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De l’ONEm au CPAS : moins et pas pour tous

Les chômeurs.euses qui seraient exclus après deux ans pourraient-ils bénéficier d’allocations délivrées par le CPAS ? Oui, pour certains, mais à un niveau généralement moindre et avec des conditions plus restrictives. Non, pour d’autres.

Dessin Manu Scordia

Dans sa publication de mars 2020 consacrée à la Belgique, l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) préconise d’instaurer une limitation dans le temps des allocations de chômage et que le relais soit pris par le régime d’assistance sociale, c’est-à-dire par le Revenu d’intégration (RI) dispensé par les Centres publics d’action sociale (CPAS) : « (…) Pour que l’aide à long terme apportée aux chômeurs corresponde davantage aux besoins des ménages, la plupart des pays de l’OCDE limitent la durée de versement des prestations de l’assurance chômage, tout en permettant aux chômeurs de bénéficier de programmes d’assistance chômage ou d’aide sociale soumises à conditions de ressources lorsqu’ils arrivent en fin de droits. De même, la Belgique devrait abandonner les allocations forfaitaires au profit de prestations soumises à conditions de ressources pour les chômeurs de longue durée. (…). Il faudrait pour cela considérer l’aide au revenu octroyée aux chômeurs de longue durée appartenant aux ménages défavorisés comme une question relevant de la politique sociale, qui serait financée par les recettes fiscales générales et non par les cotisations de Sécurité sociale. Quelle que soit la méthode choisie pour introduire les conditions de ressources, il importe de noter qu’une partie des bénéficiaires des allocations de chômage perdraient inévitablement l’aide au revenu qu’ils reçoivent. Ce sera probablement le cas des chômeurs qui vivent dans des ménages ayant d’autres sources de revenu, comme ceux dont le conjoint travaille, ou qui possèdent des actifs ou de l’épargne, comme certains travailleurs plus âgés ayant déjà effectué une longue carrière. (…) » (1). Qu’est-ce que cela signifierait concrètement ? En cas d’introduction d’une limitation à deux ans des allocations de chômage, quels sont les chômeurs exclus qui auraient accès à l’aide sociale délivrée par les CPAS ? A quelles conditions ? A combien auraient-ils droit ? Quelle serait leur perte de revenus ?

L’assurance contre le chômage involontaire

Pour répondre à ces questions, il convient tout d’abord de bien situer ce que sont les allocations de chômage, délivrées par l’ONEm et ce qu’est le revenu d’intégration (RI), délivré par les CPAS. L’assurance chômage est une branche de la Sécurité sociale gérée par l’Office national de l’emploi (ONEm). Le principe de l’assurance chômage est d’indemniser, par le biais des allocations, les salariés privés de travail et de rémunération suite à des circonstances indépendantes de leur volonté (par exemple, être licencié de son emploi et non en avoir démissionné).

« Une partie des bénéficiaires des allocations de chômage perdraient inévitablement l’aide au revenu qu’ils reçoivent » (OCDE)

Le droit aux allocations de chômage est ouvert après une période d’occupation comme salarié (appelée « stage » en Belgique et nommé « période d’affiliation » dans beaucoup de pays) au cours d’une période de référence précédant immédiatement la demande d’allocations de chômage. (Lire l’encadré) Le chômeur doit en outre être disponible sur le marché de l’emploi : être inscrit auprès de l’organisme régional de l’emploi (Actiris à Bruxelles, Forem en Wallonie), répondre aux convocations, prouver ses efforts de recherche d’emploi, accepter un emploi convenable ou une formation, etc. Un régime particulier organise l’octroi d’allocations dites « d’insertion » pour les jeunes au sortir des études, qui n’ont pas encore pu travailler suffisamment pour ouvrir leur droit aux allocations de chômage. Ce régime « d’allocations d’insertion » a été largement détruit par les réformes de 2012 et 2015. (2)

Comme l’ensemble de la Sécurité sociale, l’assurance chômage est essentiellement financée par le biais de cotisations sociales (prélèvement de 0,87% du salaire payé par chaque salarié et de 1,46% payé par l’employeur), à quoi s’ajoutent des subventions de l’État (fédéral) issues principalement de la TVA. Le droit au chômage est lié à l’emploi salarié, soit qu’on ait perdu son travail, soit qu’on n’en ait pas encore trouvé après des études. Les autres conditions pour accéder aux allocations de chômage sont également liées à l’emploi. En revanche, il n’y a pas de conditions liées à l’état de besoin. Dès lors que l’on est privé de travail et de rémunération, l’ONEm ne peut par exemple tenir compte ni du patrimoine, ni de l’épargne du chômeur ni non plus des ressources des personnes avec qui il cohabite ou de celles ou de ceux qui ont une obligation alimentaire à son égard.

L’assistance basée sur l’état de besoin

Le Revenu d’intégration (RI) délivré par les CPAS ne relève pas de la Sécurité sociale à proprement parler, mais d’une politique d’assistance, qui vise à préserver le droit de toute personne à mener une « vie conforme à la dignité humaine ». Le RI est un droit résiduaire, qui n’est accessible que lorsque la personne a épuisé toutes les autres voies pour se procurer un revenu (travail, allocations de chômage…). Le RI n’est pas financé par les cotisations sociales (ni réservé aux salariés), mais par l’impôt. Seule une partie de son financement (entre 55 % et 70%) est prise en charge par l’État fédéral, le solde est à charge du CPAS qui octroie l’aide, et donc de la commune dont il dépend.

A la différence des allocations de chômage, le RI n’est octroyé que si, après une enquête sociale, le CPAS reconnaît à la personne un « état de besoin », c’est-à-dire qu’elle ne peut pas disposer de ressources suffisantes, ni ne peut y prétendre, ni n’est en mesure de se les procurer, soit par des efforts personnels, soit par d’autres moyens. Il appartient au demandeur d’apporter la preuve de son droit au RI et de collaborer à l’enquête sociale à cet effet, ce qui suppose de dévoiler aux assistants sociaux une large partie de sa vie privée (y compris avec une intrusion contestée dans les extraits de compte). Par le biais de l’enquête sociale, le CPAS examine de quelles ressources dispose le demandeur. Il est tenu compte de toutes les ressources du demandeur, sauf de celles qui sont spécifiquement exonérées par arrêté royal. (3) La liste de ressources exonérées est précise, ce qui est positif, mais elle est exhaustive, ce qui peut poser problème.

Le RI n’est octroyé que si, après enquête sociale, le CPAS reconnaît un « état de besoin »

En effet, si une ressource n’est pas explicitement exonérée, elle doit être prise en compte. Le CPAS est tenu de tenir compte des ressources du conjoint du demandeur, qu’ils soient mariés ou constituent un ménage de fait. Le CPAS peut aussi (là c’est donc facultatif mais la plupart des CPAS le font) prendre en compte les ressources des ascendants et descendants 1er degré (c’est-à-dire les parents et les enfants) majeurs avec qui le demandeur cohabite et, s’il le fait, totalement ou partiellement. C’est un élément fondamental. Si les chômeurs cohabitants voient leur allocation scandaleusement diminuée (alors qu’ils ont cotisé pleinement), ils gardent néanmoins un revenu minimum personnel. Au CPAS, le plus souvent ce ne sera pas le cas. En outre, le CPAS peut aussi renvoyer vers les débiteurs d’aliments avec lesquels le demandeur ne cohabite pas.

Tous ces éléments font que les chômeurs qui perdraient leur droit au chômage après deux ans seraient non seulement nombreux à ne rien recevoir du CPAS mais aussi que même ceux qui seraient aidés, pour beaucoup, verraient le montant de base théoriquement dû amputé à cause de ces règles fondamentalement différentes en aide sociale et en chômage… Enfin, il faut noter que le montant forfaitaire des allocations d’aide sociale (RI) et celui des allocations de chômage (lié au salaire dans un premier temps) ne sont pas identiques, même si, depuis leur « dégressivité renforcée », instaurée par le gouvernement Di Rupo (coalition PS – CD&V – MR- sp.a – Open VLD – cdH, 2011-2014), leur montant converge après maximum quatre ans avec celui, théorique, du RI.

Quelle situation après l’exclusion du chômage ?

Concrètement, quel serait l’impact pour les chômeur.euse.s depuis deux ans du fait d’être exclus et renvoyés vers les CPAS ? Il est impossible de répondre précisément à cette question étant donné la diversité des situations. D’une part, les personnes au chômage depuis deux ans ne sont pas toutes au même stade de la dégressivité de leurs allocations, dégressivité qui ferait que leur revenu baisserait aussi si elles restaient au chômage au-delà de deux ans. (Lire les graphiques ici et ici) Leur allocation dépend aussi de leur salaire perdu pour celles qui ne sont pas (encore) au forfait. D’autre part, s’ils passent au CPAS, leur situation sera différente selon les divers revenus qui seraient pris en compte dans le calcul des ressources. On peut cependant s’en faire une idée, à travers différents exemples typiques.

– Anne travaille et est en couple avec Pierre qui est au chômage depuis bientôt deux ans. Anne gagne 1.700 euros nets. Pierre bénéficie d’une allocation de chômage minimale de 997,62 euros. Si Pierre est exclu du chômage après deux ans, il n’aura aucun droit au RI car le salaire de son conjoint dépasse celui de deux RI au taux cohabitant (2 x 825,61 euros). La chute du revenu disponible du ménage serait donc de près de mille euros. S’il était resté au chômage au-delà de deux ans, son allocation serait en effet passée de 997,62 à 938,6 euros pour baisser ensuite progressivement jusqu’au forfait de 703,04 € au maximum deux ans plus tard.

– Iris et Jules sont au chômage depuis bientôt deux ans. L’un et l’autre bénéficient d’une allocation de chômage minimale de 997,62 euros, soit un total de 1.995,24 euros par mois. S’ils sont exclus du chômage après deux ans, ils ne pourront bénéficier que de deux RI au taux cohabitant (2 x 825,61 euros), soit un total de 1.651 euros. S’ils étaient restés au chômage au-delà de deux ans, leurs allocations seraient passées de 997,62 chacun à 938,6 euros pour baisser ensuite progressivement jusqu’au forfait de 703,04 € au maximum deux ans plus tard. On notera donc qu’ils pourraient devoir se tourner vers le CPAS au maximum un an plus tard, quand leur allocation de chômage passera sous celle du CPAS et pour autant qu’ils n’aient pas de ressources que le CPAS peut/doit prendre en compte.

– Irma vit seule et bénéficie d’une allocation minimale de 1.354,86 par mois après presque deux ans de chômage. Si elle est exclue du chômage, elle pourra recevoir au CPAS un RI de 1.238,41 euros, ce qui représente une perte de 116,45 euros. Or, étant déjà au forfait, elle aurait conservé 1.354,86 € par mois au chômage à durée indéterminée. Si elle bénéficiait d’une allocation de chômage maximale de 1.515,54 euros et était restée au chômage au-delà de deux ans, elle serait passée à 1.454,18 €, puis à 1.392,82 € puis enfin à 1.354,86 € à durée indéterminée.

– Chaïma vit avec sa fille Anaïs, 17 ans. Au chômage depuis bientôt deux ans, elle bénéficie d’une allocation minimale de 1.671,8 euros (1.690,26 euros pour l’allocation maximale). Si elle est exclue, elle pourrait recevoir un RI au taux chef de ménage de 1.673,65 euros.

On le voit, à peu près tous les chômeurs.euses de plus de deux ans exclus du chômage recevraient un montant d’allocation moindre au CPAS, à l’exception partielle des chefs de ménage ayant au moins un mineur à charge. La perte liée à l’exclusion du chômage serait particulièrement lourde (en général totale) pour les cohabitant.e.s ayant un conjoint disposant d’un revenu du travail. Elle serait plus lourde pour les chômeurs.euses qui avaient une allocation supérieure à l’allocation minimale. En outre, il faut relever que les montants du revenu d’intégration cités ci-dessus sont des montants complets… C’est-à-dire que ces allocations, à la différence des allocations de chômage, sont susceptibles d’être encore réduites, éventuellement jusqu’à zéro, au motif que le bénéficiaire dispose d’autres ressources ou peut faire appel à la solidarité familiale.

Une solidarité renvoyée vers les familles

En effet, le CPAS peut tenir compte des revenus du/des parent(s) ou de l’enfant (des enfants) avec lequel le bénéficiaire cohabite. Il « peut », c’est donc facultatif. Mais, dans les faits, beaucoup de CPAS en tiennent compte systématiquement. Comme l’illustrent les différents cas (réels) ci-après.

– Nadia bénéficie du RI taux avec famille à charge (cheffe de famille). Elle a une fille mineure à sa charge et un fils majeur, Jean, qui réside chez elle. Mais lorsque Jean a travaillé en job étudiant pendant tout le mois de juillet, le CPAS a refusé de payer le RI de Nadia. Jean a donc dû prendre en charge tous les frais du ménage pendant le mois de juillet, loyer et frais d’énergie compris, afin d’assurer la subsistance de sa mère et de sa sœur.

– Nathalie et son fils Roland sont titulaires du RI. Lorsque Roland a été engagé dans un contrat de travail article 60, le CPAS y a trouvé motif de retirer le RI de sa mère. Celle-ci dépendra complètement financièrement de son jeune fils pendant l’année que durera le contrat de travail de ce dernier.

– Kylian est âgé de 32 ans. Il vit chez sa mère dont les indemnités de mutuelle dépassent de 70 euros l’équivalent de deux RI cohabitants. Il est surendetté mais ne peut engager une médiation de dettes parce que le CPAS lui a refusé à trois reprises un RI cohabitant, même partiel, ou une aide sociale. Sa mère et lui-même vivent sous la menace permanente de saisies par huissiers.

– Roger et Marie ont quatre enfants et bénéficiaient du RI. Ils étaient en fin de bail et ne trouvaient pas de logement. Le couple et les quatre enfants ont été hébergés – dans des conditions très difficiles – par les parents de Marie. Le CPAS a tenu compte de la totalité des revenus des parents de Marie. Roger et Marie se sont trouvés sans aucun revenu, à charge complète des parents de Marie. (4)

L’exclusion de l’assurance chômage et de la Sécurité sociale signifie donc un renvoi total ou partiel vers la solidarité familiale et communale, la solidarité organisée au niveau national n’intervenant plus que de façon résiduaire.

Un accès difficile au chômage

Pour avoir droit à une allocation de chômage sur la base du travail en cas de perte d’emploi, il faut prouver un certain nombre de jours de travail salarié au cours d’une période de référence précédant immédiatement la demande d’allocations de chômage. L’ONEm prend en compte les jours de travail salarié, avec une rémunération que la législation considère comme suffisante et pour lesquels il y a eu des retenues de Sécurité sociale, y compris pour le secteur chômage (auquel par exemple les fonctionnaires nommés ne cotisent pas). La loi instaurant la semaine de cinq jours date seulement du 20 juillet 1960. Ceci explique que les chômeurs sont indemnisés en fonction de la semaine de six jours, du lundi au samedi inclus donc. Ce régime d’indemnisation est resté identique quand la semaine de travail a été réduite. Le plus souvent dès lors, un mois complet de chômage représente vingt-six jours. Lorsqu’un travailleur perd son emploi, s’il travaillait à temps plein, l’ONEm compte donc un forfait de septante-huit (trois fois vingt-six) jours de travail par trimestre complet presté.

Un jeune de moins de 36 ans doit ainsi prouver 312 jours de travail temps plein (soit quatre trimestres) au cours des vingt-et-un mois précédant sa demande. Pour le travailleur de 36 à 49 ans, c’est 468 jours (soit six trimestres) au cours des trente-trois mois précédant sa demande. A partir de 50 ans, c’est 624 jours (soit huit trimestres) au cours des quarante-deux mois précédant sa demande. Il faut donc dire que si les allocations de chômage sont en principe (sauf sanctions et exclusion) octroyées sans limite dans le temps en Belgique, ce qu’aucun autre pays européen ne fait, aucun de ces autres pays ne demande non plus une si longue période de cotisation, en particulier si l’on parle des trente-six ans et plus. Si l’on prend l’exemple de nos voisins immédiats, la période d’affiliation est ainsi de six mois de travail pendant les douze derniers mois au Luxembourg, de six mois au cours des vingt-quatre derniers mois en France, de six mois au cours des trente-six derniers mois aux Pays-Bas et de douze mois au cours des trente derniers mois en Allemagne.

L’allocation d’insertion
Étant donné la difficulté, principalement quand on n’a pas travaillé en CDI temps plein, de décrocher ce chômage sur la base du travail, un régime d’accès au chômage sur la base des études existe en Belgique. Avant 2012 on parlait d’allocations d’attente et depuis cette date d’allocations d’insertion. Ce régime a été largement détruit par les réformes de 2012 et 2015 et ne représente plus que 7,70 % des chômeurs complets indemnisés demandeurs d’emploi (CCI DE). (1) 

Les conditions d’accès sont les suivantes :
– avoir terminé la 6ème année de l’enseignement secondaire général ou au moins la 3e année de l’enseignement secondaire professionnel, artistique ou technique sans condition de diplôme, hormis pour les moins de vingt-et-un ans. Une formation en alternance terminée ouvre aussi le droit ;
– être disponible sur le marché de l’emploi : être inscrit auprès de l’organisme régional de l’emploi (Actiris à Bruxelles, Forem en Wallonie), répondre aux convocations, accepter un emploi convenable ou une formation, etc. ;
– cette inscription fait débuter le stage d’insertion professionnelle au plus tôt le 1er août qui suit la fin des études et dure minimum 310 jours (un an). Au cours de ce stage, le jeune doit obtenir de l’organisme régional de l’emploi deux évaluations positives de ses recherches d’emploi. Une évaluation négative prolonge la durée du stage ;
– ne pas avoir atteint l’âge de vingt-cinq à la fin du stage d’insertion (sauf exceptions).

(1) Lire notre étude « Etude des modifications du régime d’allocations de chômage sur base des études (2012 – 2014) »

Seulement les « vrais (très) pauvres »

Comme déjà indiqué, les allocations d’assistance délivrées par les CPAS n’étant pas fondées dans un système d’assurance collective organisée par la Sécurité sociale, elles sont octroyées sur base de l’état de besoin et donc en tenant compte des ressources réelles ou même « fictives » des candidats bénéficiaires.

Reprenons le cas de la chômeuse cheffe de ménage précitée. Chaïma vit avec sa fille Anaïs, 17 ans. Au chômage depuis deux ans, elle bénéficie d’une allocation minimale de 1.671,8 euros (1.690,26 euros pour l’allocation maximale). Imaginons qu’elle soit la propriétaire de la maison dans laquelle elle habite, soit qu’elle en ait hérité soit qu’elle l’ait achetée lorsqu’elle travaillait. Le CPAS doit tenir compte d’un revenu fictif calculé sur la base du revenu cadastral non indexé. Imaginons que le revenu cadastral de son logement soit de 1.500 euros. Il est tenu compte de la partie du revenu cadastral qui dépasse le montant exonéré multiplié par trois. L’exonération s’élève à 750 euros, majorée de 125 euros par enfant pour lequel l’intéressée a la qualité d’allocataire en ce qui concerne les allocations familiales. Donc ici le calcul donnera 1.500 – (750 + 125) = 625. On tient donc compte de 625 x 3 = 1.875 € de revenu (fictif) sur base annuelle, soit 156,25 € par mois de « revenu fictif ». Ces 156,25 euros seront donc déduits de son RI de 1.673,65 euros. Soit une perte d’autant par rapport à sa situation au chômage. Et ce même si Chaïma doit encore rembourser un prêt hypothécaire de par exemple 700 euros par mois. Cela risque de pousser Chaïma à vendre sa maison, car on ne peut « manger les briques ». En plus de son absence d’emploi, elle sera alors en butte à des problèmes de logement. Si Chaïma bénéfice d’un revenu locatif, par exemple de 400 euros en louant l’étage de sa maison, ce revenu sera complètement déduit de son RI. Si elle possède une épargne supérieure à 6.200 euros, un revenu fictif sera aussi calculé sur la partie qui dépasse ce plafond exonéré. Le renvoi du chômage vers le CPAS impacterait donc lourdement Chaïma qui pourrait basculer ainsi dans la pauvreté, au motif que l’assistance n’est pas l’assurance, qu’elle n’aide que les « vrais » pauvres et n’a pas vocation à permettre aux personnes de payer leur prêt hypothécaire.

Est-ce l’avenir que nous souhaitons ?

Voilà ce qui se trouve derrière la recommandation de l’OCDE « d’abandonner les allocations forfaitaires au profit de prestations soumises à conditions de ressources pour les chômeurs de longue durée ». C’est conforme au modèle de société libérale qu’elle promeut : laisser le marché organiser la répartition des richesses, réduire autant que faire se peut les mécanismes de redistribution et la Sécurité sociale au profit d’un système d’assistance sociale minimal restrictif à destination des « vrais pauvres ». Est-ce l’avenir que nous souhaitons ?

(1) « Etudes économiques de l’OCDE : Belgique 2020 », Éditions OCDE, (2020), p. 120 et 121.

(3) Arrêté royal portant règlement général en matière de droit à l’intégration sociale du 11 juillet 2002, en particulier l’article 22 pour les ressources exonérées et les suivants (jusqu’au 35) pour le calcul des ressources.

(4) Merci à Bernadette Schaeck qui nous a fourni plusieurs cas vécus.

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