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Cherchez la femme, le Noir et le prolo

Les pages des quotidiens sont désespérément monochromes. La prise de conscience qui semble se dessiner dans les rédactions tarde à produire ses effets dans le contenu de nos gazettes. Ce que nous enseigne le baromètre 2018-19 de l’Association des Journalistes Professionnels consacré à l’égalité et la diversité en presse quotidienne.

Pas très féminine, l’info

En 2019, au premier abord, la présence des femmes est en recul. Les femmes représentant en moyenne générale 15,39% des intervenants dans l’information de la presse quotidienne, pour 17,31% en 2103-14. Mais l’analyse montre que ce sont les pages sportives qui plombent les résultats : la presse consacre très peu de place au sport féminin (6% de femmes dans les pages sportives) et encore moins aux joueuses. Dans les contenus hors sport, la présence des femmes est en réalité en progression : on passe de 25% à 30% de femmes (1)

Presque totalement ignorées dans le sport, les femmes sont toujours aussi peu présentes dans la thématique économie (18%, soit un statu quo par rapport à 2013-2014), et à peine davantage. En revanche, elles gagnent environ 5 points dans la thématique politique (de 18,20 à 24,5%). On s’étonne qu’elles ne soient pas plus présentes dans le secteur de l’enseignement et de l’éducation, traditionnellement connoté féminin. Sans surprise, en revanche, les thématiques dans lesquelles on les fait le plus souvent intervenir sont celles de la santé et du bien-être.

Les femmes sont surtout présentes dans des rôles passifs, de manière encore plus marquée que dans notre étude précédente. Quand elles ont la parole, c’est surtout dans des rôles de vox populi (environ 27%). Si la part de femmes dans le rôle de porte-parole est plus importante qu’auparavant (elle passe de 14 à 20%), la part d’expertes n’a pas évolué et est même légèrement en recul, à 13% seulement.

Notons enfin que la part de femmes dans les catégories socioprofessionnelles supérieures (cadres et dirigeants, et professions intellectuelles et scientifiques) reste minoritaire (entre 12 et 19 %).

Ces invisibles de la diversité

La part d’intervenants issus de la diversité d’origines, qui était passée de 17 à 33% entre 2010 et 2013-14, se stabilise à 34% en 2018. Cette diversité provient surtout – c’est logique -de l’information internationale (49%) et des articles qui traitent de sport (38%). Là, on tombe carrément dans la caricature : les personnes issues de la diversité n’ont qu’une chance infime d’apparaître dans les gazettes en tant que « quidam ». Un micro-trottoir sur un sujet – les soldes, la rentrée scolaire, les embouteillages, etc. – que l’on veut illustrer la vox populi ? Les journalistes vont presque systématiquement se tourner vers ceux qui leur ressemblent. Dans l’échantillon 2018, les quidams issus de la diversité représentent 0% de l’échantillon : un recul par rapport à 2013, où elles représentaient 7,14% de l’échantillon.

Faut-il, au contraire, faire appel à un expert pour commenter un sujet d’actualité ? La diversité n’a pas la cote non plus dans ce milieu : à peine plus de 6% des experts apparaissant dans les journaux sont identifiés comme issus de la diversité : encore un recul par rapport à 2013, où ils étaient plus de 14%. Les journalistes de presse écrite se tournent en revanche plus volontiers vers des personnes issues de la diversité lorsqu’il s’agit de les faire parler de leur vécu personnel – et, on le présume, de leurs difficultés (27,60%, pour 23,83 % en 2013-14).

Elitiste, la presse !

Si l’on retire les journalistes (évidemment très visibles dans le monde de la presse) et les sportifs (très présents dans les pages sports des gazettes), les catégories supérieures sont de loin les plus représentées dans les quotidiens : elles regroupent 81,18% des intervenants dont la profession est identifiable.

(1) Source : Etude de la diversité et de l’égalité dans la presse quotidienne belge francophone – AJP 2029 http://www.ajp.be/diversite/#rech1

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