organismes de paiement

Menaces sur les organismes de paiement du chômage

Sous-financés par le gouvernement fédéral et remis en cause dans leur légitimité par le MR, les organismes de paiement de chômeur.euse.s des syndicats sont mis sous pression.

Mission impossible de service public
"Le sous-financement actuel de la mission d’organisme de paiement des organisations syndicales s’inscrit dans le schéma classique qui précède la liquidation d’une entreprise ou d’un service public(que) : diminuer les moyens, laisser chuter la qualité de ses services jusqu’à ce que ses utilisateurs eux-mêmes revendiquent qu’elle passe la main." - Dessin Manu Scordia.

Durant la crise du Covid et particulièrement en 2020, l’assurance chômage a démontré à quel point elle était essentielle pour amortir les pertes d’emploi et les crises. L’assurance chômage et ses administrations ont, avec difficultés, fait face. Le tout a été émaillé d’épisodes chaotiques et parfois dramatiques pour les demandeurs d’emploi, dont des files interminables devant des organismes de paiement, des erreurs, des retards, etc.

En 2020, le nombre de dossiers introduits à l’ONEm pour le paiement d’une allocation a ainsi passé le cap des trois millions, alors qu’il n’était avant la crise sanitaire que d’environ 1,8 million. C’est dire le choc subi par la population et l’effort qui a été fourni par l’ONEm et par les organismes de paiement (OP) des allocations de chômage. Ces derniers s’en trouvent pourtant mal récompensés. En effet, en même temps qu’il lançait une nouvelle charge contre les chômeur.euse.s, en faisant inscrire dans le programme du MR la limitation dans le temps (deux ans) des allocations de chômage, le président du MR a mis son parti en ordre de bataille contre les organisations syndicales, en revendiquant le fait de les exclure de tous les organes de gestion de la Sécurité sociale et du marché de l’emploi (ONEm, Forem, Actiris, instances d’avis…). Et tout d’abord en leur retirant leur rôle d’organismes de paiement des allocations de chômage (Lire ci-dessous) pour le confier uniquement à la CAPAC, la caisse de paiement qui actuellement ne traite que les dossiers des chômeur.euse.s non-syndiqué.e.s. Le projet de société « libéral » de M. Bouchez est clair : des travailleur.euse.s, avec ou sans emploi plus « libres » sur le marché du travail, c’est-à-dire moins organisés collectivement au niveau syndical pour défendre leurs droits. Ces prises de positions s’inscrivent dans la perspective des élections de 2024. Mais les organismes de paiement syndicaux subissent déjà aujourd’hui un travail de sape plus insidieux. En effet, en novembre 2012, le gouvernement Di Rupo (PS, CD&V, MR, SP.a, Open VLD, cdH) a décidé de réduire significativement le montant octroyé par l’ONEm aux OP pour le travail qu’ils effectuent. En outre, la flexibilisation du marché du travail et la complexification des dossiers (Lire ici ) ont rendu leur traitement de plus en plus complexe et chronophage. Pourtant, jusqu’ici, aucun gouvernement fédéral n’a donné suite aux demandes syndicales de revalorisation structurelle des moyens mis à la disposition des OP. (Lire ici ).

Sans organisations syndicales fortes, pas d’assurance chômage forte

L’organisation de ce service devient déficitaire pour les organisations syndicales, qui se trouvent dès lors incitées à adapter les moyens qui y sont dédiés à ceux qu’elles reçoivent, avec parfois de lourdes conséquences pour la qualité du service. La fermeture de tout accès physique aux services chômage de la CSC Bruxelles, qui s’est prolongée au-delà de la crise du Covid jusqu’au moment d’écrire ce dossier, s’explique en grande partie par ce contexte financier. Deux rassemblements ont été organisés au cours de cette année devant les locaux de la CSC Bruxelles pour protester contre cette fermeture (Lire), tandis qu’un groupe de « Chomeurs.ses CSC en colère » s’est constitué pour faire entendre leur voix (Lire). Nancy Tas (la nouvelle présidente de l’Alliance CSC Bruxelles et Brabant flamand) et Philippe Vansnick (Secrétaire fédéral CSC), qui assument notamment la responsabilité de l’organisme de paiement de la CSC bruxelloise, nous ont donné leur point de vue sur la crise que celui-ci traverse et la façon dont ils entendent en sortir. (Lire). Un point de vue complété par celui d’un délégué syndical du personnel de la CSC travaillant dans un centre de service bruxellois (Lire). Un évidence en ressort : sans financement et personnel suffisant, il ne peut y avoir de service de qualité.

La fermeture de tout accès physique aux services chômage de la CSC Bruxelles

Le sous-financement actuel de la mission d’organisme de paiement des organisations syndicales (Lire) s’inscrit dans le schéma classique qui précède la liquidation d’une entreprise ou d’un service public(que) : diminuer les moyens, laisser chuter la qualité de ses services jusqu’à ce que ses utilisateurs eux-mêmes revendiquent qu’elle passe la main. La construction d’une assurance chômage telle qu’elle s’est développée en Belgique est pour l’essentiel l’œuvre des organisations syndicales. Le maintien de leur contact avec les travailleur.euse.s durant les périodes de chômage s’est fait à travers leur rôle d’organisme de paiement (Lire), qui est l’une des explications de la force qu’elles ont  aujourd’hui, et du poids qu’elles détiennent encore pour la défense des travailleur.euse.s avec ou sans emploi. Puisse ce dossier soutenir les sans-emploi qui exigent de leur syndicat qu’il remplisse correctement son rôle d’OP et, en même temps, apporter une contribution utile à la défense du maintien de ce rôle aux syndicats, qu’ils ne pourront à terme conserver que s’ils reçoivent les moyens nécessaires pour offrir un service de qualité.

Partager cet article

Facebook
Twitter