chômage

Un taux d’emploi à 80 % ?

Atteindre un taux d’emploi de 80 % en 2030 est devenu le leitmotiv du gouvernement. Cet objectif est-il réaliste ? Qu’implique-t-il concrètement ? Qui est concerné ? Eclairage.

Le gouvernement De Croo s’est fixé un objectif de passer d’un taux d’emploi de 70 % en 2020 à minimum 80 % en 2030. Le taux d’emploi en Belgique est plus faible que celui de la zone Euro et, que celui de nos voisins immédiats. Ainsi, en 2022, la zone Euro affichait un score de 74,1 % pour 82,9 aux Pays-Bas, 80,7 en Allemagne, 74,8 au Luxembourg, 74 en France et 71,9 en Belgique. Le taux d’emploi est calculé en faisant le rapport entre le nombre de personnes qui, au cours de la semaine précédant le moment du calcul, ont travaillé au moins une heure, et l’ensemble de la population belge âgée de 15 à 64 ans (mais, dans le cadre de la stratégie européenne EU 2020, l’objectif de taux d’emploi Eurostat a été fixé pour la catégorie des 20-64 ans, ce qui est plus réaliste de nos jours). (Lire l’encadré) C’est ce taux Eurostat dont nous donnons les chiffres ci-dessus et dont nous parlerons, sauf mention contraire, dans la suite de cette analyse. Il s’agirait donc en dix ans de le relever de dix points alors qu’au cours des vingt années précédentes il n’en a même pas gagné cinq (65,8 % en 2000) !

Le taux d’emploi tel qu’il est mesuré n’apporte aucune garantie de bien-être des travailleurs, ni même d’amélioration de leur situation par rapport à l’inactivité

Notons néanmoins qu’il en a presque gagné deux entre 2020 et 2022. Mais, outre que cet objectif semble irréaliste, il est présenté comme devant permettre d’améliorer le pouvoir d’achat des travailleurs (grâce à plus de revenus du travail) et à améliorer le budget de l’État et de la Sécurité sociale (grâce à moins de dépenses sociales et à plus de recettes). On a immédiatement envie de dire à nos gouvernants que si un job une heure par-ci ou par-là et des salaires au lance-pierre sont suffisants pour remplir le critère formel, il n’en va pas de même pour atteindre les objectifs concrets. Autrement dit, quelqu’un qui aurait travaillé seulement une heure (ou même un peu plus mais sans atteindre au moins un 4/5ème temps) durant la semaine précédente ne verra sans doute pas ses revenus augmenter, restera sans doute bénéficiaire d’allocations et ne générera guère de cotisations sociales ni de recettes fiscales. Le taux d’emploi tel qu’il est mesuré n’apporte aucune garantie de bien-être des travailleurs, ni même d’amélioration de leur situation par rapport à l’inactivité ou au chômage. Mais, au-delà de ces considérations, est-ce juste réaliste ? Dans un article paru en juin 2022, Nicolas De Decker répondait clairement que non, en passant en revue les catégories à « activer » pour y parvenir. (1)

Les aînés

La question des travailleurs (plus) âgés mobilise particulièrement la Flandre, vieillissante. Notons que 2030, l’année de l’objectif, est aussi celle du relèvement de l’âge de la retraite à 67 ans. On peut imaginer que le but réel de la mesure (qui date du gouvernement Michel) était moins d’obtenir véritablement que la majorité des travailleurs quittent effectivement le monde du travail à 67 ans que d’augmenter la quantité de ceux qui ne le feront qu’à 64. Autrement dit, avec un âge de départ à la retraite à 67 ans, celles et ceux qui anticipent ce départ le feront sans doute plus tard que si l’échéance était toujours à 65. Ceci de façon contrainte et forcée le plus souvent. Rappelons aussi que le gouvernement De Croo est également à l’œuvre sur une réforme des retraites. Le retour prévu du « bonus pension », qui permet aux personnes qui continuent à travailler après l’âge de la pension anticipée afin de recevoir une pension plus élevée ensuite, va dans le même sens d’essayer de pousser vers un départ moins précoce à la retraite. Aspect positif, c’est un bonus et pas une sanction. Mais, étant donné la discrimination souvent en vigueur envers les aînés sur le marché de l’emploi, on peine à croire que cela suffira à booster beaucoup plus le taux d’emploi des aînés. Et c’est une carotte qui pour beaucoup aura les aspects du bâton. Car celles et ceux dont la pension anticipée serait trop basse n’auront d’autre « choix » que de continuer à travailler. Elle pose également des questions d’équité entre les pensionnés. Est-ce aux personnes qui ont eu la chance d’avoir des métiers et la santé qui leur permettent de travailler au-delà de l’âge de la pension anticipée qu’il faut accorder un « bonus » où à ceux et celles qui ont été trop usés par le travail ou encore qui ont eu une carrière qui ne leur ouvre le droit qu’à une très faible pension ?

C’est dans la même logique de garder disponibles plus longtemps les travailleurs âgés que le régime de prépension a été fortement réduit et qu’une grande partie des chômeurs âgés, dits à présent chômeurs avec complément d’entreprise (RCC), ne sont plus dispensés de disponibilité sur le marché de l’emploi. Avec des résultats plus que douteux. Ainsi, selon une étude de l’Université de Gand menée auprès de l’Office flamand de l’emploi VDAB, sur les 6.287 personnes qui étaient en RCC en février 2022, 39 sont de retour au travail un an plus tard, soit un très maigre 0,62 %. Le groupe des RCC se heurte à de nombreux obstacles parmi lesquels, sans surprise, « Les problèmes de santé, en particulier, constituent un obstacle pour ce groupe. Pour 40% d’entre eux, c’est l’une des raisons pour lesquelles la marche vers l’emploi est devenue trop longue », explique le VDAB dans cette étude. (2)

En Flandre, la réserve de main-d’œuvre en fin de carrière est très sollicitée

Il n’empêche que cette dimension de l’activation, qui laisse souvent les francophones perplexes, puisqu’ils sont principalement concernés par le chômage des jeunes, doit se comprendre au niveau plus large par le fait que la population flamande est plus âgée et que, vu la situation proche du plein emploi en Flandre qui fait craindre au patronat des revendications de hausse des salaires et d’amélioration des conditions de travail, la réserve de main-d’œuvre en fin de carrière est très sollicitée… Dans une optique libérale de libre marché, la rareté de la main d’œuvre devrait générer une augmentation des salaires, qui elle-même rendrait une partie de l’activité économique non concurrentielle sur le marché international, en rééquilibrant ainsi la demande et l’offre d’emploi. Ce serait une situation qui améliore le rapport de force des travailleurs, ce qui explique que les patrons flamands y soient particulièrement opposés. Une autre solution serait, comme en Allemagne, elle aussi vieillissante, et comme c’était le cas en Belgique dans les années de plein emploi, d’être plus ouvert à l’immigration économique. Mais la pression de l’extrême droite et des nationalistes identitaires flamands y fait obstacle. Il n’empêche que si l’on veut garder une Sécu fédérale, il faut tenir compte des contraintes du marché de l’emploi flamand et de la pression de son monde patronal, sauf à se tirer une balle dans le pied.

Les chômeurs

Concernant les chômeurs, l’essentiel des contrôles a été régionalisé. Chaque région a l’occasion de mener la procédure largement à sa manière et aucune ne s’en est privée. (3) Le contrôle de la disponibilité active a été mis en place en 2004 par le gouvernement Verhofstadt II et plus particulièrement par son ministre de l’Emploi d’alors, Frank Vandenbroucke (tiens, tiens, déjà lui !). Le plan de ce dernier, appelé « Activation du comportement de recherche d’emploi » mais que nous avions rebaptisé de l’expression plus parlante de chasse aux chômeurs, a exclu définitivement du chômage plus de 50.000 personnes et en a sanctionné temporairement plus du double, avec des transferts importants vers les CPAS (même si beaucoup d’exclus n’obtiennent jamais leur aide, étant donné les règles d’octroi différentes en aide sociale par rapport à celles de la Sécurité sociale). (Lire l’article ici) Les exclusions et les sanctions temporaires ont un effet paradoxal : elles diminuent le nombre de chômeurs complets indemnisés, ce qui est l’un des indicateurs auquel le gouvernement tient, mais, en revanche, elles n’améliorent pas le taux d’emploi, si les sanctionnés ne sont pas au travail. Or, même si les sanctionnés sont évidemment aux abois, la sanction n’aide aucunement à les mettre à l’emploi. A cause de leur désarroi mais aussi parce que, si un chômeur n’est plus indemnisé, il perd souvent le droit à des aides à l’embauche. Effet discutable des plans d’exclusion (et cela a été adopté après ceux-ci par nécessité), certains ont désormais droit aux aides même après la sentence mais cela reste une insécurité pesante. L’exclusion est antonyme d’insertion, c’est prouvé de longue date…

Plus encore, la pression sur les chômeurs n’a non seulement pas l’effet de les rapprocher de l’emploi, mais elle a même davantage comme conséquence de les en éloigner. Comme nombre d’acteurs sociaux l’avaient signalé, sur base de l’expérience des pays qui, comme la Grande-Bretagne, l’Allemagne et les Pays-Bas, avaient mis en œuvre avant la Belgique de tels systèmes de harcèlement des chômeurs, l’un des principaux effets de ces mesures a été de faire passer de nombreux sans-emploi du chômage à l’invalidité. On peut donc dire que, si l’activation a permis de baisser significativement le nombre de chômeurs complets indemnisés via les exclusions et les transferts (vers l’invalidité principalement), elle a largement échoué à améliorer le taux d’emploi. Il est vrai néanmoins que l’activation a quand même poussé des chômeurs à accepter des contrats avec un nombre d’heures limitées, d’intérim, etc. qui participent à doper le taux d’emploi, même s’il n’y a qu’une heure travaillée dans la semaine, sans améliorer nécessairement la situation des travailleurs.

Les malades

Une étude du Dulbea pour l’INAMI a bien mis en évidence ces vases communicants. (4) Malheureusement, cette étude n’est pas facilement accessible. Mais, sans surprise, elle montrait que l’effet principal de la pression sur les chômeurs était que ceux qui étaient dans un entre-deux passager, décrochés de l’emploi ponctuellement mais désireux de s’y relancer dès que possible, ne pouvaient, face à la pression de l’obligation de faire la preuve de leurs efforts de recherche d’emploi dans la procédure établie, que basculer dans l’incapacité de travail. Impossible de faire plus contre-productif si l’on vise l’insertion ou même juste le taux d’emploi…

Conséquence logique de cette pression sur les travailleurs avec et sans emploi, le nombre de chômeurs et de travailleurs malades n’a cessé de croître : 5 % par an en plus environ depuis la chasse aux chômeurs de 2004… A ce rythme, le nombre de personnes en maladie (« à la mutuelle » comme on dit), a, pour la première fois en 2015, dépassé celui des chômeurs indemnisés. Et, en dépit des soubresauts de la conjoncture, cette tendance se maintient. Il n’est pas surprenant dès lors que l’activation des malades de longue durée ait été à son tour à l’agenda politique. L’idée étant, pour les chômeurs malades, de les renvoyer au chômage où ils devront à nouveau faire la preuve de leur disponibilité sur le marché de l’emploi. Concernant les malades qui sont toujours sous contrat d’emploi, il s’agit de déterminer s’ils peuvent reprendre leur emploi, fût-ce à temps partiel (le plus souvent c’est ce qu’on appelle le mi-temps médical même s’il est possible de prévoir d’autres fractions du temps de travail), si l’emploi doit être adapté ou s’il est devenu définitivement impossible de réintégrer le poste quitté. Avant les récentes décisions du gouvernement De Croo, les gouvernements Verhofstadt II, Di Rupo et Michel avaient déjà adopté plusieurs mesures dans ce domaine. (Nous reviendrons sur les trajets de réintégration mis en place dès que des données chiffrées suffisantes seront disponibles.) Comme dans les autres secteurs de la Sécu, les mesures prises visent davantage à juguler l’augmentation qu’à vraiment diminuer le nombre de personnes concernées… Et, comme on l’a vu, elles n’ont pas empêché la hausse de se poursuivre.

Les étudiants

Le travail étudiant, initialement cantonné aux périodes de vacances scolaires pour remplacer les salariés pendant leurs congés, a explosé ces dernières années, au fur et à mesure de la dérégulation qu’il a connu : un nombre d’heures autorisées toujours plus élevé dans des périodes de plus en plus larges. Ces étudiants participent donc à l’augmentation du taux d’emploi mais contribuent très peu à la Sécurité sociale (une cotisation dite de solidarité de 8,13 %, dont 5,42 % sont à charge de l’employeur et 2,71 % à charge de l’étudiant et qui n’ouvrent pas de droit au chômage pour ce dernier) et en général pas du tout à l’impôt. Notons aussi ce paradoxe, lié notamment à l’insuffisance des bourses d’études et à des conditions d’octroi trop restrictives : faire des jobs étudiants nuit souvent à la réussite des études, ce qui, in fine, est contreproductif pour l’ensemble de l’ensemble de l’économie.

Les catégories « résiduelles »

Il reste aussi d’autres personnes sans emploi : les bénéficiaires du CPAS (Revenu d’intégration ou aide équivalente à celui-ci), les personnes au foyer et puis toutes les personnes qui ne sont plus indemnisées nulle part. A nouveau, l’on remarque que l’exclusion, la mise à l’écart, n’aident pas à revenir à l’emploi mais ont bien plus tendance à éloigner de la remise au travail. Les incitations à l’emploi pour les personnes handicapées ont aussi été amplifiées tandis que la Belgique est à la traîne pour ce qui est de leur inclusion professionnelle, y compris au niveau du secteur public. Cela dit, quand on parle des personnes au foyer, il faut plus largement parler de la catégorie des femmes, qui sont souvent encore celles qui restent au foyer pour s’occuper des enfants ou aînés et/ou qui interrompent leur carrière ou diminuent leur temps de travail pour les mêmes raisons.

La progression de la participation des femmes au marché de l’emploi est constante mais le taux d’emploi des femmes reste inférieur de 7,6 % à celui des hommes

Les femmes

Les femmes ne sont évidemment pas une catégorie résiduelle, elles sont même la majorité de la population. Nous disions au début de cet article que l’ambition du gouvernement était donc de relever en dix ans le taux d’emploi de dix points alors qu’au cours des vingt années précédentes il n’en avait même pas gagné cinq (65,8 % en 2000 pour 70 % en 2020 et 71,9 % en 2022). Il est intéressant de noter que le taux d’emploi des hommes est passé de 75,5 % en 2000 à 75,7 % en 2022, un statu quo donc. En revanche, celui des femmes est passé de 56 % en 2000 à 68,1 % en 2022, réalisant donc la quasi-totalité de cette progression. Rappelons encore une fois que cet indicateur ne dit rien de la qualité de l’emploi en question et que l’on sait justement que la principale création d’emplois de masse durant ces deux décennies a été la mise sur pied du système des titres-services qui ne concerne quasi que des femmes et qui a prouvé qu’il ne remplissait aucun objectif en matière de qualité d’emploi (loin de là). (5)

Le plus efficace serait de supprimer les discriminations qui touchent les femmes, développer les crèches et les activités extrascolaires, mieux répartir les tâches ménagères et responsabilités familiales, etc.

Il reste que la progression de la participation des femmes au marché de l’emploi est constante et ne s’explique évidemment pas uniquement par les titres-services. Or, on constate que, malgré cette évolution impressionnante du taux d’emploi des femmes (+ 12,1 % donc en vingt-deux ans), il reste inférieur de 7,6 % à celui des hommes. Ce n’est pas une question de formation, on sait que les femmes sont plus diplômées que les hommes. L’hypothèse la plus probable est donc certainement celle d’un partage encore trop inégal des responsabilités familiales qui fait que les femmes, en particulier quand elles ont des enfants bien sûr, sont encore principalement celles qui « sacrifient » tout ou partie de leur carrière à ce rôle (réduction du temps de travail, congés parentaux voire interruption de carrière plus longue). Il est particulièrement intéressant à cet égard de constater que les écarts de taux d’emploi entre les femmes et les hommes dépendant du fait d’avoir ou non des enfants et si oui leur nombre. Il est frappant de constater que le taux d’emploi des femmes sans enfants diffère à peine de celui des hommes sans enfants. L’écart de taux d’emploi entre les femmes et les hommes sans enfants, qui était de 28,5 % en 1986, a aujourd’hui disparu. (Lire le graphique) En pourcentage, il y a même un peu plus de femmes sans enfants au travail que d’hommes sans enfants, à savoir respectivement 79,5% et 79,1%. Si la femme a un enfant, alors le taux d’emploi diminue légèrement à 79,2%. Chez les hommes par contre, le taux d’emploi augmente fortement : 90% des hommes ayant un enfant de moins de dix-sept ans sont au travail. Le taux d’emploi tant des femmes que des hommes est le plus élevé quand ils ont deux enfants. 80,8% des femmes et 93,2% des hommes sont alors au travail. (6)

Une méthode standardisée baséesur des déclarations

Le taux d’emploi et le taux de chômage pris en compte ici sont calculés sur base de l’enquête sur les forces de travail (EFT). Il ne s’agit donc pas de l’ensemble des données existantes, mais d’un échantillon. L’enquête se fait par sondage via une enquête auprès des ménages privés, menée pendant toute l’année, avec une périodicité de publication des données trimestrielle. Elle repose sur les réponses de près de 123.000 personnes (répondants) en âge de travailler (15 ans et plus). Son but principal est de classer la population en âge de travailler (15 ans et plus) en trois groupes (personnes occupées, chômeurs et inactifs), et de fournir des données descriptives et explicatives sur chacune de ces catégories. Cette enquête est également réalisée dans les autres États membres de l’Union européenne (UE) et est coordonnée par Eurostat, le service statistique de l’Union européenne. En Belgique, l’EFT est organisée par Statbel (Direction générale Statistique – Statistics Belgium). Les définitions de l’emploi et du chômage utilisées sont celles du Bureau international du Travail (BIT), garantissant ainsi la comparabilité des résultats à l’échelle internationale, sauf que, comme le demande Eurostat, on fixe l’âge minimum à 20 ans et non à 15 ans.

Taux d’emploi
Le taux d’emploi de la population totale est donc calculé en divisant le nombre de personnes âgées de 20 à 64 ans ayant un emploi par la population totale de la même tranche d’âge. Les personnes en emploi sont celles de 20-64 ans qui, au cours de la semaine de référence, ont effectué un travail en vue d’une rémunération, d’un bénéfice ou d’un gain familial, ne serait-ce que durant une heure, ou qui n’étaient pas au travail mais qui avaient un emploi ou une activité dont ils étaient momentanément absents. Par exemple, on peut être temporairement absent pour des vacances, une maladie, des motifs techniques ou économiques (chômage temporaire),… Depuis 2021 cependant, les personnes qui sont au chômage temporaire pendant une période ininterrompue de plus de trois mois sont comptabilisées parmi les chômeurs ou les inactifs et plus parmi les personnes occupées. La main-d’œuvre familiale (souvent présente dans l’agriculture) est donc également comprise dans la catégorie des personnes occupées.

Taux de chômage
La définition du chômage BIT n’est pas exactement la même que celle par exemple des chômeurs complets indemnisés demandeurs d’emploi (CCI DE), qui est la plus utilisée par l’ONEm.
Les chômeurs BIT sont toutes les personnes qui :
(a) étaient sans travail pendant la semaine de référence, c’est-à-dire qui n’ont pas travaillé en tant que salarié ou indépendant ;
(b) étaient disponibles pour travailler, c’est-à-dire pour commencer une activité en tant que salarié ou indépendant dans un délai de deux semaines après la semaine de référence ;
(c) étaient à la recherche active d’un travail, c’est-à-dire qui avaient entrepris des démarches spécifiques en vue de trouver un emploi salarié ou indépendant pendant une période de quatre semaines se terminant à la fin de la semaine de référence, ou qui avaient trouvé un travail à commencer endéans une période maximale de trois mois.

Un fétiche et une chimère

L’objectif de 80 % de taux d’emploi ressemble donc davantage à un fétiche qu’à un horizon réaliste, pour reprendre l’expression de Nicolas De Decker. Nous avons envie d’ajouter que c’est une chimère et que les mesures adoptées soi-disant pour l’atteindre, si elles se caractérisent souvent par leur inefficacité, sont socialement désastreuses y compris celles qui sont « efficaces » (les titres-services, la dérégulation du travail étudiant, etc.)… Le plus efficace serait certainement de supprimer les discriminations qui touchent les femmes, développer les crèches et les activités extrascolaires, mieux répartir les tâches ménagères et responsabilités familiales, etc. Remarquons qu’une réduction collective du temps de travail, sans diminution de salaire et avec embauche compensatoire irait dans ce sens et serait positive pour le taux d’emploi. L’aspect environnemental de cette politique devrait également être mis en débat : travailler plus, produire plus, consommer plus, est-ce compatible avec les ambitieux objectifs fixés pour réduire radicalement la production de gaz à effet de serre d’ici 2030 et 2050 ? Vers quels objectifs sociaux doivent tendre nos politiques : un maximum d’emplois, même précaires ou mal payés, un maximum de profits ou un maximum de bien-être pour tous et la préservation d’un environnement habitable ? Orienter nos politiques en fonction du taux d’emploi, c’est faire un choix entre ces objectifs, au détriment des intérêts du plus grand nombre et de la préservation de l’environnement.

Une situation fort différente selon les bassins d’emplois

Le taux d’emploi belge des 20-64 ans est de 71,9 % en 2022. 76,7% des 20-64 ans sont au travail en Flandre, 65,7% en Wallonie et 65,2% à Bruxelles.

Le taux de chômage BIT des 15-64 ans s’élève lui à 5,6%. Il est de 3,2% en Flandre, 8,4% en Wallonie et 11,5% à Bruxelles.

De grandes différences régionales apparaissent également dans les taux d’emploi et de chômage ventilés par province. (Lire les tableaux ici et ici.)

(1) De Decker Nicolas, « L’horizon, le fétiche et le bluff », Le Vif L’Express n°22, 02/06/2022.

(2) Bart Haeck et Hugo Littow, « Le chômage avec complément d’entreprise n’incite pas les plus de 55 ans à retrouver du travail », L’Écho, 17 avril 2023.

(3) Lire nos différents articles sur le site d’Ensemble dont Martens Yves, « A chaque région sa façon de chasser les chômeurs », Ensemble !n° 102, juin 2020.

(4) Octave De Brouwer, Elisabeth Leduc et Ilan Tojerow, « The Unexpected Consequences of Job Search Monitoring : Disability Instead of Employment ? », IZA DPn°12304, avril 2019.

(5) Lire à cet égard sur notre site l’étude de Nicolas Moens « Les dispositifs des titres-services et d’aide familiale. Une comparaison des conditions d’emploi et de travail » (2022) et le dossier de couverture de Ensemble ! n° 107, mai 2022.

(6) « L’écart de taux d’emploi entre les femmes et les hommes sans enfants entièrement comblé en 2021 », 7 mars 2023, statbel.fgov.be

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