dossier chasse aux chômeurs.03

Chaque mesure blesse, la dernière tue !

Les Travailleurs sans emploi de la CSC rejettent la limitation des allocations à deux ans. Ils réclament au contraire le droit à un revenu qui permette de mener une vie digne.

Les 155.822 CCI DE sont à 33,97 % des chefs de ménage, 31,61 % des isolés et 34,42 % des cohabitants. Plus d’un quart (25,73 %) vit à Bruxelles, un peu moins d’un tiers (31,62 %) en Flandre et la plus grande part (42,65 %) en Wallonie.
Les 155.822 CCI DE sont à 33,97 % des chefs de ménage, 31,61 % des isolés et 34,42 % des cohabitants. Plus d’un quart (25,73 %) vit à Bruxelles, un peu moins d’un tiers (31,62 %) en Flandre et la plus grande part (42,65 %) en Wallonie.

L’idée de limiter les allocations de chômage dans le temps continue à faire son bonhomme de chemin et paraît susciter l’adhésion de plus en plus de partis politiques. Comme si, faute d’avoir pu enrayer le chômage, malgré toutes les mesures déjà prises, les politiques entérinaient le fait qu’il n’y aurait que l’exclusion des sans-emploi du bénéfice des allocations qui pouvait régler ce problème structurel.
Les partisans de cette mesure invoquent principalement trois arguments :
– La limitation dans le temps pousserait les demandeurs d’emploi(DE) à franchir plus facilement le pas vers l’emploi.
– Au regard des difficultés de recrutement de certains secteurs, il existe un nombre important d’emplois disponibles.
– La limitation dans le temps des allocations de chômage se justifie par la nécessité de réduire les dépenses en matière de Sécurité sociale.

Ces justifications ne résistent pas à l’analyse. De nombreuses études belges (y compris de l’ONEm) et internationales ont démontré que si des mesures coercitives à l’encontre des personnes au chômage débouchaient sur une mise à l’emploi, cela ne concernait principalement que les personnes qualifiées qui sont déjà proches de l’emploi. (1) Même les défenseurs d’une telle mesure, comme Mathieu Lefebvre, professeur d’économie à l’ULg, reconnaissent que « pour les chômeurs de longue durée, l’efficacité d’une telle mesure reste marginale ». (2) Une étude analysant la limitation dans le temps des allocations d’insertion démontre également l’échec de ce type de mesures. (3) Même pour les jeunes universitaires, l’étude indique une augmentation des emplois intérimaires de très courte durée et conclut que « la réforme n’a pas favorisé la transition vers des emplois plus durables ».

Injuste et inefficace

Défendre la limitation dans le temps des allocations de chômage, c’est aussi montrer une incapacité à formuler des propositions concrètes en matière de pouvoir d’achat ou de création d’emplois de qualité. Un camouflet… voire une feuille de vigne asséchée qui aurait beaucoup de mal à cacher l’absence de proposition progressiste en matière de lutte contre la pauvreté ou d’inclusion sociale. Cette mesure injuste et inefficace va mettre à mal le système de solidarité et engendrer un transfert de personnes et de familles qui vont soit se retrouver au CPAS soit sombrer davantage dans la pauvreté. Or, les allocations de chômage permettent déjà à peine de vivre décemment (Lire l’encadré): la crise sanitaire a mis une loupe sur l’insuffisance des montants. Le gouvernement s’en est bien rendu compte à l’époque car il a gelé la dégressivité et revalorisé les allocations de chômage temporaire. C’est donc bien un jugement de valeur qui différencie les publics de « bons chômeurs temporaires » en temps de Covid (comme il y eut les bons chômeurs de chez VW Forest ou de Caterpillar)… et de « mauvais chômeurs »  de longue durée. Ces derniers sont des personnes déjà précarisées qui, depuis l’activation, sont soumises à un contrôle et une pression qui les fait vivre dans l’angoisse et le stress au quotidien. A cela s’ajoutent les constats alarmants sur la santé des personnes sans emploi en termes de santé physique et mentale, ces problèmes étant directement dus à la situation de chômage. (4)

Les allocations de chômage permettent à peine de vivre décemment… ou même pas

Sophie est âgée de trente-sept ans et comptabilise douze années de carrière, elle gagnait 2800 euros bruts. Son employeur l’a licenciée pour motifs économiques. Elle vit seule avec ses deux enfants et est donc « cheffe de ménage ». Elle va devoir vivre en bout de dégressivité avec 1.432,86€ par mois.

Quand Sophie travaillait, elle avait le budget suivant :
Loyer : 690 euros
Chauffage, éclairage, eau : 140 euros
Alimentation, boissons : 400 euros
Santé : 120 euros
Habillement, chaussures : 120 euros
Transport : 200 euros
Communications : 20 euros
Services financiers assurances : 120 euros
Frais de scolarité : 120 euros
Divers : 140 euros
Total  : 2.070 euros

Malgré les allocations familiales qui s’élèvent à 465 € par mois, les revenus de Sophie n’atteignent que 1.897.86€, ce qui ne lui permet pas de boucler les fins de mois. Cela l’oblige à rogner sur l’alimentation, la santé, l’habillement, les chaussures et surtout, elle n’a aucun moyen de faire face à une dépense imprévue.

Son ex-mari au chômage également lui verse une pension alimentaire de 150€ (quand il la verse), ce qui n’est pas suffisant pour combler le déficit. Sophie fera partie de la population belge qui doit choisir entre ses dépenses en faisant une croix sur certains postes. Les allocations de chômage ne permettent pas à Sophie de vivre décemment !

L’exclusion éloigne de l’emploi

Il convient dès lors de rappeler deux constats majeurs. Le premier est que la législation chômage actuelle est déjà très sévère et conditionne fortement l’octroi des allocations : deux évaluations positives pour les jeunes qui sortent des études, durée de travail d’au moins un an à temps plein sur une période de vingt-et-un mois, recherche active d’emploi, statut familial, contrôles très stricts… Le second est que les sans-emploi sont, plus que tout autre groupe social, victimes de problèmes physiques et mentaux, directement liés à leur situation de chômage. (5)

La législation chômage est déjà très sévère et conditionne fortement l’octroi des allocations

L’exclusion des allocations de chômage pour ceux et celles qui ont rempli toutes leurs obligations (étant donné que les autres ont déjà été exclus par l’activation) n’aidera pas à trouver du travail plus rapidement. Au contraire, en perdant ce statut de chômeur ou de chômeuse, la personne exclue des allocations perd un revenu, du lien social, des possibilités de formation et serait de facto encore plus éloignée de l’emploi. A contrario, les Travailleur.euse.s Sans Emploi de la CSC (TSE) exigent l’application de la Constitution et de ce droit fondamental qu’est le droit à l’emploi. C’est pourquoi, nous exigeons avant tout la mise en œuvre de politiques de création d’emplois convenables et durables. C’est le chômage qu’il faut combattre, pas les chômeurs.

Mesures coercitives et préjugés virulents

La grande majorité des allocations minimales sont encore en-dessous du seuil de pauvreté. Trop de personnes sont « injustement » exclues des allocations de chômage ou d’insertion soit parce que les obstacles, de plus en plus nombreux, sont insurmontables soit parce qu’il y a eu une exclusion due à une question administrative dans le cadre du contrôle de la disponibilité ou, tout simplement, parce qu’elles ont subi la limitation dans le temps de leur droit. (6)
Les DE font partie des catégories de la population qui subissent les mesures coercitives les plus fortes en même temps que les préjugés les plus virulents en toute impunité. Pour les TSE, ce sont ces préjugés bien banalisés et bien ancrés dans les mentalités qui légitiment les sanctions et les exclusions bien qu’elles soient injustes. La situation des DE peut et doit être améliorée plutôt que d’être dégradée davantage. Les personnes sans emploi, comme tout un chacun, doivent être assurées d’avoir un revenu de remplacement suffisant et non se retrouver, du jour au lendemain, sans revenu. C’est dans ce cadre que la CSC, des deux côtés de la frontière linguistique, porte dans ce dossier deux revendications importantes et prioritaires : les allocations de chômage doivent être revalorisées et représenter un vrai revenu de remplacement qui permette de vivre décemment. Il s’agit d’une assurance pilier pour tous les travailleurs et travailleuses.

La situation des demandeurs d’emploi doit être améliorée plutôt que d’être dégradée davantage

Pour les TSE, la Sécurité sociale doit garantir aux personnes un revenu qui permette une vie digne. Et force est de constater que c’est de moins en moins souvent le cas actuellement, car soit de nombreuses prestations sont trop basses soit de plus en plus de personnes en sont exclues. Il est essentiel de maintenir les personnes dans le système de la Sécurité sociale, car elle permet aux gens de rebondir, augmente les chances de retrouver un emploi, freine la précarisation et favorise la cohésion sociale. Les TSE exigent une lutte réelle contre les préjugés, la pauvreté et la mise en œuvre de solutions plus adéquates. La limitation des allocations dans le temps n’est pas une option ! Au contraire, il faut un ajustement des allocations de chômage au-dessus du seuil de pauvreté et la suppression de la dégressivité.

(1) Voir à ce propos les différentes analyses menées par l’IRES traitant à la fois de la dégressivité des allocations de chômage, de la limitation dans le temps des allocations d’insertion ou de l’évaluation du dispositif d’activation du comportement de recherche d’emploi.

(2) « Limiter dans le temps des allocations de chômage: la N-VA isolée », site de la RTBF, 4 février 2015.

(3) « Priver les jeunes d’allocations d’insertion est-il un remède efficace pour lutter contre l’abandon scolaire et le chômage ? », Bart Cockx, Koen Declercq, Muriel Dejemeppe et Bruno Van der Linden, Regards économiques.

(4) Voir l’étude de la FEC « Le droit à la santé des sans emploi ».

(5) La santé au risque du chômage, Décembre 2021.

(6) Les allocations d’insertion (sur la base des études) sont déjà limitées dans le temps à trois ans.

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