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Chômeurs en colère contre les dysfonctionnements de la CSC

Arnaud, Laura, Aïda et Cédric sont quatre membres du groupe « Chômeurs.euses CSC en colère », créé pour exiger la réouverture des centres de services de la CSC Bruxelles. Ils et elles présentent leur mobilisation.

21.12.22 - Action « Noël sans argent grâce à la CSC » organisée par Chômeurs en colère devant le centre de services du Bd. Barthélémy.
21.12.22 - Action « Noël sans argent grâce à la CSC » organisée par Chômeurs en colère devant le centre de services du Bd. Barthélémy.

Ce 21 décembre 2022, le collectif Chômeurs.euses CSC en colère organisait une action « Noël sans argent grâce à la CSC » devant l’un des – trop rares – points d’informations ouverts par l’organisme de paiement (OP) de la CSC Bruxelles à l’attention de ses chômeurs. Le but de l’action : médiatiser les problèmes catastrophiques pour les demandeurs d’emploi CSC générés par la fermeture et les dysfonctionnements de leur OP (1). Qu’on le sache, il n’y a pas en cette année 2022  de « Joyeux Noël » pour les demandeurs d’emploi dont les allocations dues ne sont pas payées, qui ne peuvent payer ni leur nourriture, ni leur loyer ni a fortiori de cadeaux pour leurs enfants. Le groupe Chômeurs.euses CSC en colère entend faire connaître largement cette situation, dans l’espoir de la faire changer. Nous avons rencontré quelques-un.e.s de ses membres (Arnaud, Aïda, Laura, Cédric…) après leur action matinale. Nous leur avons demandé de nous expliquer leurs revendications et comment ils en étaient arrivés là.

La matin même, devant le bâtiment de la CSC où se tenait l’action, Arnaud Bilande, l’initiateur du groupe, avait résumé à l’attention de la presse et des chômeurs présents le sens de ce rassemblement « festif » : «  Ça fait plusieurs mois qu’on est mobilisés pour demander la réouverture des centres de services de la CSC Bruxelles. On le voit, aujourd’hui encore, il y a des personnes qui ne seront pas reçues par la CSC, qui ne peuvent pas accéder à son service de paiement. Nous dénonçons ce manque d’accessibilité, qui nous prive de nos allocations de chômage. On fait une action, parce que ça fait des mois que nous rencontrons la direction pour lui demander de rouvrir ses centres de services, de traiter les dossiers à temps, de répondre au téléphone, etc. Il y a beaucoup de gens qui ne sont pas à l’aise avec le français et qui ont des dossiers très complexes, ça ne peut pas simplement être traité par le canal numérique et par téléphone. D’autant que les personnes qui sont en ligne au numéro indiqué par la CSC (quand elles sont joignables) n’ont pas nécessairement accès à tout le dossier du demandeur d’emploi. Il faut que la CSC mette à disposition des chômeurs suffisamment de personnel compétent pour traiter correctement les dossiers de paiement des allocations. Ce n’est pas du tout le cas actuellement à Bruxelles, parce que la CSC a décidé de tout miser sur le numérique pour réduire ses effectifs . C’est une décision d’économie de personnel qui a été prise bien avant la crise du Covid et le syndicat utilise la crise du Covid comme prétexte. Le service chômage est sous-financé et nous sommes considérés comme des sous-affiliés de la CSC ». Aïda complétait : « Notre action d’aujourd’hui est basée sur la thématique de Noël. Les fêtes arrivent et nous voulons attirer l’attention sur la situation de chômeurs de la CSC Bruxelles qui, du fait du non-paiement de leurs allocations, ne savent pas comment vivre, se nourrir, payer quelques factures, payer un cadeau à leurs enfants. On rentre en 2023, et on ne sait pas ce qui nous attend. »

Enfin, un autre militant du collectif enchaînait : « Il y a des gens qui attendent trois mois ou plus le paiement de leurs allocations. Ça concerne des chômeurs à temps plein, mais aussi des artistes, des intérimaires, des chômeurs à temps partiel, etc. Ça met les gens dans une énorme détresse financière et psychologique. Il faut faire des prêts, s’endetter pour payer son loyer, etc. Nous ne sommes pas contre les syndicats, contre la CSC et ses travailleurs, dont on sait bien qu’ils sont en difficulté et proches du burn out, mais nous exigeons des solutions ».

« La CSC a décidé de tout miser sur le numérique pour réduire ses effectifs »

Quelque jours plus tôt, le collectif avait résumé ses revendications minimales présentées à la direction de l’OP de la CSC : « Réouverture de tous les centres de services à Bruxelles, minimum quatre matinées plus un après-midi par semaine, dès aujourd’hui. Des réponses à nos mails et au téléphone. Des dossiers traités à temps, plus aucun retard dans les paiements. Des excuses publiques pour les maltraitances, l’humiliation, les erreurs, la perte de nos documents, les rendez-vous non honorés, les heures d’attente et tous les rappels et frais de huissiers car nous sommes poussés à la précarité par la CSC ! ». Des exigences élémentaires et vitales pour la vie de travailleurs et de travailleuses déjà fragilisé.e.s par la perte d’emploi ou par des formes d’emploi précaire, mais loin d’être rencontrées.

Parole aux chômeurs.euses mobilisé.e.s

Dans notre dernier numéro (Ensemble ! n° 108, novembre 2022), nous avons présenté la situation problématique dans laquelle se trouvent les organismes de paiement (OP) syndicaux. Ceux-ci doivent à la fois faire face aux effets d’un rabotage des moyens octroyés pour leur mission de paiement par l’ONEm, sur décision du gouvernement fédéral, et affronter des attaques politiques, notamment du MR, visant le retrait de cette mission, qui serait alors exclusivement attribuée à la CAPAC.

Le manque de moyens a détérioré la qualité du service rendu aux affiliés. Parfois de façon dramatique, comme à l’OP de la CSC-ACV Bruxelles, qui s’était dès avant la crise du Covid engagée (parallèlement à une fusion avec les OP CSC-ACV de Halle-Vilvorde et de Leuven) dans un projet de fermeture de ses centres de services aux chômeurs, au profit d’une digitalisation, complètement inadaptée par rapport à la réalité des chômeurs bruxellois et de leurs besoins d’accompagnement. La situation catastrophique de cet OP a notamment donné lieu à des mobilisations de travailleurs sociaux (collectif Travail social en Lutte), exaspérés par le constat des conséquences sociales dramatiques de cette fermeture persistante des centres de services, tant pour le paiement des allocations des chômeurs de la CSC Bruxelles que, indirectement, pour leurs propres services. Mais les chômeurs CSC bruxellois se sont également mobilisés sur ce sujet et ce à travers le Comité des Travailleurs sans emploi de la CSC Bruxelles, qui existe de longue date au sein de celle-ci (Lire p. 98), d’une part, et d’autre part le Collectif « Chômeurs.euses CSC en colère », qui s’est créé fin août 2022, à travers l’ouverture d’un groupe Facebook, sur base d’une initiative individuelle (Lire l’interview). Nous leur donnons ici la parole, à la fois pour expliquer leurs tentatives de mobilisation pour faire changer les choses et pour connaître leur perception des changements intervenus depuis les discussions qui ont été établies avec la nouvelle direction de l’OP, en septembre 2022.

Ensemble ! : Comment et pourquoi a été créé le groupe «  Chômeurs.euses CSC en colère » ?

Arnaud : Début juillet 2022, j’avais rentré mon formulaire de fin de contrat C4. Fin août, ne recevant pas de paiement, j’ai commencé à m’inquiéter et à appeler des connaissances à la CSC pour voir si elles pouvaient activer le traitement de mon dossier. Ça n’a pas donné beaucoup de résultats. C’est à ce moment-là que j’ai appris que le collectif Travail social en lutte organisait, le 15 septembre, une mobilisation devant la CSC pour revendiquer la réouverture des guichets de son organisme de paiement (OP) bruxellois, fermé depuis trente mois. J’ai trouvé que c’était une excellente initiative, mais qu’il était dommage que ce soit essentiellement des travailleurs sociaux (qui n’en pouvaient plus de devoir subir indirectement, via les problèmes de leurs usagers, les conséquences de cette fermeture) qui portent cette revendication, sans qu’apparaissent au premier plan les chômeurs, qui sont les premiers concernés. C’est ainsi que j’ai décidé de créer un groupe Facebook « Chômeurs.euses CSC en colère », à la base pour récolter des témoignages. Plusieurs personnes ont rallié le groupe, et c’est ainsi que nous avons rejoint l’appel au rassemblement du 15 septembre en tant que « Chômeurs.euses CSC en colère ». Nous avons exigé et obtenu d’être reçus par la direction de la CSC après notre rassemblement, afin de pouvoir leur exprimer directement nos revendications et de recevoir leurs réponses par rapport à celles-ci. Le fait qu’on colle des affiches sur les centres de services, avec des témoignages de chômeurs, qu’il y ait une mobilisation et une couverture par des médias a commencé à faire bouger les choses. La CSC n’aime pas que ça se sache publiquement que son organisme de paiement bruxellois dysfonctionne complètement. Nous sommes sortis de cette rencontre avec l’engagement de la direction de rouvrir au public les centres de services à Jette, à Schaerbeek et à la rue Pletinckx. Ce fut une première (petite) victoire. Nous avons tenu une seconde réunion avec la direction, qui nous a expliqué que la situation ne serait pas normalisée avant mars, au sortir de laquelle nous sommes convenus de nous rencontrer une nouvelle fois avec la direction de l’OP de la CSC, ce 6 décembre. La direction nous avait annoncé que pour cette date elle aurait finalisé un plan d’action pour la réouverture d’autres centres de services (Ixelles, Forest, etc.). Lors de cette réunion, nous avons dû constater que le « plan d’action » de la direction n’apportait rien de neuf ni de concret, puisque l’on nous a annoncé qu’il n’y aurait à ce stade pas de réouverture de nouveaux centres de services, pas d’extension des plages d’ouverture, que le retard ne serait pas résorbé avant février et que les nouveaux engagés ne serraient opérationnels qu’en mars. Ils n’ont, en outre, toujours pas publiquement demandé des excuses, leur répondeur téléphonique mentionne toujours des fermetures liées au Covid, ils ne répondent toujours pas par mail dans les deux jours, etc.

« On ne se sent pas traités comme des êtres humains »

Aïda : Pour le moment, le personnel présent dans les « points d’information » de la CSC n’a pas accès au dossier de la personne qu’il reçoit. Il prend juste les informations pour les envoyer au gestionnaire du dossier du chômeur, mais ce gestionnaire reste inaccessible. On doit venir à sept heures du matin pour prendre un ticket. On n’est pas sûr d’être reçu. On attend dans le froid pour être reçu, peut-être, à dix heures, etc. On ne se sent pas traité comme des êtres humains. On n’a pas que cela à faire. Et quand enfin vous êtes reçu, ça dure cinq minutes et on vous délivre un message qui se résume à « Oui, oui. On a bien noté. On vous rappellera ».

Comment êtes-vous arrivés à la CSC et quel est votre rapport à l’organisation syndicale ?

Aïda : A la base, je recevais une allocation du CPAS. A l’époque, le chômage, les syndicats, je ne savais pas à quoi ça servait. Puis, j’ai travaillé avec des enfants dans l’enseignement pendant deux ans, dans un contrat PTP (programme de transition professionnelle). Dans ce travail, j’ai subi du harcèlement moral, de la part de la direction et de collègues. Deux ou trois collègues m’ont conseillé de me syndiquer pour être défendue. C’est ainsi que je me suis affiliée à la CSC. Ensuite, j’ai été engagée en intérim pour m’occuper d’enfants de parents travaillant à la Commission européenne. Mais ce sont des horaires très faibles et coupés. J’ai donc besoin d’un complément chômage. Je travaille seulement quelques heures par jour, selon les besoins de l’employeur. Ça me fait trente euros par jour et environ 200 euros par semaine complète. Mais j’ai eu la mauvaise surprise de découvrir que pour chaque jour où je prestais en intérim, je perdais deux jours d’allocations de chômage. Personne ne m’en avait informée, pas même mon syndicat. Ce sont des contrats journaliers : tous les jours la société d’intérim t’appelle pour savoir si tu veux travailler. Sur place dans mon travail, je n’ai pas de contact avec un délégué syndical. Des collègues qui ont connu le même problème que moi m’ont conseillé de serrer les dents et de passer le test « Epso » nécessaire pour obtenir un poste en CDI à la Commission européenne…

En attendant que le CSC me paie...
"En attendant que la CSC ma paie"

« On ne peut même pas compter sur son syndicat »

En tant que jeunes chômeurs, on se sent exclus, rejetés par la société et on se retrouve très seuls, face à soi-même, on ne peut même pas compter sur son syndicat. On se lève le matin et on se demande : qui suis-je, que suis-je dans cette société ? On demande du travail, on ne nous en donne pas. On demande une allocation de chômage, elle n’est pas payée… On a pourtant des capacités, des compétences, mais on n’est pas entendus. On vous dit : refaites telle formation supplémentaire, etc. Mais à un moment, ce n’est plus gérable. Les organisations syndicales pourraient nous aider à briser notre solitude et à nous donner collectivement une voix, montrer qu’elles peuvent apporter des solutions à notre mal-être. Ce n’est pas le cas aujourd’hui.

« Lorsque la crise du Covid est arrivée en 2020... »

La veille de l’action du 21.12.22, la CSC a (enfin) communiqué par mail vis-à-vis de ses chômeurs à propos de la crise de son OP : « Cher affilié, Chère affiliée, Par cette lettre, nous tenons dans un premier temps à vous présenter nos excuses quant aux désagréments et aux situations difficiles que vous auriez pu rencontrer. Lorsque la crise du Covid est arrivée en 2020, le nombre de dossiers chômage a augmenté de manière astronomique, et ce en très peu de temps. Les équipes de nos centres de services ont fait le maximum pour suivre la cadence, mais les conditions étaient telles que nous n’avons pas toujours pu servir l’ensemble de nos affilié.e.s dans des délais raisonnables. Nous en sommes navrés.

Face à ce travail titanesque, la CSC Bruxelles a voulu prioriser le contact numérique afin d’y concentrer ses ressources et traiter un maximum de dossiers rapidement. Malheureusement, même si nous en étions bien conscients, force est de constater que le numérique ne suffit pas. Pour certains dossiers, un contact téléphonique ou physique est nécessaire. C’est pourquoi, dans un second temps, nous voulons vous rappeler les différentes étapes à suivre et les solutions pour nous joindre. 1. L’e-mail reste le moyen privilégié. Grâce à une trace écrite, avec les documents en pièces jointes, nos équipes disposent d’un support solide auquel se référer. C’est le moyen le plus rapide pour traiter un dossier (…) 2. Le numéro de téléphone 02/557.88.88 vous permettra de joindre notre call center et d’obtenir un contact direct. 3. Les Points d’infos CSC vous permettront un contact physique direct. Votre paiement n’est pas en ordre? Vous avez besoin de documents ou d’attestations? Un changement d’adresse e-mail ou un changement de n° de téléphone ? Imprimer un document? Modifier votre adresse, n° de compte en banque ou composition de ménage? Besoin d’aide ?…

Permanences aux points d’infos : Bruxelles (Bd Barthélémy 43, 1000 Bruxelles – Mardi/Mercredi de 8h30 à 11h30). Jette (Rue Uyttenhove 45, 1090 Jette – Lundi/Mardi/Jeudi de 8h30 à 11h30). Schaerbeek (Av. Zénobe Gramme, 27/3, 1030 Schaerbeek – Lundi/Jeudi de 8h30 à 11h30). (…) »

Ce narratif de la crise et du positionnement de la CSC revient tout d’abord à prétendre présenter des excuses, mais sans reconnaître aucune faute ni responsabilité, puis à attribuer la crise de l’OP à la crise sanitaire et, enfin, à présenter comme une issue acceptable la digitalisation des relations entre l’OP et les demandeurs d’emploi, accompagnée de possibilités d’accueil présentiel totalement insuffisantes par rapport aux besoins. Un positionnement imbuvable pour « Chômeurs.euses CSC en colère », auquel son communiqué de presse annonçant l’action répond sur plusieurs points. Tout d’abord, « Chômeurs.euses CSC en colère » maintient sa demande d’excuses publiques de la CSC. Il rappelle, ensuite, que les capacités d’accueil des « points d’info » actuellement prévus sont totalement insuffisantes et demande la réouverture pleine et entière de tous les centres de services, en rappelant qu’en 2019, « la CSC comptait six centres ouverts à Bruxelles, dont la plupart étaient ouverts quatre matinées par semaine ainsi que les après-midi ». Enfin, le collectif dénonce une instrumentalisation de la crise sanitaire par la direction de la CSC. Selon lui, la situation actuelle s’explique « principalement par la volonté de dématérialiser les services du syndicat pour faire des économies budgétaires ». La CSC, poursuit son communiqué de presse, « a trouvé dans la crise du Covid une opportunité pour mettre en marche cette transition, tout en se montrant incapable de compenser la fermeture des guichets avec des outils numériques. Aujourd’hui, la CSC ne semble même pas en mesure de modifier le répondeur de sa centrale d’appel (qui parle toujours de la crise du coronavirus) ou de communiquer des informations pratiques sur son site internet ou ses réseaux ».

Laura : Moi, je suis une ancienne de la Sabena, et c’est de cette époque que date mon affiliation à la CSC, qui me défendait sur mon lieu de travail. En tant que chômeuse, je ne vois pas les organisations syndicales. Le nom de « chômeur » pèse lourd. On est déjà exclus partout parce qu’on ne travaille pas. Les banques n’acceptent pas de te prêter, etc. Si en plus le syndicat nous traite comme ça, où va-t-on ? Ils sont censés nous aider. On est des affiliés, mais ils enfoncent le clou encore plus profond. Nous avons des droits, on n’a pas demandé à être chômeurs. Nous souhaitons vivre, respirer. Tant que nous aurons des droits à défendre, on sera toujours là. Les syndicats pourraient nous rassembler, nous expliquer nos droits. Dans un an et demi, je serai pensionnée. Je n’y connais rien. Quels sont mes droits ? Personne ne me les explique.

Cédric : Moi, je ne suis pas à la CSC, je suis affilié à la FGTB, mais je suis venu soutenir le collectif, par solidarité et pour voir d’autres personnes. J’aurai bientôt 25 ans et ça fait un an et demi à deux ans que je suis au chômage. Jusqu’ici, je n’ai quasi eu aucune expérience de travail. Heureusement, je vis chez mes parents. Je suis au statut cohabitant, et vu le niveau des allocations, c’est impossible pour moi de déménager. Cette situation de chômage est très dure à vivre psychologiquement. Mes parents me mettent la pression pour que je travaille, mais je n’ai pas d’expérience et le marché du travail ne veut pas de moi. Face à cette pression psychologique, je me suis beaucoup renfermé sur moi-même. Rejoindre ce collectif me fait du bien. Je ne viens pas d’une famille de gauche, mais ma mère a travaillé toute sa vie en titres-services pour des personnes riches et nous avons toujours vécu dans un logement social. Ça m’a posé beaucoup de questions et c’est sur ce terrain que j’ai eu la chance de me conscientiser politiquement. En tant que jeunes, on perd nos droits et on a beaucoup de charge mentale : la précarité, la dégradation de l’environnement, etc. Que font les syndicats pour nous ? Je ne le vois pas. On voudrait une société plus juste, non seulement pour nous, mais pour tous.

Arnaud : Mon aussi, je viens d’une famille qui n’avait pas de tradition syndicale. A la base, je me suis syndiqué à la CSC quand j’ai accédé au chômage juste après mes études, parce qu’on me disait que c’était le meilleur service de paiement. J’ai travaillé dix ans dans le secteur associatif, dans une petite association, où il n’y avait pas de délégation syndicale. A ce moment, j’ai cessé de payer mes cotisations, car je n’en voyais pas l’utilité. Je me suis réaffilié quand ce travail s’est terminé, afin de bénéficier du service de paiement de la CSC. On ne se bat pas que pour nous. Le 16 décembre, Laura a participé à la manifestation interprofessionnelle. Pour ma part, avant d’aller manifester avec la CSC, j’attends qu’ils règlent le problème de leur OP. Pour le moment, ça ne me paraît pas possible de me mettre derrière leur bannière, tant qu’ils traient leurs chômeurs de cette façon.

« Si y sommes obligés, nous pouvons mener des actions qui portent atteinte à l’image de la CSC !»
"'C'est une décision d’économie de personnel qui a été prise bien avant la crise du Covid et le syndicat utilise la crise du Covid comme prétexte. Le service chômage est sous-financé et nous sommes considérés comme des sous-affiliés de la CSC"

En tant que groupe de Chômeurs.euses CSC en Colère, quelles sont les relations que vous avez établies avec la direction de l’OP de la CSC que vous interpellez ?

Arnaud : Il existait préalablement à notre création des réunions régulières entre les responsables de l’OP de la CSC Bruxelles et le Comité des Travailleurs sans emploi (TSE) de la CSC, dont José Gonzalez est le président. (Lire son interview, ici) Mais ces réunions n’aboutissaient apparemment pas à grand-chose, car le Comité des TSE avait peu de rapports de force envers sa propre organisation. Sans être appuyées par des actions médiatisées, ces discussions ne produisaient pas de résultats. L’action du Comité des TSE CSC, avec lesquels nous convergeons largement sur le fond, était limitée face à la CSC par le fait qu’il s’agit d’une organisation interne à celle-ci, encadrée par des permanents de l’organisation, etc. Ce qu’a apporté « Chômeurs.euses en colère », c’est de recréer une tension pour permettre, dans un espace démocratique, de faire avancer les choses. C’est d’être vis-à-vis de la direction de la CSC et de son OP, une organisation de chômeurs qui établit un rapport de force. Ils savent que lorsqu’on discute autour d’une table, nous avons une certaine capacité de nuisance, même limitée, qui les incite à porter attention à nos revendications. C’est très difficile de mobiliser des chômeurs en masse tant pour les organisations syndicales que pour nous-mêmes. Mais si y sommes obligés, nous pouvons mener des actions qui portent atteinte à l’image de la CSC dans le public, ce dont sa direction se soucie.

« A ce stade, la CSC ne mobilise pas ses chômeurs pour la défense de leurs droits ».

Ce 6 décembre, lors de notre troisième réunion avec la direction de l’OP de la CSC Bruxelles, nous avons constaté qu’il n’avaient plus fait de pas en avant vers nos demandes et vers la mise en place d’un service décent à leurs chômeurs affilés. C’est pourquoi nous avons décidé d’organiser cette action aujourd’hui. Le contact n’est pas rompu avec la direction de la CSC. Nous attendons de voir quelles seront les mesures appliquées sur le terrain en janvier et en février 2023 pour décider de l’évolution de nos rapports avec la CSC et de notre structuration. Il faudra également que nous discutions entre nous si nous souhaitons uniquement restés centrés sur la défense des chômeurs par rapport aux dysfonctionnements de leur OP ou si nous nous engageons dans d’autres combats. Faut-il, par exemple, discuter avec la CSC d’une mobilisation commune par rapport à l’ONEm et au ministre fédéral compétent pour obtenir un meilleur financement des OP, en sorte qu’ils disposent de moyens supplémentaires ? C’est une réflexion à avoir, il faut constater qu’à ce stade la CSC ne mobilise pas ses chômeurs pour la défense de leurs droits.

(1) Lire notre dossier, « Menaces sur les organismes de paiement », dans Ensemble ! n° 108, novembre 2022.

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