santé et exclusion

Pollution électromagnétique et santé : trois générations de femmes exposent les impacts sociaux

Afin d’aborder les parcours de vie frappés par les rayonnements des technologies sans fil, nous sommes partis à la rencontre de trois témoins évoquant des conséquences liées à l’emploi, à l’isolement social, ou encore à l’habitat.

« Mes ondes te dérangent »
« Mes ondes te dérangent »

Incapable d’encore fréquenter son lieu de travail en raison du matériel technologique installé par son employeur, cette travailleuse a finit par être licenciée pour faute grave. Il y a une douzaine d’années, un recours l’a menée au tribunal du travail. Douze ans : quelque chose a-t-il avancé depuis, pour les travailleurs confrontés à la pollution électromagnétique ?

« J’avais des ‘réveils en choc’, comme des piqûres terribles ! »

Ensemble ! Comment avez-vous constaté votre sensibilité aux rayonnements des technologies sans fil ?

J’ai vécu un long parcours durant lequel ma santé s’est dégradée progressivement… Ça a duré des années. Je ressentais une fatigue terrible, totalement anormale car je n’en identifiais absolument pas l’origine. D’autres symptômes sont également apparus progressivement : des douleurs dans les muscles et des picotements dans les membres. J’ai travaillé neuf ans à la réception d’un bâtiment de bureaux. Entre le début des symptômes et l’arrêt définitif de mon travail, il s’est écoulé une période d’environ cinq ans. À cause de la fatigue extrême, j’ai poursuivi avec un temps de travail réduit d’un tiers à partir de février 2005. J’aurais voulu maintenir ce rythme, et si la première année j’étais contente et pensais pouvoir continuer jusqu’à ma pension, après un an et demi ma santé s’est fortement détériorée. Après les vacances d’été 2007, ça a été l’effondrement.

Comment avez-vous compris ce qu’il arrivait ?

Au départ, c’était un grand mystère. Quand je partais en vacances, mon état général s’améliorait, mais bien entendu ça semblait normal car en vacances le rythme est différent. Il est difficile de dater exactement les étapes, car le corps est impacté sur un temps long, mais globalement les périodes plus faciles correspondaient aux moments où je n’étais pas exposée dans mon bureau. C’était un tout petit local, équipé d’un grand appareillage électronique, auquel l’employeur ajoutait régulièrement de nouvelles choses, par exemple un système de sécurité par haute fréquence. Il n’y avait pas encore de wifi à l’époque, par contre j’ai eu ce fameux téléphone DECT (1) : ma santé s’est réellement dégradée avec cet engin. La base de ce téléphone était placée à 30 cm de moi, au niveau de mon thorax, et rendait ma respiration difficile. Un jour, après mes heures de travail, j’ai été emmenée aux urgences de l’hôpital Saint-Pierre. Je ne pouvais plus respirer, avec une douleur accablante dans la poitrine ! Je craignais une crise cardiaque, mais on n’a rien trouvé dans mon cœur. Selon les médecins, la raison pour laquelle les muscles et les nerfs réagissaient de cette manière dans mon thorax était « inexplicable ».

À l’époque je ne savais réellement pas ce qui m’arrivait, même si semble-t-il la presse évoquait déjà les problèmes des technologies sans fil. Un jour, j’ai eu un contact téléphonique avec une amie à l’étranger, devenue malade à son travail. Elle était devenue « électrosensible ». Je croyais ce qu’elle me disait, mais malgré mes soucis et des similitudes avec son récit, je n’ai pas établi un rapport avec mon problème… Plus tard, progressivement, j’ai compris aller mieux lorsque j’étais éloignée de ce DECT. Dans le même temps, ça devenait horrible lors des appels avec mon portable, il s’est donc imposé progressivement comme une évidence que ces machines me faisaient du mal. Par la suite, on repense à certains événements du passé, par exemple le souvenir des muscles de ma jambe gauche, qui étaient comme « bloqués ». J’avais fait des radios tellement c’était inquiétant, mais il n’y avait rien. Le médecin s’inquiétait également. Plus tard, j’ai repensé que mon portable était toujours dans mon sac contre cette jambe, par exemple dans le métro.

Comment êtes-vous reçue par le médecin, au sujet de l’électrosensibilité ?

Dès que je lui parle de ma sensibilité, il comprend… Il était au courant ! Ce conseil vient de lui : « Madame, allez vous promener dans les bois ». Pendant cinq ans, j’y suis allée dès que j’avais du temps. Durant une période, j’y partais avec le premier métro, pour revenir avec le dernier. Je voyais vraiment la différence. J’avais mes sandwichs, ma lecture, mon appareil photo… J’étais tellement fatiguée que je me promenais un peu, puis je dormais sur un banc. Aujourd’hui je n’oserais sans doute plus, mais à l’époque voilà mes journées : les gens passaient et j’étais endormie sur un banc. Chez moi je dormais très mal, je ne me rétablissais pas. J’étais réveillée, huit à dix fois par nuit, « bouf » d’un coup sec. Des « réveils en choc », comme des piqûres terribles. J’ai fait le lien avec les installations sur les toits proches de chez moi. Ce n’était pas vraiment des insomnies, je me rendormais mais pas pour très longtemps, pour un sommeil jamais réparateur.

Heureusement, quelques amis m’ont supportée, mais la plupart du temps ils ne comprenaient pas. En les quittant, je me disais « ils m’ont écouté, mais n’ont rien compris ». Cela dit, par gentillesse j’étais soutenue, c’était déjà pas mal… Pour d’autres, je voyais bien qu’ils pensaient que j’avais un « problème ». Un jour, un médecin m’a proposé des antidépresseurs pour mes diverses douleurs, mais je ne voulais pas prendre ce genre de choses vu les effets secondaires, mais surtout : je n’étais pas déprimée ! Ça n’avait absolument rien à voir.

Un exemple de certificat médical exposant la sensibilité aux rayonnements électromagnétiques présents dans l’environnement quotidien et sur de nombreux lieux de travail.
Un exemple de certificat médical exposant la sensibilité aux rayonnements électromagnétiques présents dans l’environnement quotidien et sur de nombreux lieux de travail.

Votre médecin traitant vous a accordé un congé ?

Oui, j’étais en congé pour « fatigue extrême » mais c’était temporaire, malgré un certificat pour l’électrosensibilité. Dans mon parcours médical, j’ai eu de la chance par rapport à d’autres, au cours des années quatre ou cinq médecins m’ont confirmée dans l’électrosensibilité. Cela dit, dans les instances administratives, ça n’avait aucune valeur. Ça ne comptait pas. À la fin du certificat, je retournais au travail, mais comme les installations technologiques n’avaient pas changé, ça redémarrait. J’avais toujours ces douleurs extrêmes à la poitrine, et du mal à respirer.

Vous en parlez aux collègues, à l’employeur ?

Oui. Les collègues étaient sous le choc car, quand je suis tombée malade, mon état était très dégradé. À l’époque, des collègues et moi-même avons demandé l’intervention d’un médecin du travail. On m’a répondu que ça ne me concernait pas, je n’y avais soi-disant pas droit. L’employeur m’écartait d’une procédure avec la médecine du travail, alors que la loi autorise tout un chacun à y recourir.

Puisque mes problèmes étaient liés aux machines présentes sur le lieu de travail, j’ai exigé l’intervention du service externe de prévention et protection au travail. (2) Une dame est venue, elle me demande : « Madame, est-ce que vous buvez assez d’eau ? » Je buvais justement énormément, car j’avais une impression de « sécheresse » de mon organisme. Je lui explique ma souffrance au contact des rayonnements électromagnétiques et elle me répond, sèchement : « Madame, ça n’existe pas ! » . Si, les rayonnements existent, puisqu’il est possible de les mesurer. Elle ajoute alors : « nous n’avons pas les appareils ! » J’ai donc conseillé à son organisation de s’en procurer mais il n’y a pas eu de suites. En tout cas, ça n’a rien changé au niveau de la médecine du travail.

J’ai ensuite exigé des mesures des rayonnements par mon employeur, dans le bâtiment et dans mon bureau. (3) Un technicien est venu et, en regardant son écran, j’ai constaté un seuil de plus de 9 volts par mètre. (4) Surpris, il a eu un mouvement de recul… Dans le rapport final le taux inscrit n’était pas celui-là, car il a ensuite pris des mesures plus éloignées dans la pièce, or ma tête était bien très proche du DECT durant mes heures de travail. Ensuite, une séance d’information a eu lieu, avec tous les travailleurs, où il a exposé les questions liées aux technologies sans fil, leur fonctionnement, les rayonnements, etc. Mon chef, avec qui c’était très compliqué sur le sujet, n’était pas présent. Dommage car le technicien a reconnu sa peur en voyant la première mesure. Au départ le chef prétendait impossible la suppression du DECT, puis cela a été fait. Malheureusement, pour moi c’était trop tard, la sensibilité était déclenchée. Les autres travailleurs étaient réceptifs à ce problème, mais plus on se rapprochait du chef, dans la hiérarchie, moins j’avais d’écoute. Une collègue, qui avait déjà soulevé un problème d’amiante auparavant, était très préoccupée, elle voulait la vérité sur la pollution électromagnétique. Elle m’a ramené une parole du chef envers elle : « ta place n’est pas ici ! ». Suite à toute cette histoire, elle a décidé de changer de travail.

Au niveau de mon employeur la situation devenait insupportable, il fallait toujours un remplaçant lors de mes congés à répétition. Rétrospectivement, je pense que j’aurais dû recevoir un statut d’invalidité pour une « maladie du travail », mais mes absences n’ont jamais été assez longues sans interruption, pour me faire entrer dans la catégorie des malades de longue durée. En outre, le médecin contrôleur allait dans le sens de mon employeur, il ne reconnaissait pas le certificat de mon médecin exposant l’intolérance aux champs électromagnétiques. Dans mon état je ne pouvais plus imaginer aller là-bas. Je suis allée voir la médecine du travail, avec les rapports de mesure, mon certificat… On n’a pas voulu me recevoir : « Il n’y a pas d’accès pour vous ici ! ». Ensuite j’ai reçu un avis pour aller chez un « médecin arbitre », pour trancher les avis contraires du médecin-contrôleur et du médecin généraliste. (5)

Comment ça s’est passé ?

Une scène digne d’un film d’horreur. (elle rit) Si je n’y allais pas j’étais en tort, j’ai donc cherché l’adresse, en néerlandais sur la convocation, et j’ai regardé sur le plan. C’était à l’autre bout de la ville, j’y suis allée en fin de journée et il faisait noir, c’était l’hiver… Un orage terrible a éclaté, la pluie tombait énormément, et les adresses sur place étaient uniquement en français. J’ai tourné longtemps, j’ai sonné à des maisons mais je ne trouvais pas. (ndlr : signalons que la langue maternelle de notre témoin n’est ni le français ni le néerlandais) J’étais trempée, je n’en pouvais plus et j’ai failli rentrer chez moi… Une dame m’a finalement indiqué l’adresse.

J’arrive devant une grande maison, illuminée par les éclairs de l’orage… Je sonne, un grand monsieur arrive, à la voix grave : « vous êtes en retard ! » Je lui explique ma recherche durant une heure : « pourtant, c’est facile ! » Ambiance… Il m’emmène dans un très grand bureau, impressionnant, avec des instruments de médecin placés au milieu, dans la pénombre. Il sort de la pièce, claque la porte, éteint la télévision à côté, puis revient discuter. J’étais très nerveuse mais j’ai expliqué ma situation. Un bruit a retenti, j’ai sursauté. Lui : « c’est l’alarme ». Il avait l’air nerveux, il m’a traversé l’esprit à ce moment qu’il imaginait quelqu’un avec moi, en attente dehors… C’était horrible.

Dans son rapport final, tous mes propos étaient en quelque sorte « traduits » différemment, exposés comme des éléments négatifs pour ma situation, je comprenais le texte mais ça n’avait rien à voir avec notre discussion, les éléments exposés n’y étaient pas. C’est mon médecin généraliste qui me l’a montré plus tard, car je ne l’ai pas reçu. Avant de partir, il a voulu me faire signer un rapport d’arbitrage, mais j’ai refusé en expliquant ne pas signer des documents dont je ne reconnais pas le contenu. Selon celui-ci je n’étais pas malade, je devais retourner au travail.

Brouillard toxique

Par leur cheminement, les pollutions reconnues peuvent nous éclairer sur les processus à l’œuvre pour d’autres d’entre elles, encore officiellement niées… Comment l’air est-il devenu mortel ?

Un ouvrage récent, signé par Alexis Zimmer (1), nous présente un événement historique éclairant la manière dont l’altération de l’air ambiant – par les gaz de l’industrie – est devenue officiellement une pollution mortelle. Les faits surviennent entre le 1 et le 5 décembre 1930, lorsqu’un brouillard épais se répand dans la vallée de la Meuse, non loin de Liège. Au quatrième jour de sa présence, la population connaît plus de soixante décès subits, accompagnés de milliers de malades et de personnes souffrantes. Le choc est évidemment rude dans les villages et la population est traumatisée, la presse nationale et étrangère réagit, les gouvernements des États proches se manifestent, et… Rien.

Les premières conclusions officielles énoncées par la commission d’hygiène de la province de Liège, relayées au plus haut niveau du gouvernement par le directeur général de l’hygiène publique au ministère de l’Intérieur, attribuent cette mortalité subite au froid extrême de cette première semaine de décembre 1930. En outre, elles évoquent des corps déjà malades ou âgés, prédisposés en quelque sorte à subir les effets néfastes de ces conditions météorologiques. Malgré les témoignages de terrain, malgré les réactions des bourgmestres concernés, la population assiste à un négationnisme des autorités sur le rôle de la pollution de l’air. Des journalistes étrangers iront jusqu’à présenter leurs excuses pour avoir mis en cause l’industrie !

En consultant les archives, Alexis Zimmer constate qu’il ne s’agit pas d’une première, une augmentation significative de la mortalité est documentée et attestée au moins à trois reprises, dans cette même vallée, depuis la fin du 19ème siècle. En outre, de nombreux témoignages de 1930 insistent sur la connaissance, par les habitants de la vallée, des effets néfastes ordinaires des airs toxiques respirés. Les habitants connaissent déjà la réalité de cette pollution, sans cependant bénéficier d’une reconnaissance officielle et de « savoirs institués », qui transformeraient cette réalité en drame social et sanitaire.

Par la suite des personnalités reconnues font entendre leur voix, tel le médecin de la reine, par ailleurs président de la Croix-Rouge : il affirme l’impossibilité d’une telle mortalité sous l’effet de basses températures. Des pressions extérieures vont également se manifester, notamment celles des gouvernements français et britannique. Cette caisse de résonance au-delà des frontières forcera la mise sur pied d’une seconde enquête, pilotée cette fois par un comité composé de médecins, de chimistes, de vétérinaires, de météorologues… Conclusion, un an plus tard : la pollution de l’air tue !

Cette catastrophe, plutôt que d’être la première démonstration scientifique de la mortalité associée à la pollution de l’air, est donc le moment où il est devenu impossible de continuer à la nier. Cette réalité – enfin officielle – n’infléchit nullement la situation : trop tard, le charbon est partout. Économiquement et politiquement, il n’y a aucune volonté de s’en passer. Après avoir opportunément laissé couler le temps, des aménagements ne pourront plus se faire qu’à la marge. Aujourd’hui, la pollution de l’air est annuellement responsable de milliers de morts en Belgique et l’Organisation mondiale de la santé (OMS) juge à présent cet événement de la vallée de la Meuse comme le premier fait historique et dramatique la démontrant.

Concernant la pollution électromagnétique, quand la Belgique mettra-t-elle en place une enquête officielle pluridisciplinaire et indépendante, comme ce fut le cas à la suite des événements de 1930 ?

(1) « Brouillards toxiques, vallée de la Meuse, 1930. Contre-enquête », Alexis Zimmer, éd. Zones Sensibles, 2016. Le contenu de ce texte est basé sur l’exposé d’Alexis Zimmer lors de l’assemblée associative « Pollution électromagnétique. Savoirs et mobilisations », organisée par Inter-environnement Bruxelles, le 7 juin 2018.

Vous y êtes retournée ?

Après ce rendez-vous, c’était le week-end. Le lundi, en arrivant, mon badge ne fonctionnait plus. J’étais déconnectée. Mon collègue a ouvert et je suis arrivée dans le sas. Dans l’entrée du bâtiment, le chef est arrivé avec une secrétaire et ils m’ont tendu un papier : « voici votre licenciement pour faute grave ». J’ai dit « merci », simplement. Je connaissais leur intention, donc qu’importe le prétexte, ils allaient le faire un jour ou l’autre. Je suis allée voir le syndicat, qui m’a incitée à faire un recours au tribunal. La faute grave portait sur le vendredi en question, l’employeur supposait que j’aurais dû être présente mais il s’est trompé : j’avais un certificat. Je devenais chômeuse, mais après la procédure, si elle m’était favorable je devrais rembourser les allocations perçues durant la période où j’aurais dû être en préavis.

Durant le recours contre le licenciement, la question de la sensibilité aux rayonnements est discutée dans le procès ?

Non. L’avocat a joué uniquement sur l’erreur dans la description de la faute grave. Au tribunal j’ai un moment évoqué le rapport favorable du médecin, mais je ne sais même pas s’ils l’ont lu, ça ne les concernait pas. La procédure a duré longtemps, quand le jugement est tombé l’employeur a dû payer les indemnités de préavis de six mois. Lors de ma première année de chômage, mon état s’est légèrement amélioré, j’ai repris espoir et envisagé de retourner travailler. Malheureusement, après une trop grande exposition aux rayonnements les symptômes reprenaient, mon corps disait clairement stop. Je suis finalement restée au chômage presque dix ans, jusqu’à ma pension.

Aujourd’hui, comment vous sentez-vous ?

Ma santé ne s’est jamais rétablie. On le sait maintenant, que la sensibilité ne disparaît jamais, mais à l’époque je l’espérais ! Quand j’allais dans le bois, je pouvais me rétablir mais il y avait toujours des rayonnements dans la maison. Aujourd’hui les wifi des voisins et les antennes du quartier continuent à me provoquer des souffrances, et depuis huit ans je dors avec un baldaquin autour du lit, fabriqué avec du tissu arrêtant les ondes. (Voir l’encadré « matériaux de protection ») Je ne me réveille pas la nuit, mais je me demande si ça n’a pas un effet sur une bonne respiration nocturne.

Je continue à me réfugier dans les bois pendant des heures, mais plus si souvent… Je me force à faire de longues promenades pour maintenir une condition physique. Aussi, le fait d’être à l’étranger deux mois par an, dans un autre environnement, m’aide clairement. Cette année-ci ça n’a pas été possible et je le ressens dans mon état général. Il a fallu des années pour connaître une légère amélioration, en vivant dans des conditions autres qu’à la réception au travail. Dans mon cas, il faut énormément de temps pour que ça s’apaise après une forte exposition, c’est très progressif. Dans la vie quotidienne je suis toujours exposée mais plus de la même façon, je dois cependant toujours garder « mes distances » et respecter « les précautions ».

Vous avez eu des contacts ultérieurs, avec les collègues et l’employeur ?

Lorsque je revenais au travail après une absence, j’avais toujours de très bons contacts. Le jour du licenciement, je suis allée chercher mes affaires et, alors que je discutais avec des collègues qui me soutenaient, une cheffe est venue et m’a dit sèchement « tu as quinze minutes pour sortir d’ici ». J’ai eu connaissance de discussions en interne sur l’équipement, notamment les DECT, mais je ne sais pas si le matériel a changé. Depuis, ils ont déménagé.

Dans mon pays d’origine, nous avons une grande culture du sauna, nous allons nager dans les grands lacs. Durant toute cette période, et depuis, je n’ai cessé de fréquenter les salles de gymnastiques. À l’époque, l’employeur mettait des abonnements à disposition, cela a d’ailleurs été utilisé contre moi dans le procès : je ne devais pas être si malade puisque j’allais dans cette salle… Pourtant, le besoin était évident de maintenir ma condition physique, en outre le médecin m’y encourageait. Tout ça pour dire que le chef, très dur avec moi, je l’ai revu un jour dans un sauna : il est passé devant moi, tranquille, sans rien me dire… Tout nu…

Les personnes en souffrance au contact des technologies sans fil se réjouissent à la vue de ce genre de calicot, comme l’explique notre témoin : « J’ai participé à une manifestation contre la 5G où j’ai rencontré un homme avec une pancarte « Électrosensible et fier de l’être ! ». Lire ces mots lui a permis de reprendre confiance en elle.
Les personnes en souffrance au contact des technologies sans fil se réjouissent à la vue de ce genre de calicot, comme l’explique notre témoin : « J’ai participé à une manifestation contre la 5G où j’ai rencontré un homme avec une pancarte « Électrosensible et fier de l’être ! ». Lire ces mots lui a permis de reprendre confiance en elle.

« Nous ne sommes pas malades, on nous rend malades, nuance... »

Pour ce second témoignage, nous nous rendons au domicile bruxellois de notre témoin. Après la préparation d’un thé, la discussion démarre au quart de tour, fortement marquée d’un sentiment de révolte.

Ensemble ! Comment avez-vous découvert le problème causé par les rayonnements électromagnétiques ?

Un jour, il y a environ quatre ans, je discutais avec mon compagnon quand, en changeant de pièce, j’ai eu comme les jambes coupées. Je suis tombée ! Cela ne m’était jamais arrivé, je me suis demandé si j’étais faible ou malade… Je me suis calmée, mais en repassant dans la pièce, à nouveau je reçois une décharge dans les jambes. Soudain, ça a fait « tilt » : j’avais changé d’opérateur et ma nouvelle borne wifi était plus puissante, le changement venait d’être fait. J’ai trouvé ça incroyable, et j’ai dû refaire l’exercice plusieurs fois et ressentir la décharge pour y croire, car ça me semblait impensable.

Parallèlement, j’étais passée au smartphone. Quand je l’allumais je me sentais mal, avec des douleurs dans tout le corps, une sensation de fièvre, des nausées, un état épouvantable. Face à ça, je me suis demandée si j’avais attrapé quelque chose, une grippe virulente ou que sais-je… Au départ, jamais je n’aurais attribué ça au smartphone. Un jour, il était dans mon sac à dos et dans le tram j’ai ressenti comme un coup de poignard, comme si une lame me traversait le corps. J’ai eu peur et pensé que je n’allais vraiment pas bien. Ça a duré toute la journée, puis j’ai éteint le smartphone et les symptômes sont partis progressivement. J’étais sidérée !

Par la suite, j’ai repensé à un événement ancien, avec un téléphone fixe sans fil DECT, avec lequel j’avais eu un problème aux oreilles : j’étais devenue comme sourde, j’entendais les sons très atténués, comme si j’étais sous l’eau. J’avais paniqué et été voir mon frère médecin, car pour quelques minutes passées au téléphone, je n’ai plus entendu normalement pendant trois jours. Il m’a parlé de coïncidence, une infection ou une otite, quelque chose comme ça… Moi, ça m’avait tellement effrayée que je n’avais pas osé le réutiliser, mais quelques semaines plus tard en le rebranchant quelques secondes, « TAC » : même effet, tout de suite. Malgré cette expérience passée, je n’avais au départ pas imaginé la nocivité de ma box wifi et du smartphone. On a du mal à faire le lien, en fait, à y croire…

Quelles ont été les réactions des proches ?

Au départ ma fille ne me croyait pas, mon compagnon non plus, ça a été difficile mais maintenant ils éteignent leurs engins. Petit à petit je me suis convaincue de ne plus jamais avoir de téléphone portable. Enfin il est là, j’ai gardé mon numéro, qui sait si je tombe en panne ou s’il y a un immense souci avec ma fille, que sais-je… Mais je ne l’utilise jamais.

Récemment, au sujet du regard des autres, j’ai évolué. J’ai participé à une manifestation contre la 5G où j’ai rencontré un homme avec une pancarte « Électrosensible et fier de l’être ! ». Personnellement, avant de le dire aux gens je rase les murs. Enfin, depuis la rencontre de ce monsieur à la manifestation j’ai envie de dire que je « rasais » les murs… Jusque là, durant les trois ou quatre ans après le déclenchement de mes problèmes, je voyais bien les réactions des gens : « la pauvre, elle s’imagine des choses, on va lui faire plaisir en éteignant le téléphone ». Parfois ils n’éteignent même pas, on se confronte à certains moments à un refus total sur ce sujet. À présent je suis plus ferme. Quand je vais à une consultation médicale par exemple, j’exige d’avoir un endroit hors des rayonnements directs, je réclame un local à part, hors des salles d’attente remplies de smartphones. Si je peux supporter durant une heure d’être bombardée d’ondes, au-delà ce n’est plus possible.

Récemment, en arrivant pour une hospitalisation d’un jour j’ai exigé ceci « je veux pourvoir attendre dans une salle séparée des autres. Après une heure ou deux je n’ai plus de force, mon rythme cardiaque se désynchronise, j’ai des arythmies et je suis dans un état lamentable. Je ne veux pas subir ça, c’est hors de question ». On m’a tout de suite trouvé une pièce ! Cela m’a confortée dans l’idée d’être ferme, de ne pas me laisser marcher sur les pieds. Par ailleurs, dans un hôpital, partout sur les murs on voit le sigle avec un téléphone portable barré : c’est censé être interdit mais tout le monde en a un en main, tous occupés à surfer. Y compris le personnel ! Résultat, je dois me tenir éloignée des salles d’attente.

J’ai constaté ce fait : moi-même convaincue mais honteuse d’évoquer ma situation de sensibilité, on me tournait en dérision. Aujourd’hui, plus affirmative, j’exige un respect de mon intolérance aux champs électromagnétiques, et c’est plus difficilement remis en question. (6) Les gens doivent entendre ce que nous ressentons, ce que nous expliquons. J’ai mis deux ou trois ans avant d’arriver à le dire, d’arrêter d’avoir honte de ça. Parce qu’en fait, simplement, je ne voulais pas m’identifier à ce qui pouvait être vu comme une faiblesse. Si cette manifestation contre la 5G a servi de révélateur, je n’ai cependant aucune envie de me coller une étiquette, de clamer « je suis électrosensible, je revendique la reconnaissance de l’électrosensibilité. » Non, je ne milite pas pour la reconnaissance, je milite pour qu’on arrête de nous bombarder avec des ondes nocives. Point. Je veux évoluer dans un environnement sain. Je ne suis pas faible. Je suis faible dans un environnement malsain. Bien entendu, dans un premier temps je comprends la nécessaire reconnaissance de cette nocivité, mais ce n’est pas une maladie. On nous rend malade, nuance.

Faute de reconnaissance officielle de l’agression, et le temps passant, la tendance serait à rejeter sur les personnes la responsabilité de leurs maux ?

Exactement. Alors quoi ? On doit aller vivre dans des cavernes ? On doit peindre nos murs avec une peinture au plomb pour stopper les ondes, comme le font certains ? Comme si le plomb était inoffensif ! Je regrette, le plomb a une certaine toxicité et je n’ai pas envie d’intégrer ça dans l’espace où je vis. Donc oui, j’ai une certaine colère, que la plupart du temps je n’exprime pas. Mais de plus en plus je vais vers une affirmation envers les gens : n’essayez pas de me dire que ça n’existe pas, je ressens les effets physiques de ces technologies, c’est ainsi.

Imaginer les nécessaires retours en arrière est tellement difficile que les gens désirent avant tout une reconnaissance de leurs problèmes de santé, en ne s’opposant parfois pas aux technologies elles-mêmes… Certains continuent même à les utiliser, notamment à la demande des proches.

Avant d’être touchée et de prendre conscience de tout ça, mon compagnon en est témoin, je faisais l’apologie des technologies. Je ne suis pas si jeune, j’ai assisté à tous les développements, et c’était mon rêve : la rapidité, la connectivité… Personne ne pourrait me taxer d’« anti-progrès ». Les villes interconnectées, je trouvais ça génial, par exemple. Avant j’aurais pu dire « on n’arrête pas la technologie », mais aujourd’hui je demande, a minima, qu’on réalise une étude impartiale. Menée par les pouvoirs publics, pas par l’industrie ni les multimilliardaires, qui se permettent par exemple d’envoyer des satellites dans l’espace pour développer les technologies. L’espace leur appartient-il ? Quand on sait que les industriels subventionnent des études au sujet de la nocivité de leurs propres produits, c’est un comble.

Lorsqu’on me répond que l’électrosensibilité n’est pas reconnue par le monde médical, cela me met dans une colère monstrueuse : quel est l’intérêt de toutes ces personnes à décrire tout ça ? Elles ne perçoivent pas d’argent, évidemment, elles décrivent leurs symptômes. Par contre, ceux qui nient les effets ont des intérêts financiers en jeu. J’ai participé à une conférence où un chercheur historien exposait le début de reconnaissance de la nocivité de la pollution industrielle au charbon : des gens sont morts parce qu’ils habitaient dans une « cuvette », une vallée où des nuages émanant des industries se concentraient. Là aussi on a au départ décrit les victimes comme des gens faibles, prédisposés à être touchés par cette pollution. L’exploitation industrielle n’a pas été remise en cause, ensuite on est passé à des émanations plus faibles, on a changé les dispositions, mais les gens en restent malades. (ndlr. Notre témoin fait référence à un événement charnière dans la reconnaissance de la pollution de l’air, survenu en 1930 près de Liège. Lire à ce sujet l’encadré « Brouillard toxique »)

L’amiante c’est la même chose, il a fallu quasiment un siècle pour reconnaître sa toxicité. Pourquoi ? Parce que durant cette période l’industrie a voulu continuer à produire son amiante. Point barre. Aujourd’hui nous sommes dans le même type de processus. Nous sommes au 21ème siècle et rien n’a changé. Face à tout cela, les pouvoirs publics sont, au mieux, totalement incompétents. Ils ne jouent ici absolument pas leur rôle, c’est évident.

Que faudrait-il faire, selon vous, en premier lieu ?

Je vais le répéter : il semble nécessaire de réaliser une étude correcte pour connaître les effets sur le vivant, financée par les pouvoirs publics. Nous sommes formés d’eau, et les informations au sein de notre corps se transmettent de manière électrique. Il est clair qu’un problème électrique ou lié à l’électromagnétisme va influencer la façon dont fonctionne notre corps. Comment ? C’est la première chose à exposer au grand public. Deuxièmement, quelle bande hertzienne ou quelle intensité serait susceptible d’être compatible avec le vivant ? Ou quelles seraient les mesures pour les rendre compatibles ? Pour la science, ce sont les premières choses à chercher. Je ne suis pas a priori contre le développement de ces technologies, mais simplement là on va très très vite avec un seul type de produits, et les témoignages nous prouvent un problème. D’autres systèmes auront peut-être le même résultat, sans être toxiques. En tout cas, dans un premier temps il faudrait se concentrer sur un système, le moins nocif, et réunir les antennes, pour au minimum impacter une seule fois la population, là où aujourd’hui tout est multiplié par le nombre d’opérateurs.

Autre mesure super importante, interdire la toxicité dans les espaces publics. Cette mesure a été prise pour la cigarette, aujourd’hui supprimée des lieux publics. Personnellement, je ne prends plus le tram, je ne vais plus dans les événements de foule, ce n’est pas supportable pour moi. Au cinéma, également, je ne peux plus y aller. Le téléphone portable, je regrette mais dans les salles de spectacle ou les cinémas, ils doivent être retirés à l’entrée, ou éteints obligatoirement, on respecterait de cette manière la possibilité pour toute personne d’avoir une vie culturelle. (7) Il faut de manière urgente prendre des mesures de ce type-là.

Des manifestations intéressantes pour moi se déroulent, auxquelles je participe parfois, mais je peux y rester maximum une heure. Une telle foule de smartphones, pour moi, c’est la mort. Je vis comme une recluse. Le confinement n’était pas un changement énorme pour moi, c’est insupportable. Je ne suis plus vivante, je n’ai plus d’échanges comme je pouvais en avoir avant, je ne bouge plus de la même manière. Et même chez moi je ne suis pas tranquille, beaucoup de mes nouveaux voisins sont hyperconnectés et je le sens, bien sûr. Je vais de moins en moins bien.

Forêt de Fontainebleau
Forêt de Fontainebleau

« Le problème principal est lié à l’habitat »

La jeune femme rencontrée pour ce troisième témoignage propose de réaliser la discussion au milieu d’un bois… Excellente idée, excepté un léger bruit d’automobiles au loin, le calme y est total. Nous ne serons interrompus que par les passages successifs d’un écureuil, attiré sans doute par les miettes de nos grignotages…

Ensemble ! Comment avez-vous découvert le problème de l’intolérance aux rayonnements électromagnétiques ?

Cela s’est passé très progressivement. Rétrospectivement, mon premier souvenir est lié déjà à mon premier téléphone portable. Ça chauffait, je le sentais sans me tracasser, simplement je ne téléphonais pas beaucoup… J’ai toujours eu un téléphone fixe. Rétrospectivement toujours, j’identifie un moment de basculement, lorsque j’ai habité à proximité d’un bâtiment au toit surmonté de sept ou huit antennes. Elles étaient à une distance de cinquante ou cent mètres de chez moi – j’étais encore en ville – et je pense qu’elles m’exposaient au niveau de ma chambre. À ce moment-là je ne me souciais pas du tout de ça, mais au bout de quelques temps dans cet appartement, j’ai eu des problèmes de santé. Ça fait entre dix et douze ans, je n’ai jamais récupéré depuis, jamais retrouvé ma santé d’avant. Au bout d’un moment j’ai quitté la ville, je voulais m’éloigner des pollutions, dont la pollution électromagnétique. J’identifie un autre moment de basculement, il y a trois ou quatre ans, lorsque les smartphones se sont généralisés. J’ai vraiment ressenti une grande aggravation, je lie ça à une généralisation de la 4G et des smartphones.

Que ressentez-vous comme symptômes ?

J’ai une pression dans la tête, avec une grosse fatigue, mais ce n’est en général pas très parlant pour les gens… En vue de notre rencontre, j’ai donc fait l’effort de prendre des notes, pour être certaine de trouver les mots les plus justes. La semaine dernière j’ai passé des moments dans des trains, des gares et une ville, c’était la catastrophe. J’ai noté des douleurs dans la tête, un épuisement, et puis il m’arrivait de me sentir « perdue ». À un moment je ne savais même plus réfléchir, c’est horrible de vivre ça : impossible de prendre une décision. Je suis là, et je réfléchis en ces termes « Ha oui, je dois prendre tel train… » Il faut se concentrer pour des décisions absolument banales. Je peux également ressentir des nausées et des difficultés de mémoire. Il faut aussi se sentir dépossédée de son énergie, se sentir comme « balayée », c’est comme un envahissement auquel je ne peux forcément pas dire stop. Je ne peux pas contrôler les rayonnements qui me tombent dessus. Ils ont des effets très nombreux, sur l’état de santé général. À un moment, j’ai été dans un état d’épuisement généralisé, à la suite duquel j’ai dû arrêter de travailler.

Il y peu, j’ai également ressenti un « moment coup de poing ». Je voyais mon frère, que je n’avais plus vu depuis deux ans. J’étais hyper contente, je vais vers lui, j’ai envie de lui faire la bise, et j’ai vraiment senti un coup de poing énergétique ! Spontanément, j’ai dû reculer. Je lui ai demandé s’il avait des choses sur lui : il avait une montre connectée et deux smartphones. Ça a non seulement fait mal sur le moment, mais ça a duré durant plusieurs heures. Car après une grosse exposition, il faut toujours du temps pour récupérer. (8) Ce n’est pas « hop, un coup dur », puis c’est fini. C’est comme un coup de poing qui donne mal pendant des heures. En fait, c’est la même chose.

J’évite en général les lieux où il y a beaucoup de monde, mais s’il faut vraiment y aller, je suis en « pilote automatique », je ne suis plus moi-même et, comme je n’arrive pas à trouver de solution à mon état physique, alors je trace. Tout cela diminue l’humanité.

Que voulez-vous dire ?

La situation me fait penser à une déshumanisation de moi-même. Ce n’est même pas que je fuis, mais quand je suis plongée dans les rayonnements, quand je dois y être, mon attitude est différente. Je me renferme hyper-fort pour me protéger et je « sais ce que je dois faire », je suis comme un automate, je le fais et puis vite sortir de là… C’est comme être plongée en enfer, c’est juste horrible.

Avant je voyageais, quand on voyage on est ouverte, on regarde autour de soi, on peut rencontrer des gens, dans un train, dans une gare… Aujourd’hui, ce n’est simplement pas possible, je suis là avec mes vêtements de protection, je tente de me protéger et je me sens tellement mal que je ne suis pas en état d’être ouverte aux relations. Ça casse une partie de l’humain.

Vous parliez d’une découverte progressive de l’électrosensibilité, cela implique souvent des années de parcours médical chaotiques…

En effet, c’est progressivement que j’ai fait le rapprochement, avec un « auto-diagnostic » clair et définitif il y a cinq ou six ans. J’ai ensuite eu confirmation de mon état en parlant avec un médecin, il y a un an et demi. Je lui ai expliqué tout le parcours, mes symptômes, et ce médecin m’a écouté deux heures. Incroyable. Il connaît l’électrosensibilité et m’a confirmé que oui, c’est bien ça. (9) Ça m’a permis de légitimer ma situation. C’est confirmé : je vais pouvoir en parler. Mais ça reste encore un défi aujourd’hui car c’est compliqué, par exemple pour demander aux gens de cesser des pratiques totalement banales pour eux… Cependant c’est confirmé, ça a libéré quelque chose de fondamental.

Ça peut paraître bizarre, mais ça ne fait pas si longtemps que j’ose en parler et faire des demandes aux gens de couper leurs machines. Avant ça je n’en parlais pas, j’étais honteuse, même. Ça paraît étrange mais j’ai beaucoup été dans le déni, je cherchais des solutions par moi-même et ne faisais pas la démarche d’aller en parler à un médecin. Je ne me sentais peut-être pas « légitime ». Il est vrai aussi qu’à l’époque si j’étais dans une pièce où il y a du wifi, je pouvais plus ou moins le supporter, aujourd’hui plus du tout, la situation s’est clairement aggravée. Les choses se sont faites par paliers, je pense, et aujourd’hui mon corps ne veut plus rien savoir au niveau des ondes.

Vous parlez de honte, qu’entendez-vous par ce terme ?

Je parle de honte, mais elle est surtout liée à un isolement profond. Avant de prendre contact avec une association rassemblant des électrosensibles, je me sentais extrêmement seule avec ce problème. A tous les niveaux, médical ou autres… Et en fait, l’isolement c’est juste horrible. En plus des douleurs, on est seul, sans savoir vraiment en parler, trouver des pistes. À part par soi-même, mais nous ne disposons pas de ressources infinies, à partir d’un moment ça coince. Quand je dis « honte », c’est en raison d’une vie normale devenue impossible, tant au niveau professionnel que pour la vie sociale de manière large. Ça me renvoyait une image d’incapable, en fait. Alors qu’en réalité ce n’est pas de ma faute, c’est ça qui est terrible. Mais jusque là je ne réfléchissais pas de cette manière, je me disais : « je ne suis pas capable ». Par rapport à l’image de soi, c’est très dur. Et dans mes rapports aux autres, c’est comme si je n’étais pas capable de m’assumer.

Comment réagissent les gens à votre situation ?

Il y a de tout, je pense. Je dis « je pense » car parfois c’est difficile de savoir ce qu’ils ont réellement en tête. Au niveau relationnel c’est devenu limité, et pour s’ouvrir et rencontrer de nouvelles personnes, le désir est très fort mais c’est très compliqué. J’ai envie d’apprendre certaines choses – de la couture, des choses comme ça – mais aller dans des groupes je l’ai fait, je me suis forcée, mais après une heure et demie j’ai dû partir, et j’ai mis le reste de la journée pour m’en remettre, il y a trop de rayonnements. Ma vie sociale s’est grandement réduite, je ne peux plus aller nulle part. Ceux qui restent sont vraiment hyper-proches, mais il n’y en a pas beaucoup, ceux-là oui, ils me croient, ils voient bien quand ça ne va pas et où. J’ai une amie rencontrée il y a seulement un an, je lui en ai parlé, donc elle sait ce qu’il m’arrive depuis qu’elle me connaît, il n’y a pas de surprise. Elle réfléchit en amont sur ce qu’on pourrait faire ensemble et où. Une personne comme ça, c’est génial, c’est en or. Elle est hyper-bienveillante, et d’ailleurs elle veut agir car elle est touchée par la situation des « électrosensibles », même si elle ne l’est pas. Elle est active, par « désintérêt » en quelque sorte. Enfin, par intérêt pour autrui. Pour les amis de plus longue date, ce n’est pas évident, les réflexes sont là, ils proposent des activités impossibles pour moi, et je dois toujours refuser, réexpliquer. Je suis très ouverte pourtant, demandeuse, s’il y a un restaurant sans rayonnement pourquoi pas… mais où ?

En regard de votre parcours, le titre de notre étude est tout à fait pertinent.

Oui. Quand je l’ai lu, c’est le mot « exclusion » qui m’a beaucoup touchée. Pour la première fois, j’ai mis le mot juste, subitement je me suis dit « Mais en fait c’est ça ! Je me sens exclue ». J’ai pris conscience de ça, pour la première fois j’y pensais en ces termes-là. En effet, au niveau de la vie sociale, cette situation, c’est de l’exclusion.

Une reconnaissance officielle devrait intervenir au plus vite. C’est urgent, mais ça pose des questions cruciales, au niveau du statut qui en découlera, et à ses effets sur la perpétuation de la pollution.

En effet, c’est nécessaire de reconnaître cette réalité, mais si rien ne change au niveau des causes, ça ne fera que créer une nouvelle catégorie de malades. Je passe par différentes étapes à ce sujet, à un moment j’étais révoltée de devoir éventuellement faire des démarches pour être reconnue comme « handicapée », si une reconnaissance intervenait. Car non, je ne suis pas handicapée. Aujourd’hui, je me dis parfois que malheureusement la société fonctionne comme ça, si je veux un jour m’en sortir, rien qu’au niveau financier, je devrai peut-être passer par cette démarche révoltante. Parce que les vêtements de protection, le matériel de blindage, tout cela coûte très cher. Mais pour moi c’est mentir, faire ça porterait la responsabilité des problèmes en moi-même, or ma situation est le résultat d’une agression extérieure. C’est malhonnête et révoltant, car c’est le monde qui a un problème. À cause de ces technologies, parfois dites « normales », des gens ne peuvent plus avoir une vie normale, justement. Ni même une vie naturelle en fait, ce n’est même plus possible.

Cette révolte-là, dans l’état actuel des choses, la nourrir est destructeur. Dans le quotidien qui m’est imposé, être révoltée ne m’apporte rien à court terme, c’est juste un sentiment. Dans l’immédiat, la question est donc : comment être constructive dans ce monde-là, avec tous ces gens inconscients du mal provoqué à certains par leurs technologies, ainsi qu’à la nature ? Car c’est de l’inconscience, ce n’est évidemment pas de la méchanceté volontaire de leur part. Comment vivre au mieux dans ce contexte actuel ? C’est extrêmement compliqué. Changer le monde, complètement, ça a l’air impossible. Je me sens donc osciller entre les deux, entre l’envie d’agir sur les choses pour les changer, et l’envie de me protéger dans la quête d’une possibilité et une manière de vivre. En bout de course, la question serait : est-ce possible pour les EHS (électro-hypersensibles) d’avoir un futur dans ce monde-là ?

Si on était dans un « monde idéal », quelle serait la première initiative à réaliser ?

Mmmh… Créer des zones blanches. (10) Immenses. On n’a pas encore parlé de l’habitat, mais c’est la catastrophe. L’habitat, c’est la base en fait. Si on habite quelque part où on se sent bien, on peut développer une vie sociale, être créateur, faire des choses, prendre sa place. Si on n’a pas ça, c’est vraiment compliqué. La solution pour moi serait d’avoir des zones blanches suffisamment grandes pour pouvoir créer des activités sur place, et pouvoir inviter des gens, mais avec certaines conditions : pas de smartphone, etc. En fait c’est mon projet, tenter de créer un tel lieu où je peux développer des choses, mais avec d’autres personnes. Seule, c’est évidemment impossible. Parfois des gens me rétorquent que ça va être un « parc », mais quand je parle de zone blanche, j’imagine un très grand espace. Je comprends la difficulté d’imaginer ça, mais moi j’ai juste envie de vivre ! Quand j’ai entendu la nouvelle du lancement de la 5G, j’ai totalement paniqué, j’ai eu l’impression de lire mon arrêt de mort. Donc à ce niveau-là je m’en fiche que ce soit un « parc pour électrosensibles », autant commencer par quelque chose, c’est vraiment une question vitale.

Voilà donc la priorité de court terme : avoir des havres de paix, même pour des gens qui n’ont pas la possibilité d’y habiter tout le temps, juste pour venir s’y ressourcer… Car même dans la campagne profonde, il ne reste presque plus aucun espace préservé des rayonnements. Par respect pour l’humanité, pour la différence, et par respect pour la liberté de l’être humain – parce que certains ont aussi envie de faire le choix de vivre hors des rayonnements, même sans y être obligé comme je le suis -, il faut respecter ce droit fondamental. (11) Sans zone blanche, cela veut dire qu’on n’a même plus le choix. De la part des politiques, en créer devrait être la priorité.

Il nous reste donc à parler de l’habitat, que vous évoquiez comme élément fondamental. Quel a été votre parcours à ce sujet ?

Ça a été terrible. Pour quitter la ville où j’étais, dès le début des recherches de logement, je ne trouvais jamais la combinaison possible au niveau d’une pollution par les ondes pas trop grave, avec un prix acceptable. Au début je déménageais tous les ans, ça allait encore mais je passais tout mon temps à chercher des logements. Avoir peu de moyens financiers avec ces problèmes est impossible, car pour disposer d’une villa « quatre façades », éloignée des ondes des voisins, il faut pouvoir la payer ! Il y a quatre ans, j’ai eu une rupture dans ma vie et je me suis retrouvée seule du jour au lendemain. À partir de là j’ai déménagé une cinquantaine de fois sur trois ans, avec des économies je louais des gîtes, des logements de vacances. En général l’accueil y était plutôt bon. Je pouvais rester quelques semaines ou quelques mois, ensuite je bougeais. La saison des vacances arrivait, ou alors les propriétaires voulaient pouvoir disposer à nouveau de leur bien.

Dans ce type de logements, je cherchais des lieux avec le moins de rayonnements possible, parfois je pouvais négocier avec les voisins et les propriétaires pour qu’ils éteignent la nuit. J’ai vraiment fait le tour des logements de vacances de tous types de la région, tout ce qui était envisageable. Le plus difficile à vivre durant cette période, c’était cette image de personne itinérante. Il faut pouvoir l’assumer par rapport au regard des autres : j’arrivais avec ma voiture pleine de caisses, « voilà, je n’ai pas de logement… ». Bien sûr, il était en plus difficile pour moi d’assumer d’être sans travail.

Un moment, j’ai exploré la piste des logements sociaux, une solution prévue pour les gens avec peu de moyens. Je leur expliquais ma situation, l’impossibilité ou la difficulté de vivre en appartement avec des voisins proches, etc. À chaque proposition, ce n’était pas adapté, ils ne comprenaient pas. Même avec le certificat du médecin, attestant de mon besoin de distance avec le wifi, ils prévoyaient de ne pas en tenir compte, « oui donnez-le toujours, mais bon, ça ne servira à rien… » Je ne sais pas s’ils connaissaient ce problème, il n’y avait pas de remarques particulières, sauf pour dire « Houlà, ça vous ne trouverez jamais… ». Je l’ai entendu plusieurs fois. Lorsque quelqu’un arrive en chaise roulante en demandant un rez-de-chaussée, les choses sont évidentes, cela se voit. Mais ici, on est dans un domaine où tout est invisible, alors la réponse était non. Pourtant le certificat médical est censé justifier ma demande. Avoir une famille pour justifier la taille d’un logement, ou un handicap moteur pour des adaptations, ça fonctionne, mais le besoin d’être isolée pour électrosensibilité, ce n’est simplement pas dans leurs critères.

Je cherchais aussi des locations classiques en parallèle et si, en vérifiant avec mon appareil de mesure, j’avais la chance de trouver une maison où il n’y avait pas trop d’ondes, il fallait encore que le propriétaire accepte de louer à une personne sans de gros revenus, en tout cas sans travail. En général ils veulent des gens disposant d’un salaire, pour s’assurer le paiement du loyer. En fait j’ai cumulé les difficultés : seule, avec peu de revenus et ces problèmes de santé. Finalement, après toutes ces pérégrinations, j’ai dû réfléchir à me trouver une solution plus durable. Avec le reste de mes économies, j’ai acheté une roulotte.

Au niveau des revenus, ça s’est passé comment ?

Comme j’ai déménagé beaucoup, je me suis rendue dans de nombreux CPAS. Ici, pour la première fois je suis arrivée avec les certificats du médecin, où il énonçait clairement mon problème, l’un pour l’impact sur les possibilités de travail et l’autre pour le logement, avec dans les deux cas l’impossibilité pour moi de rester dans les rayonnements. Dans la lettre reçue du CPAS, ils reconnaissent comme normal que je ne puisse pas travailler dans cette situation. C’était incroyable pour moi de lire ça !

Pour le moment, je ne dois donc pas être en « démarches de travail », c’est déjà un point positif, sinon je ne saurais pas quoi faire. Le certificat médical prend ici tout son sens, parce que répondre à des obligations de démarches pour des postes où l’on sait ne pas pouvoir travailler si on est engagée, c’est terrible. Par rapport à l’habitat léger, je les ai un peu mis devant le fait accompli, mais que pouvais-je faire ? Au départ ils n’étaient pas très chaud pour l’adresse de référence (12), mais finalement ils ont accepté, en tout cas temporairement.

Un parcours inouï !

Oui, et manifestement les problèmes ne sont pas finis. La roulotte est assez grosse et bouge difficilement. Je l’ai amenée là où j’ai trouvé un accord avec quelqu’un disposant d’un terrain. Je croyais être arrivée au bout du tunnel mais non, une semaine après l’avoir installée j’ai voulu aller me domicilier à la commune, mais ils ont refusé. Je dois donc quitter le terrain sur lequel je suis. J’en visite régulièrement, mais les terrains sans ondes sont rarissimes. Les critères légaux de l’habitat léger représentent encore un parcours du combattant, d’autant plus associés aux critères spécifiques des électrosensibles. C’est difficile d’être toujours en recherche, il faut des forces pour assurer. Si je décide de m’installer quelque part, même à l’arrache mais sans domiciliation, je renonce à tous mes droits, y compris au niveau médical. C’est très compliqué.

Maintenant je m’interdis de trop penser au futur, à la 5G et à toutes ces nouvelles anxiogènes. Il y a déjà tellement de choses à gérer… Un problème à la fois. On ne sait pas ce qui va arriver, et tout change. Il y a deux ans une dame EHS m’expliquait ne plus pouvoir faire ses courses, je ne comprenais pas. Aujourd’hui j’en suis là, je comprends. Avant, quand j’entendais le récit de gens partis vivre dans une grotte, j’hallucinais. Je n’imaginais jamais penser à ça, mais aujourd’hui je les comprends. (13) Si c’est mourir jeune ou ça, il faut que ce soit ça. On est dans la survie.

Un mot de la fin ?

J’ai l’impression de vivre une crise permanente, sans moment pour souffler et me poser, dans l’impossibilité de faire des projets pour le futur, au niveau professionnel ou à tout autre niveau. Avec la crise du Covid, cet état d’esprit s’est encore accentué, cette crise est là, les problèmes se superposent et quel projet peut-on faire ? À part vivre au jour le jour ? On ne peut pas tenir à long terme dans une crise permanente, il va donc falloir trouver des solutions. Une des solutions vient de l’entraide, ça va bien avec le nom de votre association : sortir de l’isolement et s’entraider. Construire des solutions ensemble et être créatifs, mon impression tient dans la nécessité d’aller vers ça. Attendre des solutions du monde politique, je n’y crois pas trop.

(1) DECT pour « Digital Enhanced Cordless Telecommunications » (télécommunication numérique renforcée sans fil). Ces téléphones sont les engins sans fil pour lignes fixes, reposant sur une base émettrice d’ondes à hautes fréquences, ils sont cités par beaucoup de nos témoins comme extrêmement agressifs pour le corps et la santé. Exceptés les « Eco-DECT », dont la base n’émet que lorsque le combiné est détaché de celle-ci, ces engins émettent en permanence : outre l’agression corporelle, une aberration de gaspillage énergétique.

(2) Ces services sont créés par l’article 40 de la loi du 4 août 1996, relative au bien-être des travailleurs lors de l’exécution de leur travail. Au sein de ceux-ci sont instituées des sections distinctes, chargées de la surveillance médicale des travailleurs. L’un de ces services définit sa mission comme suit : « Mensura inspire et aide les entreprises à maintenir leurs collaborateurs en meilleure forme et plus longtemps au travail. En tant que spécialiste de la prévention, de la sécurité et de la santé, Mensura fournit des conseils, des solutions et des services adaptés aux entreprises. Dans ce cadre, nous dépassons les prescriptions légales. Nous fixons avec les entreprises des objectifs spécifiques et mesurables, que nous concrétisons ensemble ». www.mensura.be

(3) Tout habitant de notre pays peut convoquer, gratuitement, un technicien de l’administration de l’environnement pour effectuer les mesures des champs électromagnétiques irradiant dans le logement. Pour le lieu de travail, une négociation s’engage en général avec l’employeur.

(4) À l’initiative du parti Ecolo, le niveau à ne pas dépasser était à l’époque des faits décrits ici de 3v/m dans l’espace public. Nous sommes passés aujourd’hui à 6v/m et les opérateurs demandent de rehausser encore la norme, pour déployer la 5G. La norme internationale en vigueur, prônée par l’ICNIRP (la Commission internationale de protection contre les rayonnements non-ionisants) est de 41,2 v/m, reposant uniquement sur les effets thermiques des rayonnements, sans tenir compte des effets biologiques. Notons que les scientifiques indépendants prônent un seuil sanitaire maximal de 0,6 v/m, comme le fait une résolution du Conseil de l’Europe, nous en sommes extrêmement loin. « Le danger potentiel des champs électromagnétiques et leur effet sur l’environnement », Conseil de l’Europe, Résolution 1815, 2011.

(5) Le médecin contrôleur vérifie le respect par le travailleur des conditions du congé maladie, ainsi que la réalité de l’incapacité de travail. Si sa conclusion est contraire à celle du médecin traitant, que ce soit sur la période d’incapacité ou sur sa cause, on se trouve en présence de deux certificats de même valeur bien que contradictoires. Conséquence : le travailleur perd le droit au salaire garanti à partir de la date de la première visite à domicile du médecin contrôleur, puisque l’existence de l’incapacité de travail n’est pas démontrée. Cependant, l’employeur ne peut considérer l’absence comme injustifiée, car il n’est pas non plus démontré que le travailleur n’était pas inapte au travail, par le certificat du médecin traitant. Un médecin tiers est alors chargé d’intervenir dans une procédure d’arbitrage.

(6) Les choses évoluent progressivement au sein du monde médical : un appel a par exemple été signé par plus de 500 médecins belges, rejoints par autant de professionnels de secteurs paramédicaux, confrontés dans leur pratique à des personnes souffrant du « syndrome des micro-ondes » ou simplement sensibilisés au sujet. (Voir la note 9) Parmi les dizaines de personnes ayant répondu à notre appel à témoignages, nous comptons trois médecins.

(7) Outre le respect du droit de toutes et tous à la vie culturelle, il semble simplement logique de ne pas utiliser de téléphone au cinéma ou au spectacle. Pour éviter les photos et les films, certains artistes refusent désormais les téléphones à leurs concerts. Il est en effet parfois impossible de voir les musiciens dans un concert, en raison des bras et des téléphones en l’air. En 2019, le groupe « The Raconteurs » a exigé qu’aucun smartphone ne soit sorti durant la durée de leur show. Pour ce faire, un dispositif avait été installé à l’entrée de la salle de spectacle pour mettre sous scellé tous les téléphones. C’est donc réalisable. Un article démontre comment fonctionne le système « A phone-free-show », « Jack White : pas de smartphones à BXL », rtbf.be, 29 mai 2019.

(8) Notre témoin évoque ici un élément connu sous le nom d’« effet de latence » : l’exposition d’un moment X se fait ressentir de manière prolongée. Le corps fonctionne telle une éponge et, même revenu dans un milieu relativement plus sain, après l’exposition les symptômes agissent toujours. Cet effet disqualifie la possibilité d’appliquer en ce domaine le principe des tests en « double aveugle », lors desquels ni le testeur ni le testé ne savent s’il y a exposition ou pas. Comme le corps est soumis désormais partout et dans tous les moments de la vie quotidienne, il n’est pas « neutre » au départ des tests. Cette technique semble simplement non-pertinente pour mesurer l’électro(hyper)sensibilité. Pour prendre une image parlante, imaginons notre corps planté d’un million d’aiguilles, avec les effets et douleurs de celles-ci : serait-il possible de ressentir l’arrivée de l’aiguille n° 1.000.001 sur l’épiderme ?

(9) Tout le monde n’a pas eu cette chance, certains médecins ne connaissent pas le problème et ne reçoivent pas les gens de manière adéquate. L’accueil réservé aux électrosensibles est parfois carrément scandaleux. Heureusement, cela évolue, lire à ce sujet l’appel de plus de 500 médecins belges, « A l’aube du déploiement de la 5G, des professionnels de la santé belges sonnent l’alerte », à cette adresse :
https://www.hippocrates-electrosmog-appeal.be/appel

(10) Une zone blanche est un espace où il n’y a aucun rayonnement électromagnétique artificiel. En d’autres mots, un espace où, en regard de la pollution électromagnétique, l’atmosphère se trouve à l’état naturel.

(11) Rappelons que la Constitution belge, en son article 23, assure que « Chacun a le droit de mener une vie conforme à la dignité humaine ». Parmi les six droits afférents se trouve le quatrième, le « droit à la protection d’un environnement sain ».

(12) Pour obtenir une adresse de référence auprès d’un CPAS, deux conditions sont nécessaires : être radié du registre communal de la population en Belgique où l’on a été inscrit pour la dernière fois (c’est-à-dire ne plus avoir de domicile légal ni une autre adresse de référence), ne plus avoir de résidence, par exemple vivre à la rue, dans un squat, chez un ami…, et ne pouvoir s’en procurer (ou ne pouvoir s’y domicilier). La demande d’adresse de référence est à elle seule une demande d’aide sociale.

(13) Sur la vie en grotte d’une électrosensible, écouter le reportage d’Inès Léraud « Electro-sensible : ‘Je ne vais pas attendre qu’un lien de causalité soit établi. Je veux une zone blanche maintenant’. » dans l’émission « Les pieds sur terre » de Sonia Kronlund, France Culture, 2012. Disponible à cette adresse :
https://www.franceculture.fr/emissions/les-pieds-sur-terre/electro-sensible-r

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