dossier élections 2024

F. Van Keirsbilck (CSC-CNE) : «  Porter les bonnes questions dans le débat public »

Le Secrétaire général de la CNE, la Centrale Nationale des Employés de la CSC, revient sur le bilan de la coalition Vivaldi et aborde les élections de 2024.

« Nous devons construire des clivages légitimes : de classes, féministes, antiracistes … »
« Nous devons construire des clivages légitimes : de classes, féministes, antiracistes … »

A la tête des 165.000 membres de la Centrale Nationale des Employés de la CSC (qui représentent plus de 10 % des membres de la CSC-ACV) depuis 2009, Felipe Van Keirsbilck est une figure de proue de la gauche syndicale belge. Il se distingue notamment par l’ampleur de ses réflexions et de ses engagements, qui l’ont depuis longtemps amené à concevoir le militantisme syndical d’une façon qui dépasse de loin les portes des entreprises et est pleinement ouverte sur la Cité. Nous lui avons demandé comment il percevait les enjeux électoraux et post-électoraux de cette année 2024.

De longue date attaché à la création d’un « front populaire » large, le syndicaliste ne renonce pas à cet objectif, même s’il constate que nous n’y sommes à ce stade pas encore arrivés. Cela reste, dit-il « une nécessité en tous temps, y compris quand c’est moins facile. Ceux qui s’y essaient et échouent doivent essayer mieux. Ceux qui n’essaient pas doivent se poser la question de leurs intentions véritables ». A bon entendeur…

Ensemble ! : En tant que syndicaliste, quel bilan tirez-vous de la législature fédérale écoulée ?

Felipe Van Keirsbilck : Suite à une récente conversation politique à laquelle elle assistait, ma fille de sept ans m’a dit : « Si je comprends bien, dans le gouvernement il y a en même temps ceux qui sont pour les riches et ceux qui sont pour les pauvres. Donc le gouvernement ne fait rien et ceux qui avaient tout au début ont toujours tout à la fin ». C’est un peu simpliste, mais il me semble que ça résume tout de même pas mal la situation. Sur les dossiers essentiels (liberté de négocier les salaires, Sécurité sociale, transition juste), le gouvernement Vivaldi n’a pas apporté grand-chose de positif pour les travailleurs et pour la population en général. Rien sur la suppression du statut cohabitant. La pension légale reste fixée à 67 ans et les régimes de fin de carrière continuent à être démantelés. Le seul vrai régime de fin de carrière encore existant est devenu, de fait, le statut de malade de longue durée. 600.000 malades de longue durée : c’est devenu une norme sociale, à la fois douloureuse et coûteuse. En matière salariale, la loi de blocage des salaires continue à s’appliquer, y compris dans sa version radicalisée de 2017. Bien que les partis de l’aile progressiste du gouvernement disent soutenir la levée de ce carcan, il faut constater qu’ils n’en font pas un casus belli. Les partis de droite, par contre, bloquent tout ce qui toucherait aux privilèges de leur mandants : pas question de toucher à la fiscalité sur les fortunes… Pour ce qui concerne la liberté de l’action collective, la Vivaldi a été un gouvernement de grande régression, qui a couvert une judiciarisation des conflits sociaux et a tenté de faire passer une loi anti-manifestants. Pour les politiques d’accueil, il s’est enfoncé dans la honte de l’ère Francken…

Et en comparaison au gouvernement Michel  (N-VA/MR/CD&V/VLD) de 2014-2018 ?

Il vaut toujours mieux quelque chose de « pas bien » que de « très mauvais ». Il vaut mieux un gouvernement qui ne fait à peu près rien qu’un gouvernement qui détruit l’État social. La Vivaldi a donc été beaucoup mieux que le gouvernement Michel, qui a dégradé très brutalement la situation des travailleurs, notamment à travers un saut d’index, représentant une perte d’en moyenne 25.000 euros par personne sur une carrière. Le gouvernement Michel avait également démantelé très activement les régimes de fin de carrière. Mais on se demande quelles conditions politiques il faudrait réunir pour avoir en Belgique un gouvernement qui reconstruise ce qui a été détruit et qui fasse avancer les intérêts des travailleurs et des travailleuses – pas seulement en paroles, mais aussi le jour où ça devient une question de gouvernement…

En tant qu’organisation syndicale, que faites-vous pour faire advenir ces conditions politiques ?

Il faut malheureusement commencer par le négatif. La montée de l’extrême droite est tellement rapide et importante que notre premier objectif est de limiter l’implantation du fascisme en Flandre, mais aussi à Bruxelles et en Wallonie. Jusqu’à présent, la Belgique francophone a été assez protégée de l’extrême droite, notamment grâce à la force du secteur associatif et du mouvement syndical. Mais rien n’est acquis en la matière. Si l’on en croit certains sondages, il y a de la place pour des idées et pour un pouvoir d’extrême droite dans une partie de la population, y compris en Wallonie et à Bruxelles. Nous avons des désaccords fondamentaux avec les partis de droite classique, mais estimons toutefois que l’extrême droite et les fascistes, c’est un danger politique d’une autre nature. Ce qu’ils veulent mettre en place, c’est un régime politique radicalement différent, que ce soit pour les femmes, pour les homosexuels ou pour les travailleurs, les associations, les syndicats, les migrants… Il ne s’agit pas pour nous de faire la morale aux personnes qui votent pour ces partis ou de les traiter de « débiles » parce qu’elles apprécient « Chez nous » ou les dérapages bien contrôlés de Georges-Louis Bouchez. Nous devons faire un travail d’explication, et surtout de construction des clivages légitimes, qui sont les clivages de classes, féministes, antiracistes … montrer qu’il ne faut pas se tromper d’adversaires, que les raisons de la colère sont avant tout sociales et économiques. Face au dégoût légitime qu’inspire la Macronie ou l’Europe néolibérale, on peut comprendre la tentation de soutenir des partis fascistes. Mais leur projet est d’instaurer un État autoritaire qui renforce les violences sociales, et, s’ils ont parfois des discours « sociaux », on sait qu’ils font toujours alliance in fine avec la grande bourgeoisie.

Par ailleurs, dans l’espace politique belge francophone, le MR se distingue comme un adversaire particulièrement dangereux pour les travailleurs ainsi que pour leurs intérêts économiques, sociaux et environnementaux. Leur slogan « Il y a 50 nuances de gauche, et il y a le MR » a un fond de vérité. Il y a cinquante nuances du centre mou à la gauche incertaine, il y a la droite « civilisée » (Défi, Engagés) et puis il y a un parti, le MR, véritablement différent et dangereux. Tant aux niveaux social et économique que par rapport à sa porosité aux idées et à la rhétorique de l’extrême droite. Dans le cadre de la défense syndicale des intérêts des travailleurs et des travailleuses, nous leur adressons à la veille des élections un message clair : les partis d’extrême droite et fascistes n’apportent aucune solution et sont vraiment dangereux. Ne vous laissez pas séduire par ceux-ci. Par ailleurs, votez pour qui vous voulez, mais rendez-vous compte que voter pour le MR, si vous êtes un ouvrier, un employé, un cadre, un petit indépendant, un chômeur ou un pensionné, c’est vraiment vous tirer une balle dans le pied.

Si la CNE a des adversaires politiques identifiés, nous avons pour principe de ne pas avoir de parti politique « ami ». Nous n’avons pas de consigne positive de vote à donner. Le parti qui défendrait les intérêts bien compris de la classe travailleuse, ce serait un parti attaché à la Sécu et à la concertation sociale, un parti vraiment écologiste et un parti anti-capitaliste radical. Ce serait donc un parti qui aurait à la fois des qualités que l’on trouve en principe plutôt dans le PS, dans Ecolo ou dans le PTB – sans les défauts propres à chacun de ces trois partis… On peut rêver ! Aujourd’hui, nous avons un urgent besoin d’un changement à la fois radical, social et écologique. La situation actuelle est donc frustrante pour les électeurs, qui sont amenés à devoir choisir quelle tranche de leurs intérêts fondamentaux ils vont soutenir par leur vote, au détriment des autres tranches.

A en croire les sondages, en Wallonie et à Bruxelles, ces trois partis pourraient former ensemble des majorités régionales…

La Wallonie, Bruxelles et la Fédération Wallonie-Bruxelles ont besoin de gouvernements anti-libéraux. Les coalitions qui mettront le MR dans l’opposition seront meilleures pour les Bruxellois et les Wallons que celles qui se feront avec le MR. Je crains malheureusement que les logiques d’appareil des différents partis ne priment sur les intérêts de leurs électeurs. D’un côté, le PS semble préférer former des coalitions avec le MR, avec lequel il loge un peu partout et a une certaine habitude de gouverner. De l’autre, le PTB paraît se plaire dans l’opposition, position sans doute jugée plus favorable au développement de leur parti, mais qui profite de facto surtout au MR.

En tant que syndicat, notre rôle dans les élections c’est avant tout de porter les bonnes questions dans le débat public. L’extrême droite – avec laquelle Georges-Louis Bouchez flirte dangereusement – veut mettre au centre du débat électoral des questions comme la place de l’islam, la laïcité, la drogue, l’insécurité, etc. Un général qui parvient à imposer son choix du champ de bataille gagne la bataille. De même, s’ils parviennent à imposer leurs questions, ils gagneront l’élection. Nous invitons donc les citoyens de ce pays, à commencer par les 165.000 membres de la CNE, à réfléchir. Combien d’entre eux sont victimes du terrorisme islamiste ? Combien d’entre eux ont un problème réel avec le burkini ? Et combien d’entre eux sont victimes du blocage des salaires, du définancement des crèches, des insuffisances des transports en commun ? Où sont les vrais problèmes ? Si les questions posées dans le débat concernent les problèmes réels des gens, il deviendra manifeste que le MR n’apporte que des mauvaises réponses.

Nous devons forcer le débat autour de nos besoins et de nos exigences. Par exemple, la taxation des grandes fortunes, à partir d’un million d’euros au-delà du domicile personnel. Cela ferait rentrer des milliards d’euros dans les caisses de l’État. Par exemple, le refus de l’austérité budgétaire que l’Union européenne est occupée à réinstaurer. Nous avons au contraire besoin que les pouvoirs publics puissent dépenser et investir, notamment en faveur d’une transition écologique juste. Besoin du retour d’une pleine et entière liberté de négociation collective des salaires. D’un refinancement massif des soins de santé et des services publics. Du développement du financement des transports publics et l’instauration de leur gratuité, financée par les entreprises…

Pour le moment, les entreprises interviennent déjà de façon importante dans ce financement…

Nous suggérons de s’inspirer de systèmes de financement existants qui prévoient qu’à la place d’une prise en charge de l’abonnement de transport public par l’employeur pour chaque membre de son personnel qui l’utilise, on instaure une « cotisation mobilité » payée pour tous les travailleurs, quel que soit leur mode de transport. Cette cotisation finançant l’instauration d’une gratuité générale des transports en commun, à introduire en parallèle avec une augmentation de l’offre de transports publics.

Toutes les mesures que vous citez se décident au niveau fédéral, or les coalitions « progressistes » que vous évoquiez sont plutôt possibles au niveau régional bruxellois ou wallon… Dès lors qu’elle n’ont pas des leviers macro-économiques, des coalitions régionales de type PS-PTB-ECOLO ne risqueraient-elles pas d’aboutir in fine à des résultats en demi-teinte ?

Au niveau régional, il y a un quand même un certain nombre de leviers importants en matière de logement, de transports en commun et de régularisation des sans-papiers. Concernant les maisons de repos, les régions sont compétentes pour imposer un plafond au nombre d’établissements commerciaux et pour créer de nouvelles maisons de repos publiques.

Pour tout cela il faut des sous…

C’est vrai, mais il y a certaines dépenses régionales qui pourrait être remises en cause sans nuire à l’immense majorité de la population. Par ailleurs, les pouvoirs régionaux pourraient, dans le cadre des concertations entre le fédéral et les régions, interdire à la Belgique de souscrire aux dispositions austéritaires européennes, ce qui donnerait de l’air à tous les pouvoirs publics en Belgique. Les régions pourraient également interdire à la Belgique de signer des traités de libre-échange comme celui négocié avec le Mercosur. (1)

A en croire les sondages, en Flandre, la participation au pouvoir de l’extrême droite après les prochaines élections n’est plus une improbable hypothèse théorique. Comment la CSC-ACV réagit-elle à cette situation ?

La CSC-ACV compte 1.500.000 membres, dont environ un million en Flandre : nous sommes directement exposés à cette situation. Il y a forcément des membres qui reçoivent des messages racistes et certains qui y adhèrent peu ou prou, consciemment ou pas. En la matière, je suis heureux et fier de ce que fait la CSC-ACV. La nouvelle présidente et mes collègues du Nord sont d’une clarté sans faille sur ce sujet. Un affilié ou un militant de la CSC-ACV qui fait de la propagande active pour un parti d’extrême droite comme le Vlaams Belang, ou pour des idées racistes, antisémites, islamophobes, homophobes… ne peut rester membre de notre organisation syndicale. On peut lui laisser une chance de se rétracter après discussion et s’il s’est rendu compte qu’il a fait une faute. S’il persiste, il sera exclu de notre organisation. Nous avons zéro espace de tolérance envers les discours d’extrême droite. Nous assumons de risquer de perdre des membres en nous opposant frontalement à l’extrême droite et de susciter ainsi des attaques de celle-ci. C’est eux ou nous. Dans une société où l’extrême droite gagne, les organisations syndicales comme la nôtre sont vouées à disparaître. Dans la société que nous voulons, l’extrême droite doit disparaître. Quant à la façon de combattre l’extrême droite et les idées d’extrême droite, il y a une multitude d’initiatives qui sont prises. Pour ma part, je reste persuadé que le plus efficace est de rendre visible et compréhensible le conflit de classes, tant sur les enjeux économiques que sociaux et écologiques.

Une nouvelle réforme institutionnelle après les élections du 9 juin, ce serait avec la CSC-ACV, ou contre celle-ci ? Ou bien ne se sent-elle pas concernée par ce sujet ?

Nous sommes concernés (mais pas concertés) par tout ce qui touche aux conditions de vie de nos membres : Sécu, territoires, services publics … La position traditionnelle de la CSC-ACV en la matière est que l’on défend le caractère unitaire et fédéral de la Sécurité sociale, des soins de santé, de la législation sociale et de la négociation collective. Pour le reste, on ne rentre pas tellement dans le débat institutionnel. Est-ce que les crèches ou la politique du sport doivent être une compétence des régions ou de la Fédération Wallonie-Bruxelles ? Nous n’avons pas vraiment de position là-dessus ; si ce n’est que l’enseignement et la culture doivent impérativement rester unifiés au sein de la Fédération Wallonie-Bruxelles. Nous sommes favorables au maintien des solidarités entre Wallons et Bruxellois, et constatons que les arguments pour régionaliser la Fédé W-Bxl sont le plus souvent des astuces budgétaires qui ne font que renvoyer d’une entité à l’autre la patate chaude du sous-financement structurel des pouvoirs publics. Globalement, nous sommes donc peu favorables aux réformes de l’État : elles n’ont jamais rien apporté aux travailleurs et elles font tout le temps peser la menace d’un démantèlement de pans entiers de la Sécurité sociale ou de mettre en concurrence les territoires.

Du côté flamand, s’il y a réellement une possibilité d’une majorité parlementaire du Vlaams Belang et de la N-VA, je ne suis pas persuadé que celle-ci se concrétisera à travers la mise en place d’un gouvernement composé de ces deux partis. La N-VA n’a pas nécessairement intérêt à faire ça maintenant et le Vlaams Belang estime sans doute que ses idées avancent pour le moment mieux dans une situation où ils n’occupent pas eux-mêmes le pouvoir. Mais la N-VA pourrait alors, à tout moment, que ce soit vis-à-vis du PS ou du CD&V, faire du chantage pour imposer ses conditions à sa participation au pouvoir, sous la menace de former en Flandre une majorité alternative avec le VB.

La limitation dans le temps des allocations de chômage et/ou leur régionalisation, c’est une des mesures que la droite flamande pourrait imposer ou tenter d’imposer pour la constitution du prochain gouvernement fédéral ?

Je le crains. C’est un sujet qui rencontre deux objectifs structurels de l’agenda des néolibéraux : réorienter l’argent vers les plus riches et inciter à la haine des plus pauvres. Peut-être que, s’il cède, Paul Magnette dira qu’il a « le cœur qui saigne » ainsi que l’avait fait Elio Di Rupo après la législature 2011 – 2014, suite à la mesure d’exclusion des chômeurs ayant ouvert leur droit sur la base de leurs études. C’est un sujet par rapport auquel, en particulier, les partis politiques francophones devraient bien peser leur positionnement. En la matière les Engagés, qui ont pris parti pour cette limitation, sont un exemple de ce qu’il ne faudrait surtout pas faire.

Il y a notamment deux données objectives qu’il faut prendre en compte en la matière. Premièrement, c’est que, pour encourager à l’emploi, l’effet d’une limitation dans le temps ou d’une fin de droit aux allocations de chômage est à peu près nul. C’est documenté par la recherche au niveau international. Esther Duflo a encore récemment publié un article dépourvu d’ambiguïté sur le sujet : selon elle, l’effet des fins de droit aux allocations sur la reprise du travail est nul. Affamer les chômeurs pour qu’ils reprennent le travail, ça ne fonctionne pas ! Ce qui fonctionne, c’est de leur proposer des emplois de qualité et accessibles, créer des conditions de vie qui leur correspondent, mettre à disposition de ceux qui sont enclavés un réseau performant de transports publics, augmenter l’offre de place en crèches pour celles qui ont un problème de garde d’enfants, etc. Deuxièmement, en Belgique, mettre fin au droit aux allocations de chômage après deux ans, ça signifie transférer une importante charge de dépenses de la Sécurité sociale fédérale vers les CPAS wallons et bruxellois. Le président des Engagés, Maxime Prévot, lorsqu’il fait la promotion de ce type de mesure en Wallonie et à Bruxelles, devrait savoir que ça revient à donner de l’argent des contribuables wallons et bruxellois aux entreprises flamandes, et qu’il est occupé à travailler à la réalisation du programme de la N-VA et du Vlaams Belang.

Vous évoquiez la nécessité de mettre en avant des priorités sociales et écologiques dans le débat public, de constituer des fronts, etc. Après les élections de 2014, des mouvements pluralistes, rassemblant des citoyens, des associations et des organisations syndicales, dont la CNE, ont tenté de le faire. Hart Boven Hard et Toute autre Chose, puis la campagne « Tam-tam » à la veille des élections de 2019. Ces initiatives ne sont plus présentes au moment du débat pré-électoral de 2024. Quelle en est la cause ?

Le monde associatif et militant a beaucoup plus facile à s’organiser face à une menace claire. Hart Boven Hard est né en réaction au premier gouvernement dans lequel la N-VA était présente en Flandre. Toute Autre Chose et puis Tam-tam ont été une réaction au gouvernement Michel. C’était un gouvernement à la fois anti-social et largement dépourvu d’une base électorale du côté francophone, puisque seul le MR y participait. Avec le gouvernement De Croo, la situation a changé. Le PS et Ecolo font partie de la coalition et – on connaît la chanson – « sans eux ce serait pire ». Une partie du monde syndical et associatif ne se sent donc pas menacé de la même façon. La campagne Tam-tam a été, selon moi, très bien faite et très utile. Chaque euro dépensé pour cette campagne a été cent fois ou mille fois plus efficace pour toucher le public que ne l’aurait été le même euro investi dans les canaux classiques (et dispersés) de communication institutionnelle des organisations membres. La composition hétérogène du gouvernement Vivaldi a rendu beaucoup plus complexe l’animation d’un front politique anti-libéral. Ce gouvernement a été vécu comme tiède, l’après Vivaldi est perçu comme très vague. C’est un contexte qui n’est manifestement pas favorable aux mobilisations. Mais dire cela, ça ne nous exonère pas de nos responsabilités : constituer un « front populaire » large reste une nécessité en tous temps, y compris quand c’est moins facile. Ceux qui s’y essaient et échouent doivent essayer mieux. Ceux qui n’essaient pas doivent se poser la question de leurs intentions véritables …

Par ailleurs, additionner simplement des revendications catégorielles – comme la suppression du statut cohabitant pour les féministes, celle du glyphosate pour les écologistes, etc. – n’aboutit pas à un mouvement social d’ensemble. On ne peut que constater que les progressistes de tous bords ne sont jusqu’ici pas parvenus à se rassembler pour définir collectivement un modèle de société désirable, les priorités pour y arriver et à engager des mobilisations pour en imposer la mise en œuvre. Au moment de la crise du Corona, il y a eu une amorce de dynamique de ce type, sous le label « Faire front », dans l’idée de mettre en avant nos priorités dans ce que nous appelions « le monde d’après ». On y arrive globalement au niveau des idées, mais à mon grand regret pas encore au niveau de la mobilisation d’énergies militantes ou de la mise en place de mobilisations. A ce stade, il n’y a pas de mobilisation transorganisations en faveur d’un autre projet de société.

(1) Le Marché commun du Sud, couramment abrégé Mercosur ou Mercosul, est une zone de libre-échange qui regroupe plusieurs pays de l’Amérique du Sud. Il est composé de l’Argentine, du Brésil, du Paraguay et de l’Uruguay.

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