cpas

« Répondre aux besoins des citoyen.ne.s les plus fragiles ! »

Karine Lalieux (PS), défend le bilan de son action de ministre fédérale dans les matières d’aide sociale, dans un contexte de crises successives…

Karine Lalieux : «  L’amélioration de la situation des personnes en situation de handicap a été l’une de mes priorités, en concertation avec les différents gouvernements du pays ».
Karine Lalieux : «  L’amélioration de la situation des personnes en situation de handicap a été l’une de mes priorités, en concertation avec les différents gouvernements du pays ».

Depuis octobre 2020, Karine Lalieux (PS) est ministre des Pensions et de l’Intégration sociale de la coalition Vivaldi. Elle y est chargée également des Personnes handicapées, de la Lutte contre la pauvreté et de Beliris. Des fonctions auxquelles elle a accédé avec notamment une connaissance concrète des matières liées à l’aide sociale, puisqu’elle avait juste avant été présidente du CPAS de la Ville de Bruxelles pendant près de deux ans. Alors que cette législature s’achemine vers sa fin, il nous a paru intéressant de dresser avec elle un bilan de son action. Après la transformation de la loi minimex en loi sur le droit à l’intégration sociale (2002), portée par le ministre Johan Vande Lanotte (SP.a), qui a lancé la mise en place de la contractualisation des allocations et de l’État social actif en Belgique, la compétence de l’Intégration sociale a été assumée de 2003 à 2011 par des ministres PS : Christian Dupont, Marie Arena (tous deux en charge aussi des pensions) et finalement Philippe Courard. A partir de 2011 et jusqu’en septembre 2020, ce sont des libéraux (Maggie De Block, Willy Borsus et Denis Ducarme) qui ont eu cette responsabilité. Cette dernière décennie a été marquée par plusieurs mesures restrictives, voire stigmatisantes, dont certaines ont été heureusement supprimées soit totalement, par exemple pour le service communautaire (par la Cour constitutionnelle), soit partiellement pour les attaques contre le secret professionnel, notamment grâce à des mobilisations auxquelles le CSCE a participé. A l’autopsie, il faut reconnaître que le bilan de la ministre Lalieux et de la coalition Vivaldi réunissant le PS, Vooruit, le CD&V, l’Open VLD, le MR, Ecolo et Groen s’avère, à tout le moins en matière de personnes handicapées et d’aide sociale, très différent de celui des gouvernements précédents…

En soi, on ne peut que se réjouir des pas en avant qui ont été effectués. Il faut toutefois relever que la situation dans ces matières contraste avec celle de l’assurance chômage, ou aucune avancée notable n’a été enregistrée sous cette législature. La ministre Lalieux nous indique que, s’agissant des besoins des citoyens précarisés, « si le CPAS ne rencontre pas ces besoins, personne ne le fera». N’y a-t-il pas là une forme d’acceptation de l’extension de l’emprise de l’intervention des CPAS, des aides ciblées et conditionnées pour « les vrais pauvres », au détriment de la défense d’un projet de Sécurité sociale forte et de répartition des richesses ? Une dynamique bien illustrée par le basculement massif de chômeurs vers l’aide sociale (Lire ici), ce que la ministre dénonce par ailleurs. Ces transferts ont des conséquences sur le terrain, dont le non-recours aux droits et la situation des CPAS chaque jour plus débordés par les demandes d’aide auxquelles on leur demande de répondre sans véritablement leur en donner les moyens, a fortiori structurels. Ce que la ministre reconnaît. Si elle met en avant les soutiens apportés aux CPAS, elle dit regretter n’avoir pu résoudre le problème à la hauteur souhaitée…

Karine Lalieux : «  Entre autres soutiens aux CPAS, j’ai décuplé le budget du projet MIRIAM, visant à aider les CPAS à soutenir les familles monoparentales ». Ici la ministre au CPAS de Saint-Gilles avec sa présidente, Myriem Amrani.
Karine Lalieux : «  Entre autres soutiens aux CPAS, j’ai décuplé le budget du projet MIRIAM, visant à aider les CPAS à soutenir les familles monoparentales ». Ici la ministre au CPAS de Saint-Gilles avec sa présidente, Myriem Amrani.

Après l’entrée en vigueur de la loi de 2002, plusieurs ministres PS ont eu en charge l’intégration sociale, parfois avec les pensions ou les personnes handicapées en sus. Mais, depuis 2011, ce sont des libéraux qui monopolisaient cette compétence. Le PS, premier parti de la coalition, a donc revendiqué de la reprendre lors de la formation de la Vivaldi ?

En fait, c’est plus largement que la famille socialiste (nous avions un accord là-dessus avec Vooruit) souhaitait obtenir l’ensemble des matières de Sécurité sociale et d’aide sociale. Pour la santé, les pensions, le travail et l’aide sociale, c’était une volonté forte du PS que ce soit des socialistes qui soient à la manœuvre. Le fil rouge des matières dont j’ai la charge, c’est qu’elles concernent des groupes vulnérables. Bien sûr, tous les pensionnés ne le sont pas mais le problème de la pauvreté ou de la précarité des aînés est prégnant, d’où ma volonté prioritaire de rehausser la pension minimum mais aussi d’augmenter la GRAPA. (Lire l’encadré ci-dessous) Cette garantie de revenu aux personnes âgées est un complément pour les personnes dont la pension de retraite est très basse, donc les aînés les plus fragiles, complément qui leur permet d’avoir un revenu plus digne. Les personnes en situation de handicap vivent elles un risque de pauvreté trois fois plus élevé, d’où l’importance de remonter aussi leurs allocations. Et enfin, les personnes au CPAS, dernier filet de la protection sociale. C’est donc une politique globale qui vise à augmenter les allocations sociales et à donner un meilleur pouvoir d’achat aux plus fragiles.

Augmentation du montant de la GRAPA :

– Relèvement de 8% du montant de base
– Maintien de l’index
– Maintien de l’enveloppe bien-être.
Le montant pour une personne isolée, qui était de 1.154 euros en 2020, sera augmenté à 1.511 euros à la fin de cette législature, soit presque 360 euros par mois de plus (sur base des prévisions d’inflation du Bureau du Plan en date du 7/11/2023).

Des personnes fragiles qui sont souvent stigmatisées, surtout celles au CPAS…

Oui et les CPAS sont une priorité pour les socialistes, ce qui n’est pas nécessairement vrai pour les autres partis. Et je parle de tous les autres partis. Pour nous les socialistes, qui sommes des municipalistes et des défenseurs du service public, les CPAS sont au cœur des politiques sociales de nos communes. Pour nous cet instrument, tant décrié par la droite qui le considère comme « blindé de fric », est essentiel. J’ai effectivement tout fait pour donner des moyens supplémentaires aux CPAS mais c’est à la hauteur de tout le travail qu’ils font. Un travail essentiel, de service public et de proximité. Les CPAS sont là pour répondre aux besoins des citoyens, y compris des besoins nouveaux, et il ne faut jamais oublier que si le CPAS ne rencontre pas ces besoins, personne ne le fera.

Vous êtes la première ministre de l’Intégration sociale à avoir été présidente de CPAS…

En effet. Et je pense que cela a été un soulagement pour les CPAS. Beaucoup de ministres voient les CPAS de très loin et ne connaissent pas la réalité de terrain. Alors qu’avoir été présidente d’un grand CPAS comme celui de la Ville de Bruxelles (et de la fédération bruxelloise des CPAS), avoir vu le boulot incroyable abattu au quotidien par les travailleurs, sociaux et autres, cela a été un gage pour les acteurs qui s’étaient sentis maltraités par les gouvernements précédents. J’avais été l’une de celles qui avaient négocié avec le fédéral durant la première vague Covid, notamment pour obtenir la prime de cinquante euros de supplément au revenu d’intégration (RI) et pour soutenir un secteur qui souffrait beaucoup et avait fait preuve d’un dévouement énorme en restant ouvert à 95 % pendant le Covid alors que toutes les autres administrations étaient fermées ! J’étais donc ravie d’obtenir ces compétences et bien décidée à m’en saisir.

Sous le gouvernement précédent, il y avait eu une fronde des associations contre le nouveau système de contrôle de la résidence imposé aux bénéficiaires de la GRAPA… (1)

J’ai précisément toujours tenu à travailler avec les associations de terrain. Ce contrôle de la résidence avait été suspendu pour cause de Covid mais j’ai eu à cœur d’y apporter rapidement des changements durables. En effet, le système mis en place par la droite était totalement disproportionné, en plus d’être humiliant et angoissant. La droite considère que les aînés sont un poids et un coût, en oubliant ce qu’ils ont apporté à la société et le lien qu’ils font avec les plus jeunes. Lorsque j’ai pris mes fonctions, j’ai été frappée à quel point cela avait touché les aînés, tous, pas seulement les « grapistes », d’être considérés comme une charge, un poids pour leurs cadets. Je ne voulais clairement plus du rôle de « flicage » qu’on faisait jouer aux facteurs, je voulais qu’on cesse d’en faire des messagers de mauvaises nouvelles. Il s’agissait de faire en sorte de diminuer les angoisses des aînés, qu’ils puissent se mouvoir sans une épée de Damoclès au-dessus de leur tête. J’ai donc prévu un délai plus long pour prouver sa résidence, une possibilité par exemple d’aller à la mer pour s’occuper de ses petits-enfants sans devoir en avertir le service des pensions, etc. (Lire l’encadré ci-dessous pour les détails de la nouvelle procédure.) Mais, bien sûr, on est en aide sociale, il y a donc des conditions de résidence, on ne peut pas vivre à l’étranger et continuer à percevoir l’aide sociale de Belgique. L’essentiel est que le nouveau système donne satisfaction, nous n’avons plus de plaintes, la situation est apaisée. Et le montant de la GRAPA a été revalorisé, comme je l’ai déjà dit.

Réforme du contrôle de la condition de résidence pour les bénéficiaires de la GRAPA : une procédure moins intrusive et plus juste

– Suppression du contrôle par le facteur.
– Suppression de l’objectif de vérifier au moins 80% des bénéficiaires par an.
– Le délai pour se présenter à la commune passe de 5 jours à 29 jours depuis le premier envoi.
– Il n’y a plus d’obligation de notification pour les courts séjours à l’étranger de 5 jours. En outre, pour un séjour à l’étranger plus long, le jour du départ et le jour de l’arrivée ne sont plus pris en compte.
=> Les bénéficiaires peuvent ainsi aller à l’étranger pendant une semaine sans être tenus de notifier à l’avance le Service fédéral des Pensions.
– Il n’y a plus d’obligation de notification pour les séjours temporaires dans un autre lieu de résidence en Belgique.
– Enfin, la nouvelle procédure prévoit une extension des bénéficiaires qui sont exclues du contrôle de résidence :
o Les personnes admises dans une maison de repos, une maison de repos et de soins ou dans une institution de soins psychiatriques en Belgique ;
o Les personnes âgées de plus de 80 ans ;
o Les personnes inscrites à l’adresse d’un CPAS ;
o Les personnes avec un handicap.

A ce propos, c’est la première fois qu’un gouvernement instaure une augmentation aussi volontariste des allocations les plus basses. Cette hausse historique était prévue en quatre phases mais celle de janvier 2024 a malheureusement été rabotée… Cela doit être un regret pour vous ?

C’est d’abord une grande satisfaction car l’augmentation a été très significative. Il ne faut pas oublier que nous avons premièrement garanti les deux « enveloppes bien-être », ce qui n’était pas gagné d’avance, il a fallu se battre à chaque conclave. Nous avons aussi préservé l’indexation, dans une période de forte inflation, ce n’était pas évident non plus. Pour le budget 2024, il y avait au total trois milliards d’efforts à faire et tous les ministres ont évidemment dû y prendre leur part. J’ai donc fixé des priorités. La première était de sauvegarder intégralement la quatrième phase de revalorisation de l’allocation de remplacement de revenu (ARR) des personnes en situation de handicap, parce que ce sont les allocations les plus basses, parce qu’un handicap en général ne disparaît pas et enfin parce que ce sont les personnes qui ont le plus de difficultés à obtenir un revenu du travail. Ceci car certaines personnes sont trop fortement handicapées pour pouvoir travailler mais aussi parce que celles qui sont capables de travailler souffrent de discriminations importantes, j’y reviendrai. Concernant la pension minimale, j’ai suivi le même raisonnement (en conservant la hausse à hauteur de deux tiers) : il s’agit de personnes pensionnées qui ne sont plus sur le marché de l’emploi. Car même si les retraités peuvent encore travailler, on sait que ce ne sont pas les plus précaires parmi ceux-ci qui auront beaucoup d’opportunités de le faire. Alors certes la quatrième phase a été complètement supprimée pour la GRAPA et le RI. Mais comme déjà dit, ces allocations ont été fortement relevées avant cette décision. (Lire l’encadré pour la GRAPA et l’encadré ci-dessous pour le RI.) En outre, pour les bénéficiaires du RI, ce n’est pas un « revenu définitif », l’objectif est bien de les intégrer tôt ou tard dans l’emploi. Donc, même si c’était un choix difficile, et que je ne l’aurais pas fait si j’avais été toute seule au gouvernement, il m’a semblé que c’était pour ces personnes que l’effort serait le moins douloureux.

Revalorisation du revenu d’intégration (RI)

Le revenu d’intégration, sous ce gouvernement mis en place en octobre 2020, a connu une augmentation historique de 30%, due pour 18% aux neuf indexations, pour 8% aux revalorisations supplémentaires voulues par le gouvernement et pour 4% aux deux liaisons au bien-être.

Si les prévisions du Bureau du Plan se confirment, une nouvelle indexation de 2 % des allocations devrait avoir lieu avant la fin de cette législature.

Les revalorisations sous cette législature représenteront alors une augmentation nette :

– de 219,70 € par mois pour la catégorie 1,
– de 329,558€ pour la catégorie 2
– de 445,38€ pour la catégorie 3.

En parlant de travail, vous avez aussi œuvré sur ce point en faveur des personnes en situation de handicap avec la fin du « prix du travail ». Ainsi, précédemment, dans un autre domaine, que sur la fin de ce qu’on appelle « le prix de l’amour » !

Oui. Il faut rappeler qu’une personne en situation de handicap perçoit, si elle ne peut travailler, une allocation de remplacement de revenu (équivalente au RI), plus, dans certains cas, une allocation d’intégration (AI) dont le montant dépend de la gravité de son handicap. Un médecin établit le nombre de points correspondant à la situation de dépendance, autrement dit l’impact du handicap sur la capacité à accomplir les activités quotidiennes de manière autonome. L’AI est octroyée à partir d’un minimum de sept points et est fonction du nombre de points obtenus (avec un maximum de dix-huit). Or, ce n’est pas parce que vous trouvez un travail ou que vous vous installez avec un.e partenaire que votre handicap disparaît ! Cela fait longtemps, notamment via mon collègue Jean-Marc Delizée, lorsqu’il secrétaire d’État aux Affaires sociales, chargé des Personnes handicapées, que le PS se battait contre cette mesure et était parvenu à la supprimer partiellement. La dernière étape permettant de l’abolir complètement a été réalisée dès mon arrivée en fonction. J’ai voulu poursuivre la logique pour le « prix du travail » : ce n’est pas parce que vous travaillez que vous n’aurez plus besoin des séances de kiné (vous pourriez même en avoir davantage besoin), d’un transport adapté, etc. Sans compter les avantages dérivés, comme le tarif social. Je n’ai pas réussi à le supprimer totalement mais le plafond a été fortement relevé. (Lire l’encadré ci-dessous) Pour conserver les droits dérivés, j’aurais voulu obtenir que, dans tous les cas, il reste au moins une AI forfaitaire de un euro. Mais, malheureusement, les libéraux ont bloqué. Le PS remettra cela sur la table à l’avenir. Ce serait en vérité une mesure favorable à la remise au travail. Si l’on veut atteindre un taux d’emploi de 80 %, il faut, entre autres, supprimer les obstacles à l’emploi pour les personnes en situation de handicap.

Le « prix du travail » fortement diminué pour les personnes handicapées

L’Arrêté royal du 1er février 2022, publié le 11 mars 2022, a modifié l’Arrêté royal du 6 juillet 1987 relatif à l’allocation de remplacement de revenus (ARR) et à l’allocation d’intégration (AI) en relevant significativement la limite d’exonération des revenus d’activité et de remplacement pour le calcul de l’allocation d’intégration (AI).

Le nouvel arrêté précise que les exemptions suivantes, avec un effet rétroactif au 1er octobre 2021, s’appliquent au calcul de l’AI :

– Pour les revenus du travail de la personne handicapée : l’exemption est portée à 72.366 euros, au lieu de 23.356 euros auparavant. Les revenus dépassant ce montant sont entièrement déduits de l’allocation.

– Pour les revenus de remplacement de la personne handicapée : les 3.780 premiers euros sont exonérés. Qu’il y ait ou non une exonération sur les revenus du travail, c’est ce montant qui est exonéré sur les revenus de remplacement.

La ministre Karine Lalieux rappelle que l’allocation d’intégration est destinée à compenser les coûts supplémentaires que rencontre une personne en situation de handicap afin qu’elle puisse participer pleinement à la vie sociale. Diminuer l’AI lorsque la personne travaille est problématique car, explique la ministre : « Avoir un travail ne fait pas disparaître le handicap, ni les besoins qu’il génère. Un abattement trop faible revenait finalement à sanctionner ou décourager les personnes pouvant travailler et désireuses de participer au marché de l’emploi puisque cela avait un impact négatif très concret sur leur allocation d’intégration. Il était plus que temps de corriger cette injustice ».

La diminution du prix du travail est l’une des mesures du Plan d’action fédéral Handicap, porté par la ministre Karine Lalieux au sein du gouvernement. Avant cela, la même ministre avait déjà totalement aboli le « prix de l’amour », c’est-à-dire la prise en compte des revenus du ou de la partenaire de la personne handicapée dans le calcul de son allocation d’intégration. Cette suppression est effective depuis le 1er janvier 2021.

Ajoutons aussi que l’allocation de remplacement de revenus (ARR) et l’allocation d’intégration (AI) ont été rendues accessibles dès 18 ans (au lieu de 21 précédemment), avec effet rétroactif au 1er août 2020, répondant ainsi à l’arrêt rendu le 9 juillet 2020 par la Cour constitutionnelle stipulant que le critère d’âge de 21 ans n’était plus pertinent eu égard à la modification apportée en 1990 à l’âge de la majorité civile et qu’il violait donc la Constitution.

Les gouvernements des entités fédérées sont aussi concernés par les questions de handicap…

Oui et là je veux remercier tous les gouvernements, le fédéral et les fédérés. La conférence interministérielle a été activée en tant que telle. J’ai mis en place un plan d’action fédéral Handicap. C’est un plan transversal : chaque ministre a dû amener ses priorités, en concertation avec son administration, et les inclure dans son propre budget. Cela avance bien, avec évaluation par Unia et le Conseil supérieur. Et le gouvernement a approuvé en décembre un avant-projet de loi visant à ancrer dans la loi les principes d’adoption d’un plan d’action fédéral Handicap à chaque législature, dans les douze mois suivant l’installation d’un nouveau gouvernement. La coopération avec Petra De Sutter (Groen!), ministre de la Fonction publique, fonctionne bien. J’ai pris mon bâton de pèlerin pour aller voir tous les présidents des administrations afin que chacun mette en place un plan d’action pour atteindre le quota de 3 % alors qu’on n’est même pas à la moitié. Et j’ai mené une campagne positive de recrutement pour ma propre administration, qui disait « On ne voit pas votre handicap, on voit vos compétences ». (Lire l’encadré ci-dessous) Ce qui a permis en un an d’atteindre les 3 % dans mon administration ! En outre, nous avons fait en sorte qu’il y ait également un plan interfédéral Handicap, afin d’imbriquer les initiatives régionales et fédérales.

Emploi des personnes en situation de handicap au SPF Sécurité sociale

Plaidant pour davantage d’engagements de personnes en situation de handicap dans les entreprises et les administrations, la ministre Lalieux a décidé de donner l’exemple au sein du SPF Sécurité sociale : « Cela s’est concrétisé par une sélection spécifique de nouveaux talents en juin 2023 via le lancement d’une campagne sous le slogan « Nous cherchons de nouveaux collègues qui ont ce petit quelque chose en plus ». Cette initiative visait à offrir des opportunités ciblées, alignant les profils avec les besoins de l’organisation ».

En novembre 2023 (l’année n’était donc pas encore terminée), le SPF Sécurité sociale avait reçu 80 candidatures de personnes en situation de handicap lors de ses sélections, pour 40 en 2022 et 15 en 2021. Selon le rapport de la Commission d’accompagnement pour le recrutement de personnes avec un handicap dans la fonction publique fédérale (CARPH), le pourcentage de personnes en situation de handicap employées par le au SPF SS était de 1,54 % en 2021 et de 1,65 % en 2022. Ce taux est aujourd’hui de 3,07 %, deux fois plus donc qu’en 2021 !

Pour faire la transition vers les CPAS, vous avez aussi ajouté l’allocation d’intégration dans les ressources exonérées…

En effet. Toujours en écoutant le terrain, nous avons essayé de compléter et clarifier les questions de ressources, qui posent souvent problème, avec comme constance de moins pénaliser la mise au travail et la solidarité. Nous avons amélioré les questions concernant les allocations familiales. Nous avons aussi supprimé la discrimination entre les ressources de jobs des étudiants boursiers et non boursiers, en rappelant que, lorsque l’on investit dans un RI étudiant, on investit dans l’avenir. Nous avons obtenu l’exonération socio-professionnelle pour les ALE et pour les personnes qui vont vers un métier en pénurie mais malheureusement pas pour la formation, ce qui était pourtant une demande des régions. Nous avons aussi beaucoup soutenu les CPAS dans leurs actions en matière d’aide alimentaire et lancé des appels à projets, à lutter contre le non-recours aux droits, le sans-abrisme, la fracture numérique… Nous avons aussi décuplé le budget du projet MIRIAM, visant à soutenir les familles monoparentales.

A ce propos, la digitalisation croissante fait peur à beaucoup de bénéficiaires et d’associations. Or, vous avez lancé un projet « CPAS on line »…

Je signale d’abord que nous avons consacré trente millions (du plan de relance européen), via les CPAS donc, à la lutte contre la fracture numérique. C’est important pour avoir accès à tous ces services, dont les bancaires, qui se font de plus en plus en digital mais aussi pour garder le contact avec certains membres de la famille, comme la période Covid l’a montré. L’objectif de « CPAS on line », comme le travail sur les flux de la Banque Carrefour de la Sécurité sociale, est de lutter contre le non take up et de permettre une simplification administrative. Le but est d’ajouter une porte d’entrée au CPAS, mais sans en retirer d’autres. Cela vise notamment les travailleurs pauvres, les indépendants, les étudiants, etc. Cela doit permettre de démystifier les CPAS pour ces publics, d’éviter les files (et la réticence à s’y « montrer »). Une bonne part des personnes précarisées ont la capacité d’utiliser les outils numériques ou l’envie d’apprendre à le faire. C’est important de leur donner ce type d’accès, du moment que ce ne soit pas au détriment des guichets physiques. Autre avantage : le demandeur a la garantie d’avoir son accusé de réception, ce qui reste parfois une difficulté dans certains CPAS.

Un point qui provoque des inquiétudes, c’est la nouvelle circulaire sur l’adresse de référence, où l’on a l’impression que l’Intérieur a pesé plus que l’Intégration sociale…

Tout d’abord, la loi n’a pas changé. Dans certaines communes, il y avait un ping-pong continuel entre l’administration communale et le CPAS. Les radiations posaient souvent problème, se faisaient attendre pendant des mois. La nouvelle circulaire devrait améliorer ça. La commune ne pourra pas contredire l’état de besoin établi par le CPAS. J’entends bien les craintes, nous allons évaluer la nouvelle procédure et s’il y a des soucis, nous ferons les rectifications nécessaires.

L’augmentation du nombre de personnes au RI vient en partie des restrictions d’accès au chômage et des exclusions de celui-ci. Or, beaucoup de partis prônent à présent une limitation à deux ans des allocations de chômage…

Je pense que les président.e.s de CPAS se rendent bien compte que ce serait catastrophique. C’est un slogan idiot et, si elle était prise, ce serait une mesure absurde. Tout d’abord, la sanction n’a jamais aidé à aller vers l’emploi. Renvoyer vers les CPAS serait éloigner plus encore ces personnes de l’emploi. Certes les CPAS ont souvent des services d’insertion mais cela n’a rien à voir avec ce que peuvent faire le Forem et Actiris. Les services d’insertion des CPAS accompagnent des personnes très éloignées de l’emploi, souvent avec des besoins spécifiques : formation en langue, traitement des assuétudes, peu d’expérience professionnelle etc. Ce serait un transfert absurde de la Sécurité sociale vers l’aide sociale, qui noierait les CPAS sous les demandes. Un transfert injuste du fédéral vers les communes, dont les finances ne pourraient pas suivre, surtout si le remboursement du RI restait partiel comme aujourd’hui. Cela n’aiderait personne à trouver un emploi et ce ne serait même pas utile pour augmenter le taux d’emploi.

Karine Lalieux : «  Donner l’exemple du recrutement dans mon administration de personnes en situation de handicap via le lancement d’une campagne ciblée ».
Karine Lalieux : «  Donner l’exemple du recrutement dans mon administration de personnes en situation de handicap via le lancement d’une campagne ciblée ».

Concernant un meilleur remboursement fédéral du RI aux CPAS, quelle est votre position ?

C’est un objectif mais pas pour justifier le renvoi des chômeurs vers les CPAS ! Un meilleur remboursement se justifie par la charge de travail qui est de plus en plus lourde. J’ai déjà amélioré le remboursement par dossier et apporté tous les soutiens ponctuels possibles (Covid, énergie, Ukraine, etc.). Le projet REDI vise aussi à donner aux CPAS les moyens d’apporter des aides complémentaires. (2)

Des mesures que vous n’avez pas pu prendre et que voudriez réaliser si vous rempiliez dans ces fonctions ?

Pour les personnes en situation de handicap, l’allocation forfaitaire à un euro évidemment. Et pour leur permettre un plus large accès à l’emploi, une loi contraignante, comme dans la plupart des autres pays européens, pour atteindre le taux de ces personnes mises à l’emploi dans les entreprises. En obligeant celles qui n’atteindraient pas le taux de verser une somme à un fonds visant à aménager les espaces de travail pour les rendre accessibles aux personnes handicapées. Pour les CPAS, le taux de remboursement, comme déjà évoqué, doit être amélioré, d’autant que la hausse importante du RI n’a pas été immunisée pour les CPAS et que donc leur charge financière a augmenté comme leur charge de travail. La situation actuelle est contraire au principe de solidarité, puisque ce sont les communes les plus pauvres qui ont la charge la plus lourde. Je voudrais aussi faire davantage pour que les travailleurs des CPAS puissent voir diminuer leur charge administrative au bénéfice de leur travail social.

(1) Lire, entre autres, Yves Martens, « GRAPA : un contrôle de timbré », Ensemble ! n° 101, p. 80, décembre 2019.

(2) A ce stade, le projet suscite néanmoins des critiques. Lire Bernadette Schaeck (aDAS), « REDI – Rien à y REDIre ? », Ensemble ! n° 110, p. 66, juillet 2023.

Partager cet article

Facebook
Twitter