chômage

Rouge – Bleu – Vert : les nouvelles couleurs de la chasse ?

Les projets d’arrêtés d’exécution de la réforme sont désormais connus et c’est bien une nouvelle chasse aux chômeurs qu’ils organisent. A moins d’un changement de cap.

Après un certain nombre de modifications (lire ici), le projet de décret relatif à « l’accompagnement orienté coaching et solutions » des chercheurs d’emploi (1) a été approuvé en troisième lecture par le gouvernement wallon le 1er avril 2021 et a été déposé sous cette forme au Parlement wallon, où il sera discuté en ce mois de septembre. Deux arrêtés d’application ont été approuvés en première lecture par le gouvernement wallon le 8 juillet 2021 (2), arrêtés sur lesquels le Conseil économique, social et environnemental de Wallonie (CESE W) ainsi que le Comité de gestion du Forem ont à remettre un avis. Après avoir étudié quelles ont été les modifications du projet de décret réalisées en troisième lecture par le gouvernement (lire ici), nous pouvons examiner quelles sont les précisions relatives à sa mise en œuvre qui sont prévues par les projets d’arrêtés d’exécution et, à l’examen de ces textes, tenter de repérer (à défaut d’un rejet du projet, peu probable vu l’absence d’opposition syndicale au niveau interprofessionnel) certains axes d’amendements progressistes qui pourraient être portés lors de la discussion du décret au Parlement wallon et/ou au CESE W concernant les arrêtés d’exécution.

Une monstrueuse usine à gaz

A l’examen des projets d’arrêtés d’exécution, il se révèle que ceux-ci ne comportent ni grandes nouveautés par rapport au contenu du décret ni bonnes surprises concernant des dispositifs de mise en œuvre susceptibles d’éviter que la multiplication des accompagnements et des transmissions d’informations au Forem ne se traduise par une augmentation correspondante des sanctions au titre du contrôle de la disponibilité passive des demandeurs d’emploi. La subordination totale du demandeur d’emploi par rapport au Forem est elle aussi confirmée, sans que les dispositions d’application n’apportent un rééquilibrage en la matière. Quant au contrôle de la disponibilité active des demandeurs d’emploi, cela deviendra, à suivre les projets d’arrêté, une telle usine à gaz que ce contrôle et ces accompagnements finiront par perdre tout sens, tant pour les chômeurs que pour le personnel du Forem impliqué.

L’accompagnement deviendra une telle usine à gaz qu’il finira par perdre tout sens

Présentiel et/ou digital ?

Si l’organisation prévue de l’accompagnement des demandeurs d’emploi évoque Kafka et son Procès, il s’avère que l’utilisation faite dans ce projet de réforme de la notion « d’accompagnement présentiel » nous renvoie à Orwell, à sa Novlangue et à sa Double pensée. A la lecture du projet d’arrêté sur l’accompagnement, on pourrait croire que les craintes exprimées par rapport au développement de l’accompagnement des demandeurs d’emploi à distance ont été entendues par le gouvernement wallon. Ce projet distingue bien, d’une part, « l’accompagnement à distance digital » et en « e-conseil », réservés aux demandeurs d’emploi « très proches » ou « proches » du « marché du travail » (qui n’est prévu que pour une durée limitée dans le temps et ne donne pas lieu à une réelle contractualisation des allocations ni à des sanctions pour absence aux rendez-vous à distance) et, d’autre part, « l’accompagnement en présentiel », réservé aux demandeurs d’emploi « éloignés ou très éloignés » du « marché du travail » (qui organise la contractualisation des allocations et peut donner lieu à des sanctions pour absence aux entretiens). Par ailleurs, le projet d’arrêté distingue les « entretiens de bilan et de suivi » (qui organisent le contrôle de la disponibilité active, sont nécessairement organisés « en présentiel » et peuvent donner lieu à des sanctions en cas d’absence) et des « entretiens de coaching et de soutien», qui visent à apporter une aide aux demandeurs d’emploi et peuvent être organisés « par la voie digitale, par contact téléphonique ou en vis-à-vis, selon les modalités déterminées par le Forem » (et ne donnent pas lieu à des sanctions en cas d’absence).

Ces dispositions garantissent-elles bien que les entretiens dits « présentiels » dans les projets de décret et d’arrêtés soient de véritables entretiens en vis-vis avec un.e conseiller.ère physiquement présent.e dans un local du Forem ? Cela semble évident… mais à suivre l’interprétation très particulière du terme « présentiel » que suivent la ministre de l’Emploi et la direction du Forem, la réponse paraît négative. En effet, la ministre Morreale, qui avait déjà précédemment déclaré que « l’accompagnement présentiel peut-être phygital » (notion promue par la direction du Forem mais qui ne se trouve pas reprise telle quelle ni dans le décret ni dans les arrêtés eux-mêmes), a récidivé en juin 2021, lors de la présentation du projet de décret au Parlement wallon, en indiquant que : « l’accompagnement présentiel peut aussi être digital » (sic). (3) On pourrait croire qu’il s’agit d’un simple lapsus de la part de la ministre, auquel il ne faudrait pas porter attention, mais l’examen de l’avis rendu par le Comité de gestion du Forem sur le projet de décret (joint dans les documents parlementaires) laisse apparaître qu’il n’en est rien. En effet celui-ci stipule que : « Par rapport au libellé de la disposition et à la manière dont le Forem a construit son offre de services digitaux, le Comité de gestion du Forem suggère de remplacer l’opposition entre les termes « présentiel » et « à distance » par une terminologie intégrant trois types d’interactions, potentiellement utilisables dans l’accompagnement : I. la voie digitale : utilisation des canaux numériques, II. en vis- à-vis : présence physique simultanée en un même endroit, III. en présentiel à distance : l’intervention humaine même à distance (téléphone, chat, etc). » (4).

L’accompagnement présentiel peut aussi être digital (sic)

Le gouvernement n’a pas suivi cette proposition de la direction du Forem, mais au vu de la déclaration de la ministre devant le Parlement, il y a lieu d’être inquiet. Si  « l’accompagnement présentiel peut aussi être digital » alors la direction du Forem pourrait interpréter le droit à un accompagnement « présentiel » prévu par le décret et les arrêtés comme pouvant être réalisé à travers une « intervention humaine à distance ». On l’aura compris, il y a bien, pour des raisons de coût, une volonté du Forem de remplacer un maximum d’entretiens en vis-à-vis par des entretiens à distance. Mais tout le monde sait que ces accompagnements à distance seraient d’une moindre qualité, en particulier pour le public « éloigné » ou « très éloigné » du « marché de l’emploi ». Le gouvernement ne l’a dès lors pas intégré explicitement dans le projet de décret ou d’arrêté, mais il ne l’a pas non plus explicitement exclu. Il faudrait pour cela que les députés wallons votent un amendement ajoutant deux définitions à celles du décret : « l’accompagnement présentiel : l’accompagnement réalisé en vis-à-vis et en présence physique simultanée en un même endroit », « l’accompagnement à distance : accompagnement réalisé à distance soit de façon totalement digitale soit à travers une présence humaine à distance (téléphone, vidéo-conférence, etc). ». Les députés de la majorité seront-ils prêts à apporter cette clarification, ou bien laisseront-ils cyniquement le champ libre à la direction du Forem pour interpréter à contre-sens la notion de « présentiel »?

Pleins pouvoirs au Forem

Concernant la maîtrise du chômeur sur sa recherche d’emploi (quel type d’emploi rechercher, comment mener cette recherche, quelle formation poursuivre, à quelle offre répondre, etc.), le projet d’arrêté d’exécution sur l’accompagnement confirme ce que le décret indiquait déjà : le Forem aura tous les pouvoirs de dicter au demandeur d’emploi tout ce qu’il juge utile. Ici encore, le décret et les arrêtés élaborent une véritable novlangue. Ils n’évoquent pas le fait d’imposer un choix de métier au chômeur mais le fait de « vérifier la robustesse » de son « positionnement métier » et de lui « proposer des actions d’orientation » (l’absence de suite donnée à ces propositions pouvant être sanctionnée). Une demande sociale forte existe pour que le Forem reconnaisse au demandeur d’emploi un droit de regard sur le contenu du « plan d’action » qu’il va devoir respecter au titre de ses obligations de disponibilité active, comme en témoigne l’avis approuvé à l’unanimité par le CESE W, qui avait explicitement demandé de « prévoir notamment dans l’avant-projet de décret que toute démarche inscrite dans le plan d’action du chercheur d’emploi doit avoir reçu son assentiment ». (5) L’article 27 de l’arrêté stipule que « à l’occasion du premier bilan en présentiel, le chercheur d’emploi et son conseiller (…) élaborent en concertation, sur base du bilan, du projet professionnel et de l’identification des besoins (…) un plan d’action en vue de favoriser l’insertion socioprofessionnelle du chercheur d’emploi, conformément aux articles 33 et 34 ». La demande du CESE W a-t-elle été prise en compte ? Non, car peu après, l’article 28 indique que : « lors de chaque entretien de suivi, le conseiller de référence (…) « confirme, adapte ou actualise, en concertation avec le chercheur d’emploi, son plan d’action ». Cette orientation est confirmée à l’article 33. Il se révèle donc qu’in fine les projets d’arrêtés prévoient que c’est le conseiller du Forem qui décide seul du contenu du plan d’action, sans « droit de veto » reconnu au demandeur d’emploi. Par ailleurs, l’arrêté sur l’accompagnement laisse entrevoir la portée du pouvoir donné au Forem sur les demandeurs d’emploi, car il indique que les plans d’action peuvent porter non seulement sur la recherche d’emploi proprement dite mais encore comprendre des actions relatives à la santé du chercheur d’emploi ou à sa situation sociale (problèmes familiaux, assuétudes…). La confusion de la relation d’aide et de la relation de contrôle devient ici particulièrement problématique.

Vers un choix wallon d’accompagnement autoritaire ?

Il n’est pas exact de prétendre que la réglementation fédérale impose qu’il en soit ainsi. Il serait possible et il faudrait, par exemple et à tout le moins, que le décret (ou à défaut les arrêtés) prévoie(nt) que les plans d’action fassent une distinction nette entre les actions mentionnées dans les plans dont la non-réalisation peut donner lieu à des sanctions au titre de la disponibilité active ou passive et celles qui sont de simples suggestions que le demandeur d’emploi est libre de suivre ou pas. Il pourrait et devrait en outre être prévu que le demandeur d’emploi puisse refuser qu’une action prévue soit considérée comme pouvant donner lieu à une évaluation négative, à condition que son plan d’action prévoie d’autres actions dont la réalisation sera suffisante pour attester de sa disponibilité active. Comme on le voit, pour peu qu’on le souhaite, il est possible d’appliquer la réglementation fédérale tout en garantissant aux demandeurs d’emploi une plus large maîtrise sur la définition de leur projet professionnel et sur l’organisation de leurs recherches d’emploi.

A ce stade, la réglementation wallonne prévue ne balise pas les limites des pouvoirs prescriptifs du Forem. C’est d’autant plus problématique que le droit à être accompagné d’un délégué syndical au moment de la contractualisation des efforts de recherche d’emploi (fixation du « plan d’action ») est supprimé par cette réforme. Ce droit étant réduit par la réforme au seul cas d’improbables « recours » introduits contre un plan d’action au terme d’une nouvelle procédure administrative abracadabrantesque, conçue pour ne pas quasi jamais devoir être mise en pratique. Le pouvoir absolu du Forem sur les demandeurs d’emploi est également confirmé par les projets d’arrêtés concernant la façon dont il peut leur imposer, sous peine de sanction, d’effectuer une formation ou une prestation d’un partenaire du Forem vers lequel ceux-ci seraient « adressés » par l’institution, comme de simples choses, sans à ce stade possibilité de recours ni a fortiori sans droit reconnu à refuser d’entamer ou de poursuivre une formation ou une prestation qu’ils jugent non pertinente, etc. Des député.e.s wallon.ne.s pourraient déposer des amendements en ce sens au projet de décret, et la majorité pourrait les suivre. Tout cela ne viderait pas de son sens l’obligation fédérale faite aux chômeurs d’être disponibles sur le marché du travail et d’accepter des emplois convenables. Cela témoignerait simplement d’un souci d’établir un certain équilibre dans la relation entre le Forem et les demandeurs d’emploi, de donner corps au respect du libre choix de sa profession par le demandeur d’emploi, de replacer le Forem dans un rôle de service au public et non de prescripteur vis-à-vis de celui-ci, etc.

Replacer le Forem dans un rôle de service au public et non de prescripteur vis-à-vis de celui-ci

Vers une explosion des sanctions en disponibilité passive

Quant aux sanctions, l’analyse des projets d’arrêtés témoigne bien d’une certaine volonté de diminuer le nombre de sanctions des demandeurs d’emploi au titre du contrôle de leur disponibilité active. Ce serait bien le moins car à cet égard le Forem est actuellement, en chiffre absolu, vingt fois plus sanctionnant que le VDAB (son homologue flamand) et quatorze fois plus qu’Actiris (son homologue bruxellois). En effet, en 2019, le Forem avait délivré 5.239 sanctions au titre du contrôle de la disponibilité active, contre seulement 262 pour le VDAB et 367 pour Actiris. (6) Le projet de décret et ses arrêtés d’application partent de l’idée de multiplier les étapes administratives avant d’aboutir au stade de la prise de sanctions. Cette idée, qui pourrait avoir une certaine efficacité, pêche cependant par certains défauts. Le moindre n’est pas que la procédure de contrôle de la disponibilité active devient à ce point lourde et compliquée qu’elle risque de perdre tout sens pour les demandeurs d’emplois. A force de devoir participer à une procédure administrative absurde, il y a un danger qu’une partie des demandeurs d’emploi décrochent complètement par rapport à l’accompagnement du Forem, ce qui les conduira à être sanctionnés voire, in fine, exclus du droit aux allocations. En outre, le projet ne rompt en rien avec l’idée que le Forem doit contrôler le fait que, au moins pour les demandeurs d’emploi de longue durée, le chômeur doive effectuer des efforts de recherche d’emploi d’une façon absolument continue, quand bien même il s’agit d’un chômeur (de longue durée, peu qualifié, âgé et vivant dans une région isolée…) pour lequel, en l’absence d’un marché du travail porteur, les chances réelles de retrouver un emploi convenable sont très faibles. Le projet wallon part du principe, absurde, que l’accompagnement crée l’emploi et qu’en multipliant, fût-ce pendant dix ans de suite, les accompagnements et les « plans d’action » de ces chômeurs, ceux-ci vont augmenter leurs probabilités de trouver un emploi. Le tout sans investir un seul euro supplémentaire dans de nouveaux mécanismes susceptibles de créer de nouveaux emplois de qualité ou d’améliorer la formation des chômeurs (l’essentiel du budget prévu pour la réforme étant dédié au développement de l’informatique du Forem).

Outre que ce projet remodèle le Forem selon les principes de l’État social actif (lire ici) et qu’il tend à déshumaniser les accompagnements, son impact le plus grave à court terme devrait être de générer, nous l’avons déjà signalé (7), une forte augmentation des sanctions au titre du contrôle de la disponibilité passive. On sait qu’en organisant l’accompagnement de 100 % des demandeurs d’emploi, le projet générera une augmentation correspondante des rendez-vous au Forem susceptibles de donner lieu en cas d’absence à une sanction en disponibilité passive (8) et que l’absentéisme à ces rendez-vous (vu notamment leur manque de sens pour les demandeurs d’emploi) est déjà actuellement très élevé. Toutes autres choses restant égales, la conséquence mécanique de cette réforme devrait donc être une explosion des sanctions et des exclusions à ce titre. Il en va de même des nombreux flux informatiques concernant le demandeur d’emploi qui seront générés par le dispositif mis en place. Plus le Forem en recevra, comme le prévoit la réforme, plus ces informations risquent de faire apparaître un fait ou un comportement « fautif » du demandeur d’emploi, et donc de générer des sanctions.

S’ils le voulaient, ils pourraient

A cet stade, ni le projet de décret ni les arrêtés d’exécution ne mettent en place des mécanismes susceptibles de parer à cette augmentation des sanctions, en particulier au titre du contrôle de la disponibilité passive. De nombreuses dispositions pour ce faire sont envisageables. En disponibilité active, la période contrôlée devrait pouvoir être limitée aux deux mois qui précèdent le contrôle. Le principe, absurde et dangereux, de sanctionner l’absence d’un demandeur d’emploi à un entretien au Forem par la suspension ou l’exclusion de ses allocations pourrait être sérieusement remis en cause. Un rendez-vous manqué, par exemple à un hôpital, donnera tout au plus lieu au paiement d’une indemnité égale ou inférieure au prix de la consultation, ce qui est en rapport avec le préjudice subi par l’hôpital. Pourquoi en irait-il différemment au Forem, plutôt que de sanctionner l’absence par plusieurs semaines de perte d’allocations, alors que le rôle du Forem devrait être d’aider les demandeurs d’emploi ? Bien d’autres dispositions pourraient être prises pour limiter les sanctions dans le respect de la réglementation fédérale. Par exemple, cette obligation de présence aux rendez-vous pourrait être limitée aux seuls entretiens de bilan ou pouvant donner lieu à l’adoption d’un « ultime plan d’action formel ». Plutôt que de ne prévoir, comme le fait le projet d’arrêté, qu’un seul droit à une « absence non justifiée » sur toute la durée de l’accompagnement du demandeur d’emploi (qui peut potentiellement durer plus de dix, vingt ans, pour des chômeurs âgés et « très éloignés du marché de l’emploi »), la réglementation pourrait prévoir que cette tolérance d’une « absence non justifiée » soit octroyée chaque année.

Ni le projet de décret ni les arrêtés ne mettent en place des mécanismes susceptibles de prévenir l’augmentation des sanctions

De même, la réglementation prévue dispose que le Forem fixe unilatéralement le jour, l’heure et le lieu où le demandeur d’emploi doit se présenter pour un entretien. Or, actuellement certains centres régionaux du Forem tentent, avant l’envoi d’une convocation, de joindre téléphoniquement le demandeur d’emploi pour fixer de commun accord le rendez-vous prévu, avec pour conséquence un moindre absentéisme. La nouvelle réglementation pourrait prévoir que ce type de démarche soit systématique. Ou également que les convocations mentionnent explicitement que le demandeur d’emploi peut contacter le Forem pour modifier la date ou l’heure du rendez-vous s’il le souhaite. Ce qui est possible lorsque l’on fixe un rendez-vous avec une administration ou pour une consultation médicale ne devrait-il pas également l’être au Forem ? Certes, cela suppose un travail administratif supplémentaire pour fixer les rendez-vous de commun accord ou pour modifier les rendez-vous prévus. Mais un temps équivalent serait certainement gagné si ces démarches conduisent à une meilleure présence des demandeurs d’emploi aux rendez-vous, en évitant ainsi des nouvelles convocations, des procédures de sanction, etc.

Quant à l’impact éventuel d’une multiplication de la transmission d’offres d’emploi par le Forem aux demandeurs (qui sera rendue plus aisée par l’informatisation prévue, et notamment par l’utilisation de « recommandés électroniques » qui risque de faire de gros dégâts) en termes de sanctions (au motif du fait de ne pas avoir postulé à une offre transmise par le Forem), il ne semble pas avoir été anticipé par la réglementation prévue. Le projet de décret et les projets d’arrêtés d’application n’en disent rien. Faut-il entendre que le Forem ne délivrera plus de sanctions à ce titre ? Ça nous paraît peu probable, et si c’était le souhait de la majorité, ce que l’on soutiendrait, il faudrait alors le prévoir explicitement, sans quoi cela pourra évoluer au simple gré des décisions de la direction du Forem et des instructions administratives du ministre de l’Emploi.

Enfin, le niveau de certaines sanctions pourrait être revu à la baisse. La réglementation fédérale prévoit qu’une série de manquements en termes de « disponibilité passive » des demandeurs d’emploi « peuvent » donner lieu à des exclusions « du bénéfice des allocations pendant 4 semaines au moins et 52 semaines au plus » (art. 52 de l’AR du 25.11.1991), en octroyant aux organismes régionaux la compétence pour décider dans cette fourchette du niveau exact des sanctions. Le projet d’arrêté d’application wallon sur le contrôle des demandeurs d’emploi prévoit (à son article 13) de confier au Service contrôle du Forem le soin de fixer ce niveau exact des sanctions. Ici encore, si les parlementaires wallons ou le gouvernement wallon souhaitent limiter ces sanctions, ils pourraient décider de plafonner celles-ci à un maximum de quatre semaines d’allocations (quitte à y ajouter une semaine supplémentaire en cas de récidive intervenue dans l’année). N’est-ce pas déjà assez lourd et disproportionné de perdre un mois d’allocations de chômage pour le simple fait d’avoir manqué un rendez-vous au Forem ?

La coalition PS – MR – Ecolo a la main

On le voit, la majorité parlementaire wallonne et son gouvernement, même sans renoncer à cette réforme catastrophique, ont encore une large marge de manœuvre pour éviter, s’ils le souhaitent, que l’adoption de ce décret n’ouvre une nouvelle chasse aux chômeurs wallons, cette fois-ci initiée par une coalition « Rouge Bleue Verte ». On aimerait croire que les chômeurs.chômeuses ne seront pas une nouvelle fois sacrifié.e.s sur l’autel des compromis politiques et du social-libéralisme ordinaire. On aimerait croire que les organisations syndicales vont l’exiger haut et fort. A chacun ses responsabilités. Pour notre part, nous tenté d’assumer les nôtres, en lançant l’alerte à heure et à temps.

(1) Parlement wallon, « Projet de décret relatif à l’accompagnement orienté coaching et solutions des chercheurs d’emploi », Doc 544 (2020-2021) – n° 1, 19 avril 2021.

(2) Projet d’arrêté portant exécution du décret relatif à l’accompagnement orienté coaching et solutions des chercheurs d’emploi; Projet d’arrêté du Gouvernement wallon portant exécution de l’article 35 du décret du 06 mai 1999 relatif à l’Office wallon de la Formation professionnelle et de l’Emploi.

(3) P.W., Commission de l’emploi, de l’action sociale et de la santé – C.R.I.C. n° 213 (2020-2021), Mardi 22 juin 2021, p. 12

(4) Avis du Comité de gestion du Forem 20/01 du 28 septembre 2020, publié in Parlement wallon, « Projet de décret relatif à l’accompagnement orienté coaching et solutions des chercheurs d’emploi », Doc 544 (2020-2021) – n° 1bis, 19 avril 2021.

(5) CESE Wallonie, « Avis n° 1446 sur l’avant-projet de décret relatif à l’accompagnement orienté coaching et solutions des chercheurs d’emploi ».

(6) Yves Martens et Arnaud Lismond-Mertes (CSCE), « Exclure pour inclure ? », Ensemble ! n°104, p. 88, décembre 2020.

(7) Yves Martens et Arnaud Lismond-Mertes (CSCE), « Beaucoup de mots, peu de faits », Ensemble ! n°104, p. 101, décembre 2020.

(8) Yves Martens et Arnaud Lismond-Mertes (CSCE), « Nous décidons quotidiennement si des demandeurs d’emploi pourront manger », Ensemble ! n°104, p. 80, décembre 2020.

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