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dossier exclusion du chômage

Le chômage limité dans le temps mais mieux indemnisé ?

Les allocations de chômage sont particulièrement basses en Belgique. Cela change-t-il avec la réforme ? Peu et parfois en défaveur des chômeurs.

Un rôle fondamental de l’indemnisation du chômage est celui de fixer le « salaire de réservation », c’est-à-dire le salaire en dessous duquel un demandeur d’emploi n’acceptera pas volontiers un emploi car celui-ci ne lui procurerait pas un surcroît de revenu suffisant. Présenté comme un problème de type « piège à l’emploi » par certains politiques et économistes, le niveau de l’allocation de chômage est un élément essentiel pour consolider le niveau des salaires et les conditions de travail.

La pression à la baisse

À l’inverse, la dégressivité, c’est-à-dire la diminution progressive mais rapide des allocations de chômage, vise à pousser les chômeurs à accepter des emplois qu’ils auraient peut-être délaissés si leur allocation n’avait pas baissé. L’Arizona a clamé dans son acte de naissance : « Nous réalisons une réforme et une simplification fondamentales de la dégressivité des allocations de chômage. Une personne qui se retrouve sans emploi bénéficie pendant la première période d’une protection financière plus élevée qu’aujourd’hui par le biais d’un ratio de remplacement et/ou d’un plafond de revenus plus élevé. Au fur et à mesure que le temps passe, l’allocation diminue plus fortement qu’aujourd’hui. ». (1)

Plus ? Pas pour tout le monde

L’accord de gouvernement pouvait donc donner l’impression qu’il ne comporterait pas que des reculs pour les chômeurs. De fait, une revalorisation de certaines allocations semble confirmée par le texte voté : « S’agissant de la première période de chômage, des allocations plus élevées peuvent être octroyées par l’effet de l’augmentation du plafond salarial ainsi qu’un ratio de remplacement plus avantageux pour les bas salaires par le relèvement de 10 % des allocations minimales. ». (1) Le ratio de remplacement, c’est le pourcentage de salaire perdu qui est particulièrement faible en Belgique, atteignant un maximum de 65%, et ce pendant trois mois seulement. Relever le ratio pour tous signifie augmenter toutes les allocations. Mais le gouvernement a choisi le relèvement des plafonds, ce qui va profiter uniquement aux personnes qui auront perdu un emploi dont le salaire est de plus de 3.432,38 euros bruts (plafond actuel). Le nouveau plafond sera de 4.182,38 euros. Alors qu’augmenter le pourcentage du dernier salaire perdu (ex. : 75% au lieu de 65%) aurait bénéficié à tous, privilégier cette solution ne profitera qu’aux salaires plus élevés.

Emploi convenable ?

Mais, nous dira-t-on, cela va augmenter le salaire de réservation ! Tout bénéfice pour les chômeurs. D’autant que l’article 24 de l’arrêté ministériel du 26 novembre 1991 et son corollaire l’article 26 comprend la protection principale faisant qu’un salaire correct constitue l’élément le plus fort de la notion d’emploi convenable. En effet, l’article 24 stipule notamment qu’un emploi est réputé non convenable si la rémunération n’est pas conforme aux barèmes fixés par les dispositions légales ou réglementaires ou les conventions collectives de travail ou, à défaut, l’usage. C’est un principe de légalité et de respect du droit du travail élémentaire. L’article 26 renforce cette protection en précisant qu’un emploi est réputé non convenable si le revenu net qu’il procure (avec des éléments techniques dont nous vous faisons grâce) n’est pas au moins égal au montant des allocations dont peut bénéficier le travailleur en tant que chômeur complet. 

Or le gouvernement Arizona s’est attaqué à cet article 26. En effet, l’article 195 de la loi-programme le modifie fondamentalement : « L’article 26 du même arrêté ministériel est remplacé par ce qui suit : Un emploi est réputé non convenable si la rémunération globale qu’il procure n’est pas au moins égale au montant des indemnités dont peut bénéficier le travailleur en tant que chômeur complet. Par dérogation à l’alinéa 1er, pour le travailleur qui peut prétendre aux allocations au cours des six premiers mois de la première période d’indemnisation telle que visée à l’article 114, § 1er, alinéa 1er, de l’arrêté royal, l’emploi est réputé convenable si la rémunération globale qu’il procure est égale à nonante pour cent ou plus du montant des indemnités dont il peut bénéficier en tant que chômeur complet. ». (2) Le gouvernement qui disait vouloir renforcer le montant des allocations de chômage en début de chômage va donc aussi contraindre les chômeurs, durant les six premiers mois de leur allocation (sur maximum vingt-quatre !), à accepter un salaire inférieur à leurs allocations !

Emploi précaire ?

Cela dit, cette modification législative, si importante soit-elle, ne va concerner que les chômeurs en début d’indemnisation et parmi eux ceux qui ont les allocations les plus élevées. En fin de droit, sans allocation, les exclus vont se retrouver eux obligés d’accepter vraiment n’importe quoi, s’ils n’ont pas d’autre revenu ou un revenu insuffisant. A cet égard, d’autres mesures vont jouer un rôle néfaste. Jusqu’ici, la règle du tiers temps imposait, pour chaque contrat à temps partiel, un minimum d’heures de travail hebdomadaire équivalent au tiers d’un temps plein (donc en général minimum treize heures, voire douze pour un temps plein de trente-six heures par semaine). Même s’il existait déjà des dérogations, la règle va être complètement abrogée. Le nouveau seuil sera désormais de trois heures par semaine, autant dire presque rien. Dans le même esprit, le gouvernement a décidé une série de mesures qui ne seront pas accessibles aux chômeurs exclus et qui vont les mettre en concurrence féroce et défavorable avec les travailleurs flexibles qui en bénéficieront. Il s’agit de la défiscalisation des heures supplémentaires, de l’augmentation du nombre d’heures de travail étudiant à cotisations sociales quasi égales à zéro et de l’élargissement des flexi-jobs et, plus largement, du travail autorisé aux pensionnés. Des mesures qui, soit dit entre parenthèses, ne vont pas améliorer le taux d’emploi qui semble pourtant l’obsession du gouvernement.

Une nouvelle dégressivité renforcée

Dès mars 2026, l’indemnisation se présentera comme suit : une année de travail sur une période de référence de trente-six mois donne droit à douze mois d’indemnisation. L’indemnisation se déroule comme suit :
-Mois 1 à 3 : 65% d’un salaire plafonné à 4.182,38€ bruts/mois 
-Mois 4 à 6 : 60% d’un salaire plafonné à 3.932,38€ bruts/mois 
-Mois 7 à 12 : 60% d’un salaire plafonné à 3.199,04€ bruts/mois
Des minimas sont également applicables, ce qui permet au gouvernement d’affirmer qu’il a aussi amélioré le ratio (mais seulement pour les minimums donc). (Lire le tableau.)
Ensuite, par période de travail effectif et assimilé de 104 jours (= 4 mois), le chômeur complet indemnisé perçoit un mois d’indemnisation supplémentaire. Percevoir l’allocation pendant la durée maximale de vingt-quatre mois nécessitera donc cinq années de travail. Durant cette période allant du 13è au 24è mois (selon le passé professionnel), l’indemnisation est forfaitaire et ne diffère plus que selon la situation familiale. Le forfait interviendra désormais dès le 13è mois, au lieu d’auparavant au plus tôt au 17è mois et au plus tard au 48è. Il s’établira comme suit :
-Mois 13 à 24 comme chef de ménage : 68,23 €/jour 
-Mois 13 à 24 comme isolé : 55,29 €/jour
-Mois 13 à 24 comme cohabitant : 28,69 €/jour. Cette allocation est rehaussée à 34,12 €/jour si le ménage se compose de deux personnes au chômage. L’allocation est relevée à 40,72 €/jour si la personne sans emploi cohabitante prouve un passé professionnel d’au moins 30 ans.

La suppression de l’exemption fiscale

En outre, le gouvernement a annoncé son intention de diminuer les revenus des chômeurs via l’impôt. Actuellement, il existe une exemption d’impôts pour les personnes ou les ménages dont les seuls revenus sont des allocations de chômage. Leurs allocations sont donc en net. Seuls les cohabitants se voient prélever un précompte, puisque, par définition, leur allocation n’est pas le seul revenu du ménage. L’une des raisons historiques de cette mesure fiscale est que si l’ONEm avait dû verser aux chômeurs des allocations amputées d’un précompte, il aurait fallu augmenter le niveau de l’allocation brute pour un même net, ce qui aurait eu un coût pour la Sécurité sociale. Ce dernier aurait été fait au seul bénéfice du Trésor puisque l’ONEm aurait payé cette partie de l’allocation directement aux impôts. Cette exemption fiscale sera progressivement supprimée d’ici 2029. Les détails ne sont pas encore connus mais il est question d’une perte d’au moins 200 euros par mois, et davantage pour les allocations les plus élevées. Selon les syndicats et des économistes, l’augmentation annoncée des allocations serait écrémée voire anéantie par la suppression de la réduction fiscale. Dans bien des cas, l’allocation nette après impôt devrait être plus basse qu’actuellement ! (3)

(1) Accord de coalition fédérale, 2025 -2029, p. 16.

(2) Loi-programme du 18 juillet 2025 (M.B. 29 juillet 2025), Titre 5, Réglementation du chômage, Art. 195, p. 63596.

(3) Defeyt Philippe, « Imposer les allocations de chômage au régime « normal » : de premières observations », 16 juin 2025, site newidd.com

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