Pour la solidarité, Contre L'exclusion

dossier exclusion du chômage

Peu de catégories « épargnées »

Le faible nombre d’exceptions à la limitation dans le temps des allocations confirme le mépris du gouvernement pour les problèmes auxquels font face les chômeurs pour accéder à l’emploi : âge, formation, manque d’offres d’emploi accessibles à temps plein…

Lorsque l’on relit les supernotes du formateur De Wever (1) puis l’accord de gouvernement, on réalise que l’intention initiale était de limiter dans le temps les allocations de quasi tous les chômeurs. Initialement, seules deux exceptions étaient prévues. D’une part pour les plus de 55 ans, dans des conditions très restrictives et qui ont évolué au fil des négociations. (Lire ici.) D’autre part, pour les RCC (Régime de chômage avec complément d’entreprise, l’ancienne prépension). Le texte de loi-programme confirme que ces chômeurs âgés conserveront leurs droits acquis, donc échapperont à la limitation dans le temps de leur allocation, tout en étant activés vers un nouvel emploi. (2) Ce qui signifie qu’ils doivent rester disponibles sur le marché de l’emploi et accepter toute formation ou emploi dit convenable (disponibilité passive) et que leurs efforts de recherche d’emploi seront également contrôlés (disponibilité active pour laquelle les adaptations pour les chômeurs âgés sont supprimées). Précisons que le régime des RCC concerne principalement la Flandre.

Les chômeurs en formation

Le gouvernement a voulu mener à bien son projet le plus rapidement possible et organiser un semblant de concertation à bride abattue. (Lire l’article p. 4.). En mars 2025, une interpellation vient d’où on ne l’attendait pas : du parlement flamand et de parlementaires CD&V et Vooruit, donc de la majorité. Ils demandent une exception à la limitation des allocations de chômage dans le temps pour les personnes qui se forment à un métier en pénurie, craignant sans cela que ces formations soient désertées, d’autant que la prolongation envisagée dans l’accord, à savoir six mois renouvelables une fois, est tout à fait insuffisante. La ministre flamande de l’Emploi Zuhal Demir (pourtant de la N-VA) dit partager cette préoccupation : « Quatre mille chômeurs suivent une formation de trois ou quatre ans, dont la moitié pour exercer dans les secteurs de l’enseignement ou des soins. Nous devons tout faire pour rendre ces formations attractives » et s’engage à interpeller son collègue fédéral, David Clarinval (MR). (3) Dans un premier temps, ce dernier persiste à dire qu’il n’y aura pas d’exception pour les personnes en formation. Après pas mal de palabres, ce sera tout de même le cas, mais selon deux modalités différentes. .

Un premier régime prévoit que le chômeur qui « suit une formation préparant à un emploi dans un métier en pénurie commencée avant le 1er janvier 2026 et pour laquelle une dispense est accordée par le service régional de l’emploi conserve le droit aux allocations pendant toute la durée ininterrompue de cette formation mais au plus tard jusqu’au 30 juin 2030. ». (4) Pour les études, il s’agit donc de cette rentrée de septembre 2025 et pour les autres formations celles encore accessibles d’ici la fin de l’année 2025. Un délai très court donc et qui règle principalement le cas des personnes en cours d’études actuellement, sans laisser beaucoup de perspectives aux autres. A partir de 2026, l’exemption ne sera plus accordée que pour les formations d’infirmière ou d’aide-soignante. (5) Précisons bien que la dispense doit être renouvelée chaque année, sinon l’exemption prend fin. Ce qui équivaut à une quasi-obligation de résultat, la dispense étant rarement renouvelée en cas d’échec

Les « intermittents » et autres travailleurs

Parmi les bénéficiaires d’allocations, les travailleurs des arts (TDA) qui venaient à peine d’obtenir un statut « rénové », ont été les plus prompts à réagir, dans un contexte plutôt favorable puisque Les Engagés s’étaient fortement… engagés en faveur de ce statut. Or ce dernier est basé sur le droit à l’allocation de chômage lorsque le TDA, dont l’activité est par nature intermittente, n’a pas de contrat. La première supernote les visait clairement mais Maxime Prévot avait profité de sa mission de médiation d’août 2024 pour rappeler que son parti ne lâcherait pas sur ce point. Même s’il n’est pas sûr que la victoire soit durable, la mobilisation du printemps 2025 a payé et les TDA (un peu moins de dix mille personnes, principalement des Bruxellois) ont obtenu d’être exemptés dès avril 2025 de la limitation dans le temps. Cela a été confirmé par la loi-programme. (6) Un autre type de travailleurs « intermittents » a été épargné en toute discrétion : les travailleurs portuaires marins-pêcheurs reconnus, déchargeurs de poissons et trieurs de poissons, considérés « de facto comme des chômeurs temporaires » et très majoritairement situés en Flandre. Il en va de même des personnes occupées dans une entreprise de travail adapté, c’est-à-dire de personnes handicapées travaillant dans ce qu’on appelait avant des « ateliers protégés ». (7) Comme on le constate, il s’agit chaque fois de personnes considérées comme chômeuses mais qui travaillent.

Les « AGR »

Or, la principale catégorie qui répond à cette définition, ce sont les personnes travaillant à temps partiel mais qui, venant d’un chômage à temps plein, bénéficient d’un « maintien de droits » (qui garantit en cas de perte d’emploi le droit au chômage à temps plein) et, dans certains cas (en fonction principalement du montant de l’allocation et de celui du salaire), d’un complément chômage appelé allocation de garantie de revenus (AGR). Cette dernière permet à la personne travaillant à moins d’un mi-temps d’avoir au moins l’équivalent de l’allocation perdue (salaire + AGR) et à celle travaillant à au moins un mi-temps d’avoir davantage que l’allocation perdue (salaire + AGR), de sorte qu’elle ait un intérêt financier à travailler. Il s’agit de femmes à 72%. Il n’était pas prévu de les épargner mais après deux longues discussions en kern fin mai, le gouvernement a finalement décidé de ne pas exclure celles et ceux qui travaillent au minimum à mi-temps (tant que cette condition est remplie), c’est-à-dire un peu moins de deux tiers des bénéficiaires d’AGR. (8) Si ce sauvetage est le bienvenu, la pression mise sur les chômeurs pour accepter un emploi à temps partiel est évidemment accrue, ce qui est dans la droite ligne des chasses aux chômeurs précédentes. Le dessin de Titom que nous reprenons ici illustrait un article sur l’AGR dans notre numéro 56 en 2006…

L’allocation de sauvegarde… sauvegardée

Enfin, et in extremis, le gouvernement a retiré les bénéficiaires de l’allocation de sauvegarde des exclus, suite à l’avis du Conseil d’État. L’allocation de sauvegarde est octroyée à des personnes qui pour cause de problèmes de maladie mentale ou physique sont considérées comme « non mobilisables » temporairement, ne pouvant être donc mises à l’emploi immédiatement et devant faire l’objet d’un accompagnement spécifique. Le gouvernement voulait supprimer cette allocation au 1er janvier 2028. Or, souligne le Conseil d’État, « Cette abrogation implique un recul significatif du degré de protection de cet aspect du droit précité à la sécurité sociale. Étant donné que l’allocation va de pair avec un trajet d’accompagnement « visant à réduire l’impact des facteurs qui entravent son insertion sur le marché du travail ou à favoriser son insertion socio-professionnelle », on peut soutenir qu’il s’agit également d’un recul du degré de protection du droit au travail, tel que garanti par l’article 23, alinéa 3, 1°, de la Constitution. (…) C’est d’autant plus vrai qu’il n’existe aucune certitude quant à la question de savoir si les régions adopteront effectivement des mesures compensatoires et si, le cas échéant, ces mesures suffiront à subvenir aux besoins des bénéficiaires. Tant que des mesures d’accompagnement adéquates feront défaut, on ne peut donc considérer que cette mesure est compatible avec l’article 23, alinéa 3, 2°, de la Constitution. ». (9) Il est intéressant de noter que le Conseil d’État s’inquiète de l’effectivité des actions des Régions, ce qu’il n’a pas fait pour l’offre « ultime d’emploi » en fin de droit… Notons pour finir que les ALE qui pourtant travaillent, certes en sous-statut et sans véritable salaire, ne sont pas épargnés par la mesure. Le régime reste accessible aux bénéficiaires du RI.

In fine, au cours du processus d’élaboration et d’adoption de la loi, très peu d’exceptions à la limitation dans le temps des allocations auront donc été acceptées au motif de prendre en compte des situations particulières.

(1) Lismond-Mertes Arnaud, « Que prévoyait la « super note » De Wever pour les chômeurs ? », Ensemble ! n° 114, novembre 2024, p. 7.

(2) Accord de coalition fédérale, 2025 -2029, p. 18. Loi-programme du 18 juillet 2025 (M.B. 29 juillet 2025), Titre 5, Réglementation du chômage, Art. 169, §2, alinéa 3, p. 63590.

(3) Plusieurs articles de presse, néerlandophone et francophone, relatent cet épisode.

(4) Loi-programme du 18 juillet 2025 (M.B. 29 juillet 2025), Titre 5, Réglementation du chômage, Art. 216. § 1er, p. 63604.

(5) Idem, Art. 169, §2/1, p. 63590.

(6) Ibidem, §2, alinéa 6.

(7) Ibidem, §2, alinéa 4.

(8) Les chiffres cités viennent de l’ONEm, en réponse à une demande ad hoc de Philippe Defeyt.

(9) Conseil d’État section de législation avis 77.696/2-3-16-VR du 11 mai 2025, p. 216-217.

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