chômage

« Une nouvelle forme de travail gratuit des jeunes »

Pour Miguel Schelck et les Jeunes FGTB, le Service citoyen et l’avant-projet de loi du ministre Dermagne qui lui donnerait un cadre légal organiseraient un dumping social néfaste pour les jeunes et pour tous les travailleurs.

Miguel Schelck : «  Une concurrence par rapport à des engagements dans un statut classique ! ».
Miguel Schelck : «  Une concurrence par rapport à des engagements dans un statut classique ! ».

Depuis plusieurs années, les Jeunes FGTB mènent une campagne contre le travail gratuit des jeunes et pour la rémunération des stages. Par ailleurs l’ensemble de la FGTB revendique de « mettre fin à la concurrence entre les différents types de contrats (flexijobs, étudiants, intérim, etc.) qui permettent aux employeurs de payer moins de cotisations aux dépens de la Sécurité sociale. Tous les travailleurs et travailleuses devraient bénéficier d’un statut de salarié à part entière. » (1) C’est donc sans surprise que, comme nous l’explique leur permanent bruxellois, les Jeunes FGTB rejettent l’idée de développer un « Service citoyen » rémunéré au rabais, en dehors du régime des salariés et des protections qu’il offre.

Ensemble ! : Comment se positionnent les Jeunes FGTB par rapport au « service citoyen », tel qu’il existe aujourd’hui ? Faites-vous partie de la « plate-forme pour le service citoyen » ?

Miguel Schelck (Jeunes FGTB Bruxelles) : Dès le départ, le service citoyen tel qu’il a commencé à se mettre en place il y a une dizaine d’années nous est apparu comme une nouvelle forme d’organisation du travail gratuit des jeunes et de dumping social, au sens où il consiste à envoyer des jeunes effectuer à très bas coût un travail similaire à celui occupé dans des postes rémunérés selon les barèmes. Dans des associations où il y a des mises au travail dans le cadre du « service citoyen », il y a un véritable malaise quant à la concurrence que cela représente par rapport à des engagements dans un statut classique et à la pression à la baisse sur les salaires. Cette année, la « plate-forme pour le service citoyen » a démarché notre organisation de jeunesse en vue que celle-ci la rejoigne. La plate-forme met notamment en avant le fait qu’à travers le service citoyen, selon une étude, des jeunes reprennent confiance en eux, acquièrent des compétences et repartent renforcés vers l’emploi ou vers des études… Au vu de la position que nous avons adoptée par rapport au service citoyen et à l’avant-projet de loi du ministre Dermagne, cette démarche n’est pas près d’aboutir.

Que pensez-vous de cet avant-projet de loi ?

Selon nous, l’avant-projet de loi sur le service citoyen présenté par le ministre Dermagne ne fait qu’organiser un sous-statut pour la mise au travail de jeunes (550 euros par mois d’indemnités cumulables dans une certaine mesure avec des allocations), sans véritablement leur permettre de s’émanciper financièrement ou leur offrir une égalité des droits. En outre, nous estimons que ce dispositif recèle une logique sous-jacente d’activation et qu’il risque d’être à un moment rendu obligatoire pour les jeunes allocataires et/ou pour les jeunes qui souhaitent bénéficier d’une allocation. Ces dernières années, les partis qui ont déposé des propositions de loi en vue d’instaurer un service citoyen ont notamment été des partis de droite, qui ne veulent pas du bien, ni aux jeunes ni, encore moins, aux jeunes allocataires.

Le cdH/Les Engagés proposent, par exemple, de rendre un tel service obligatoire. Par ailleurs, l’avant-projet de loi ne prévoit pas le prélèvement de cotisations sociales, et donc pas d’ouverture d’une série de droits sociaux. C’est déjà une situation que nous dénonçons concernant le travail étudiant. Le projet Dermagne ne ferait qu’étendre et normaliser cette pratique. Cela participe d’une vision néolibérale de la société, où il n’y a pas de socialisation des salaires à travers les cotisations sociales. Les Jeunes FGTB défendent une toute autre vision d’avenir. Nous voulons une société dans laquelle il y a un bon financement des services publics, de l’enseignement et de l’aide sociale aux étudiants, avec de vraies possibilités d’emploi, des salaires payés aux barèmes et une ouverture de droits sociaux via les cotisations sociales. Puisque le service citoyen aura un coût, nous pensons que cet argent, en partie à charge de la Sécurité sociale (dans le cadre de cumul d’allocations), ne devrait pas être investi pour organiser un sous-statut pour les jeunes, mais qu’il devrait être utilisé de façon plus progressiste pour renforcer les services publics et pour créer de véritables emplois de qualité.

L’avant-projet de loi prévoit également que les jeunes concernés seront obligés de suivre des modules de formation à la citoyenneté organisés par « l’Agence du service citoyen »…

C’est un autre aspect problématique. Quelle légitimité l’État ou cette agence ont-ils pour décider du contenu de ces modules ? Pour une partie de la droite, le Service citoyen devrait ainsi inculquer des valeurs communes aux jeunes Belges – en bref, en faire un instrument de propagande au service de l’État. C’est pour nous inacceptable. Nous aimerions avoir notre mot à dire en la matière. La formation sur les droits sociaux et syndicaux devrait occuper une place importante dans ce type de modules. Nous ne sommes donc favorables ni au développement du service citoyen ni à l’adoption de l’avant-projet de loi actuellement en discussion, qui lui donnerait un cadre légal.

(1) FGTB, Baromètre socio-économique 2023, décembre 2023, p. 27.

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