi (Forem…). Une telle vision de ce qu’est « une véritable politique sociale » ou encore des capacités d’aide des CPAS peinera sans doute à emporter la conviction… Il faut toutefois mettre à son crédit qu’il n’avance pas masqué et qu’il présente ouvertement devant les électeurs et les électrices le projet que le MR souhaite mettre en œuvre après les élections de 2024.

Une clarification qui laisse beaucoup de zones d’ombre

Le but de cette interview est avant tout de mieux comprendre les propositions du MR. A écouter son président, certains éléments déjà évoqués dans la presse se clarifient un peu. L’« allocation de remplacement de base » que le MR propose améliorerait bien le niveau d’allocation de certains allocataires (des personnes au RI cohabitant.e.s…), mais elle ne constituerait en rien un RDB, car elle ne serait ni inconditionnelle ni une individualisation des droits. Quant au détail des propositions du MR, nous sommes un peu restés sur notre faim. G.-L. Bouchez évoque une « allocation de remplacement de base  de plus de 1.000 euros » mensuels ou « de 1.000 euros », tandis que le document du Congrès du MR qui nous avait été transmis évoquait quant à lui pour celle-ci « un montant minimum qui doit avoisiner ou être supérieur au seuil de pauvreté isolé en Belgique (aujourd’hui aux alentours de 1.200 – 1300 euros par mois) ». Les montants mentionnés sont différents, et cette différence n’est pas insignifiante pour juger quelles sont au juste les catégories de personnes qui trouveraient un avantage à l’instauration d’un tel système . Le document du congrès du MR indique que cette allocation devrait permettre « d’éviter que l’administration doive procéder à des contrôles invasifs de la vie privée de nos concitoyens », mais selon G.-L. Bouchez cette allocation reste soumise aux mêmes conditionnalités que les allocations actuelles. Elle n’amènerait donc aucun progrès du point de vue du respect de la vie privée et des choix de vie de famille. Idem, le document du congrès du MR mentionne le fait que « les allocations de chômage ainsi que le RI ne pourront plus être perçus que durant deux ans au plus » et qu’après ce délai leur maintien serait conditionné à « la participation à des travaux d’intérêt général ou à la formation dans un emploi en pénurie » (3). (Lire également) G-L. Bouchez nuance ce point : concernant le RI, il ne s’agirait que de sanctions temporaires en cas de refus d’effectuer un « service communautaire ».

Au vu de ces imprécisions et ambiguïtés persistantes, nous avons avons demandé au président du MR s’il pouvait nous faire parvenir des documents écrits qui présentent plus en détail les propositions du MR évoquées. Il nous a indiqué que ces documents existent et nous a promis de nous les faire envoyer. Malgré nos rappels, nous les attendons toujours. Une étude devrait, nous disent les services du MR, être publiée sous peu. A suivre.

G.-L. Bouchez : "Selon notre proposition, le Revenu d'intégration n’est pas limité dans le temps, mais après deux ans il devient conditionnel".
G.-L. Bouchez : "Selon notre proposition, le Revenu d'intégration n’est pas limité dans le temps, mais après deux ans il devient conditionnel".

Le MR a récemment tenu un Congrès qui a actualisé le programme du parti en matière de protections sociales. Il a pris position en faveur de la limitation dans le temps du chômage et du Revenu d’intégration (RI), de l’instauration d’une « allocation de revenu de base » et d’un plafond de cumul d’allocations. En quoi consistent ces propositions et quelles sont leurs motivations ?

G.-L. Bouchez : Notre constat de base est qu’il y a en Belgique un problème en matière de récompense du travail, que la différence entre les allocations sociales et les revenus du travail est trop faible. Bien sûr, il faut augmenter les salaires nets en diminuant la fiscalité, mais il y a deux explications majeures à ce phénomène. La première tient à « l’enveloppe bien-être », qui est un mécanisme belge qui organise des augmentations régulières des allocations sociales, dont les allocations de chômage, au-delà de l’index. Tandis que les augmentations salariales sont globalement limitées à l’index. Cela fait vingt-cinq ans qu’en Belgique, à travers ce mécanisme, on a diminué l’écart entre les revenus du travail – et en particulier les plus bas salaires – et les allocations. Le deuxième explication renvoie à la création du statut de « Bénéficiaire de l’intervention majorée » (BIM), qui à la base a été conçu en matière de soins de santé pour offrir dans ce cadre un meilleur remboursement aux moins nantis. Mais, par la suite, les différents niveaux de pouvoir ont greffé sur ce statut l’octroi d’une série d’aides complémentaires. D’autres aides sont également octroyées. Ainsi, par exemple, le CPAS de Saint-Gilles a publié un catalogue d’aides complémentaires de plus de trente-cinq pages ! Tout ceci devient problématique par rapport aux personnes qui travaillent. Aujourd’hui, vous pouvez toucher mille deux cents euros d’allocations sociales et, en sus de cela, bénéficier du tarif social en matière d’énergie, du tarif social en matière de télécommunications, d’un logement social, d’une gratuité à la crèche, une gratuité des transports en communs, d’une majoration des allocations familiales ainsi que de réductions un peu partout liées à votre statut de BIM. Les 1.200 euros deviennent alors 2.000, voire plus, en termes de pouvoir d’achat. Rien que le tarif social énergie peut actuellement représenter une économie mensuelle de 500 euros. Au MR, nous estimons que ces aides ne peuvent être cumulées sans limite et qu’il faut introduire un plafonnement global de celles-ci, en sorte que leur somme ne puisse excéder ce qu’une personne peut raisonnablement espérer gagner par son travail. Aujourd’hui, quelqu’un qui gagne un salaire net de 2.000 euros paie tout au tarif plein : sa crèche, son énergie, son logement… Il y a là une injustice par rapport à des personnes qui s’en tirent mieux à coup d’allocations et sans travailler.

Quant à la limitation dans le temps – à deux ans – des allocations de chômage, que nous prônons, il s’agit d’une vraie mesure de politique sociale. Vous avez des personnes qui sont aujourd’hui depuis quinze ans au chômage, sont toujours au Forem et que l’on persiste à considérer comme des demandeurs d’emploi. Or chacun sait qu’après quinze années d’inactivité la probabilité de retrouver un emploi est extrêmement faible. Nous partons du constat que, si une personne est au chômage depuis plus de deux ans, son employabilité a fortement baissé. Dans ce cas, il vaut mieux qu’elle soit orientée vers une structure plus individualisée, comme le CPAS, pour bénéficier d’un accompagnement pas à pas effectué par des assistants sociaux. Les CPAS doivent, en outre, avoir une politique de l’emploi plus dynamique qu’elle ne l’est aujourd’hui.

Notre idée est que toutes les politiques sociales doivent ramener au travail, même si ce n’est pas le travail rêvé. Nous estimons que le travail, quel qu’il soit, est toujours plus valorisant que l’aide sociale. Nous proposons donc que le maintien des allocations de chômage soit conditionné par la réalisation d’un certain volume hebdomadaire d’heures de travail communautaire ou par l’inscription dans une formation professionnelle en direction d’un secteur en pénurie. Quant au RI lui-même, nous proposons une réduction de 10 % de celui-ci pendant trois mois pour une personne qui se serait fait exclure du chômage parce qu’elle a refusé un emploi.

« Nous proposons donc que le maintien des allocations de chômage soit conditionné par la réalisation d’un certain volume hebdomadaire d’heures de travail communautaire »

Enfin, un autre volet de nos propositions programmatiques est l’instauration d’une « allocation minimale de base », de plus de 1.000 euros, en-dessous de laquelle personne ne pourrait tomber et qui pourrait être perçue sans contrainte ou risque. L’idée est de supprimer une série de petites allocations et de les remplacer par une « allocation de base » plus élevée. Elle remplacerait des allocations d’isolés extrêmement basses, de très petites pensions, certains temps partiels, etc. On partirait d’un socle de base qui pourrait être complémenté pour les personnes qui ont des besoins supplémentaires, par exemple en raison d’un handicap, etc. Toute personne qui a accès aux allocations sociales aurait au minimum cette allocation de revenu de base. Cette revalorisation est pour nous le corollaire de l’instauration d’un plafonnement des cumuls d’allocations.

Pour éviter les pièges à l’emploi, ce revenu de base serait octroyé sous forme de crédit d’impôt ou de quotité exemptée d’impôt pour un travailleur. Si cette allocation minimale de base était de 1.000 euros par mois, cela signifierait que les personnes qui travaillent bénéficieraient d’une quotité exonérée d’impôts de 12.000 euros, alors qu’elle est actuellement de 9.000 euros, montant qui n’a pas été indexé depuis des années. Grâce à ce système, tout le monde en Belgique aurait 12.000 euros garantis, soit via son travail, soit via l’État. C’est l’embryon d’une allocation universelle.

G.-L. Bouchez : "Toute personne qui a accès aux allocations sociales aurait au minimum cette allocation de revenu de base"
G.-L. Bouchez : "Toute personne qui a accès aux allocations sociales aurait au minimum cette allocation de revenu de base"

Cette « allocation minimale de base » du MR serait-elle attribuée à tous et toutes, indépendamment des besoins des personnes, sans condition de disponibilité au travail, sans limite d’âge et quelle que soit leur situation familiale ?

Non, ça ne signifie pas l’individualisation des droits. Mais ça signifie néanmoins un « plus » pour certaines catégories de personnes qui n’arrivent pas à ce seuil aujourd’hui. A ce stade, on resterait dans le régime des allocations actuelles. Par exemple, un étudiant devrait prouver qu’il n’a pas d’autres revenus pour pouvoir bénéficier de cette allocation. A titre personnel, mon objectif serait d’aller, dans un second temps, vers un régime d’allocation universelle à proprement parler et de supprimer les conditions d’octroi. La proposition actuelle du MR ne va pas jusque-là.

« Non, ça ne signifie pas l’individualisation des droits »

Le congrès du MR a également pris position pour le fait de conditionner le versement du RI, après 2 ans, à une formation dans un métier en pénurie ou à une forme de travail au bénéfice de la communauté…

Selon notre proposition, le RI n’est pas limité dans le temps, mais après deux ans il devient conditionnel. Après deux ans d’allocations de chômage, vous devez accepter de fournir un travail communautaire. Si vous ne le faites pas, vous êtes radié du chômage. Si vous bénéficiez du RI, après deux ans, on vous proposera également d’effectuer des tâches pour la communauté en vue d’une réinsertion professionnelle ou un contrat aidé. Il s’agit de permettre aux personnes de rester dans un principe d’employabilité. L’idée est qu’il y aurait une radiation des chômeurs après deux ans en cas de refus du travail communautaire, tandis que dans le régime du RI, le refus de ce travail communautaire n’entraînerait que des sanctions temporaires. Pendant deux ou trois mois, le RI pourrait être partiellement réduit. Il n’est cependant pas dans notre intention de vouloir priver un individu de tout revenu.

Pour vous, ces propositions de réforme constituent-elles un tout indissociable ou bien leur mise en œuvre peut-elle être envisagée séparément?

L’idéal serait de toutes les mettre en place en même temps, mais certaines mesures peuvent être envisagées séparément, comme la limitation des allocations de chômage dans le temps. Cette dernière idée rallie de plus en plus de monde, à cause des métiers en pénurie. Aujourd’hui, en Europe, il n’y a plus de chômage de masse. Quand j’étais plus jeune, le taux de chômage préoccupait tout le monde, tandis que maintenant on se préoccupe du taux d’emploi. Il y a encore des poches de chômage, mais notre problème, ce sont plutôt des personnes qui sont en incapacité/invalidité. Le chômage de masse ne reviendra plus en Europe dans les dix années qui viennent, car nous connaissons un vieillissement de la population. Chaque année, il y a plus de personnes qui quittent le marché du travail qu’il n’y en a qui y entrent. Il y a donc des postes qui se libèrent et qui ne trouvent pas tous preneurs. Il y a également une transformation des métiers qui génère des recherches de nouveaux profils, peu disponibles sur le marché. On manque de personnes qui travaillent dans l’Horeca, pour conduire les bus ou les camions, on manque d’infirmières, etc. Même l’administration fédérale chargée de la gestion de l’asile ne parvient pas à recruter le personnel dont elle a besoin. Il faut donc inciter plus fortement les chômeurs à aller chercher ces emplois, et au besoin à effectuer les formations nécessaires. Aujourd’hui, dans ma région, à Mons, le bénéfice des allocations sociales n’est plus perçu comme une situation intermédiaire, entre deux emplois, mais comme un statut à vie. C’est un problème !

La limitation dans le temps des allocations de chômage ferait basculer beaucoup de personnes vers les CPAS, alors que ces institutions sont déjà actuellement dépassées par l’afflux d’usagers et qu’elles sont plus fragiles, dépendant largement des communes. N’est-il pas faux de prétendre qu’elles pourraient offrir un véritable « accompagnement individualisé », ce qu’elles ne font pas actuellement, plus performant que le Forem ?

Tous les CPAS ne sont pas gérés de la même manière, le problème de certaines de ces institutions est qu’elles ont tendance à se disperser dans des activités (culturelles et autres) qui n’ont plus grand-chose à voir avec leur mission première. Par ailleurs, le RI est, dans de plus en plus de cas, remboursé par l’État fédéral aux CPAS à 75 %, 100 %, voire 125 % pour les réfugiés ukrainiens. Mais il est exact qu’il faut revoir la façon dont les CPAS travaillent et je ne suis pas certain qu’il faille, en la matière, conserver le monopole de leur gestion au niveau communal. A mon sens, on devrait pouvoir centraliser le paiement de l’aide sociale comme on le fait pour les allocations de chômage. Il faut, en outre, que les cellules d’accompagnement des CPAS soient rationalisées selon les desiderata du fédéral. La réforme que nous proposons déchargerait des centaines de fonctionnaires du Forem qui pourraient alors se concentrer sur les chômeurs de moins de deux ans, qui ont une employabilité bien plus importante. Il y a, par ailleurs, une centaine de centres d’insertion socioprofessionnelle (CISP) en Wallonie : c’est du gaspillage. La mission de ces centres, c’est-à-dire la remise à l’emploi des personnes qui en sont le plus éloignées, devrait être reprise par les CPAS. Le Forem devrait se focaliser sur la remise à l’emploi des personnes qui en sont le plus proches, tandis que les CPAS prendraient en charge la remise à l’emploi de celles qui en sont plus éloignées, en bénéficiant des moyens actuellement dispersés dans une multitude d’associations. Il faudrait que les personnes qui émargent au CPAS sachent que l’issue pour elles est, à terme, de retrouver un emploi et non de rester à charge du CPAS.

« Les CPAS prendraient en charge la remise à l’emploi de ceux qui en sont plus éloignés »

Concentrer l’accompagnement Forem sur les travailleurs récemment sortis du marché du travail, n’est-ce pas l’exact inverse de ce qu’a organisé la réforme de cet accompagnement qui vient d’être adoptée par la majorité au Parlement wallon?

Il ne vous aura pas échappé qu’au sein du gouvernement wallon actuel le MR ne gère pas la compétence en matière d’emploi. Un accompagnement de 100 % des demandeurs d’emploi par le Forem, c’est un beau vœu, mais c’est un vœu pieux. L’employabilité diminue de 50 % après deux ans de retrait du marché du travail. Que dire après cinq ou dix ans ? Le Forem n’a pas la capacité de réaliser une gestion individualisée et a de mauvais résultats par rapport à la remise à l’emploi. Il vaudrait mieux qu’il se concentre sur le public qui peut le plus facilement retrouver le chemin du travail. S’il met beaucoup de moyens sur le public qu’il est plus difficile de réintégrer, ses résultats moyens ne vont pas s’améliorer. Les chômeurs de longue durée ont souvent avant tout besoin d’un accompagnement social que les CPAS sont mieux à mêmes de leur offrir. En outre, si on veut résoudre le problème du chômage, il faut également s’attaquer à la réforme du marché du travail. Dans toute une série de cas, le droit du travail se révèle opposé à l’intérêt du travailleur.

Vous dites que vos propositions sont inspirées par la volonté de mieux valoriser le travail. N’est-ce pas contradictoire avec votre proposition de limiter dans le temps les allocations de chômage ? Des salariés qui ont, peut-être, travaillé et cotisé pendant vingt ans se trouveraient après deux ans de chômage à un niveau d’allocation similaire à celui d’une personne qui n’a jamais travaillé ou qui bénéficie d’une « allocation de revenu de base ». N’y aurait-il pas là un recul du caractère assurantiel de l’indemnisation du chômage ?

Non. Tout d’abord, l’allocation de chômage est calculée sur le dernier salaire. L’allocation de chômage pourrait pendant deux, trois ou quatre mois être équivalente au dernier salaire. A ce niveau-là, la logique assurantielle serait bien présente : plus vous avez cotisé, plus votre allocation serait élevée. Ensuite, il faut constater que la logique assurantielle de l’indemnisation du chômage a déjà sauté. Il y a des personnes qui sont au chômage pendant trente ans. Dans une logique d’assurance, il y a un plafond d’intervention en matière de sinistre. Ce n’est pas le cas dans la Sécurité sociale, qui relève de « l’assurance solidaire ». Tout le monde ne perçoit pas au prorata de ce qu’il a payé. Si on suivait jusqu’au bout l’idée du caractère assurantiel de l’indemnisation du chômage, il ne faudrait donner aucune allocation à la personne qui n’a jamais travaillé. Si on fixait la période couverte par des allocations en fonction du nombre d’années travaillées, on exclurait plein de monde. Limiter les allocations de chômage dans le temps, ce n’est pas une question d’économies budgétaires. Après un certain nombre d’années, déjà actuellement, l’allocation de chômage est réduite au niveau du RI. L’intérêt, selon moi, de limiter les allocations de chômage dans le temps, c’est avant tout d’offrir à chaque personne un accompagnement pertinent, que chaque personne ait le bon statut pour qu’on lui apporte la bonne aide. Un chômeur sur deux actuellement accompagné par le Forem est au chômage depuis plus de deux ans. Ces personnes ont une employabilité tellement faible que, même si le Forem était performant, il aurait du mal à les remettre à l’emploi.

(1) Arnaud Lismond-Mertes, « MR : Haro sur les chômeurs et les organisations syndicales », Ensemble ! n°108, novembre 2022.

(2) Michiel Segaert et Nathalie Nuyts, « Dix ans de dégressivité renforcée des allocations de chômage – Évaluation de l’impact sur les transitions vers l’emploi et sur les dépenses sociales au cours de la période 2010-2020 », octobre 2022, ONEm (disponible en ligne).

(3) MR, « Belgium 2030 – Synthèse des propositions (au Congrès) et questions », (2022).

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