Chronique des juridictions du travail

Voile sur le droit à l’intégration sociale

Au moment de signer son contrat « article 60 », Samira se voit signifier par le CPAS qu’elle ne pourra pas porter son voile. Les tentatives de négociation échouent, le CPAS retire son offre d’emploi ainsi que dorénavant, tout droit à l’intégration. Accompagnée par le service Infordroits du CSCE, elle se voit contrainte d’introduire une plainte auprès d’UNIA pour tenter de faire reconnaître la discrimination dont elle a fait l’objet et un recours devant les tribunaux pour préserver son droit à l’aide sociale.

Samira (1), de nationalité syrienne, a fui la guerre. Elle arrive en Belgique, en 2015, comme demandeuse d’asile et bénéficie de la protection subsidiaire, puis d’aides sociales de la part du CPAS de Ganshoren à partir de 2016. Comme elle est analphabète et ne parle pas les langues nationales belges, le CPAS lui assure un revenu d’intégration sociale en parallèle du suivi d’insertion socioprofessionnelle (ISP) pour des cours d’alphabétisation et de langue française, dont toutes les évaluations sont positives.

Une offre qui tourne mal

Dès le début de l’année 2018, le CPAS estime que Samira est prête pour assumer un emploi et décide de lui proposer un contrat de travail comme nettoyeuse au sein du home du CPAS dans le cadre de la procédure de l’article 60, §7, de la loi organique des CPAS. Samira est enthousiaste, elle se présente seule à la convocation de son assistante sociale pour obtenir plus de détails sur l’emploi et signer le contrat. Lors de cet entretien, Samira qui ne parle pas encore bien le français, déchante car elle comprend qu’on lui demande de retirer son voile pour l’exercice de la fonction. Elle demande alors de pouvoir y réfléchir et en discuter avec son frère afin qu’il puisse servir d’interprète et l’aider à négocier la signature de ce contrat. Le frère chez qui elle demeure contacte alors le CPAS et tente de négocier uniquement les conditions vestimentaires de ce contrat, en proposant que sa sœur puisse par exemple porter un bonnet ; mais aucune discussion ne semble possible, le CPAS refuse de revoir, ou d’assouplir sa position. Il renvoie son usagère vers son règlement d’ordre intérieur qui interdit le port de tout couvre-chef. Il ne propose aucun aménagement, ni d’autre emploi.

Dans ces conditions, Samira explique qu’elle ne peut pas accepter cet emploi. Le CPAS la sanctionne alors sans attendre et la prive de cette possibilité d’emploi ainsi que de tout droit à d’autres aides sociales. Privée de ressources, elle se réfugie dès le mois d’avril 2018 chez un autre frère et introduit une nouvelle demande d’aide auprès du nouveau CPAS. Ce dernier accepte directement de la prendre en charge. Elle pourra finalement reprendre ses cours de français et assurer à nouveau sa survie en limitant la période sans aide à moins d’un mois. Il n’y avait donc plus de caractère urgent, les droits étant à nouveau garantis par le nouveau CPAS. La période litigieuse était donc limitée du 22 mars au 8 avril 2018. Infordroits a dès lors privilégié la voie du recours au tribunal pour faire toute la lumière sur l’affaire au vu de la motivation choquante de la décision comprenant des motifs discriminants, donc illégaux. Cette décision, révélatrice d’une politique d’engagement discriminante qui semble généralisée au sein de ce CPAS bruxellois, méritait d’être relevée et rendue publique, même si pour Samira il s’agissait uniquement d’assurer sa survie, pas d’une volonté de se lancer dans un combat politico-juridique.

« Une décision révélatrice d'une politique d'engagement discriminante qui semble généralisée au sein de ce CPAS bruxellois »

La condition de la disposition au travail

Au-delà de savoir s’il existe une discrimination dans le cas de Samira (sur cette question, voir infra), il est assez évident qu’elle était disposée à travailler, disposait d’un bilan positif de son suivi ISP, suivait assidûment ses cours, assistait à l’ensemble de ses entretiens, faisait des efforts et des démarches et tentait de négocier uniquement les conditions « vestimentaires » de son emploi. Sur le principe même de travailler, elle était complètement d’accord. Le CPAS a opposé une fin de non-recevoir à toutes les pistes de solutions en décidant de ne pas respecter les convictions personnelles et religieuses de Samira.

« Le CPAS a opposé une fin de non-recevoir à toutes les pistes de solutions en décidant de ne pas respecter les convictions personnelles et religieuses »

La décision litigieuse est motivée comme suit :
« Pour rappel, Madame est aidée financièrement par notre Centre depuis le 21/01/2016. L’intéressée est suivie au service ISP depuis dans le cadre des cours d’alphabétisation. Étant donné que cela fait 2 ans que l’intéressée suit des cours, le 13/03/2018, l’agent d’insertion lui a proposé un emploi de nettoyage au sein de la Maison de repos. Dans un premier temps, l’intéressée semblait enthousiaste par rapport à cette proposition d’emploi. Cependant, quand nous lui avons expliqué le règlement de travail, celle-ci a refusé l’emploi sous l’influence de son frère et de ses convictions religieuses. En effet, l’art. 23 de notre règlement prévoit que le CPAS relève du secteur public et que dès lors, en vue d’accueillir l’ensemble du public, les membres du personnel sont invités à faire preuve de neutralité sur le plan politique, philosophique et religieux. Que dès lors les signes distinctifs qui seraient contraires à l’aspect de cette disposition sont interdits.
Après avoir entendu l’intéressée et son frère lors du Bureau Permanent du 21/03/2018 qui restent sur leur position : Madame refuse de travailler sans son voile. Dès lors suppression du revenu d’intégration sociale cat. A à partir du 22/03/2018. Étant donné que Madame ne prouve pas sa disposition au travail et ce malgré toutes nos explications et suggestions pour tenter de trouver un compromis. […] ». (2)

Pour aider Samira à introduire son recours et se défendre devant le tribunal, Infordroits fait appel à l’un des avocats spécialisés en matière d’aide sociale qui accepte de travailler dans le cadre de l’aide juridique gratuite (également appelé « avocat pro deo ») avec qui il collabore.

La discrimination (in)directe et intersectorielle

Samira a-t-elle été victime de discrimination ? La discrimination peut se définir comme le traitement injuste ou inégal d’une personne sur base de caractéristiques personnelles (3). La législation antidiscrimination condamne tant la discrimination que le harcèlement, le discours de haine ou les délits de haine envers une personne ou un groupe de personnes. Elle définit non seulement différentes formes de discrimination, mais aussi les caractéristiques personnelles prises en compte. On les appelle les « critères protégés ». En Belgique, il existe trois lois fédérales qui constituent la législation antidiscrimination identifiant 19 critères protégés : la loi dite « Genre » (sexe), la loi dite « Antiracisme » (nationalité, origine ethnique ou nationale, « race », couleur de peau, ascendance) et la loi dite « Antidiscrimination » (handicap, conviction religieuse ou philosophique, orientation sexuelle, âge, fortune, état civil, conviction politique, conviction syndicale, état de santé, caractéristique physique ou génétique, naissance, origine sociale, langue). Les conventions de droit international et européen protègent également les personnes contre les discriminations, directes ou indirectes, basées sur ces critères protégés (4).

« La discrimination peut se définir comme le traitement injuste ou inégal d’une personne sur base de caractéristiques personnelles »

On parle de discrimination directe lorsqu’une personne est traitée de manière moins favorable qu’une autre ne l’est, ne l’a été ou ne le serait dans une situation comparable en raison d’une caractéristique qui est protégée par la loi. C’est par exemple le cas si votre candidature à un emploi est refusée en raison de votre couleur de peau. Il se peut aussi qu’une mesure, une pratique ou une disposition, à première vue neutre, entraîne malgré tout des effets discriminatoires ou un désavantage particulier pour des personnes en raison d’un critère protégé, par rapport à d’autres personnes. On parle alors de discrimination indirecte. Par exemple : si les animaux sont interdits dans un café, cela signifie qu’une personne malvoyante accompagnée d’un chien d’assistance ne peut pas y avoir accès non plus. La loi prévoit l’obligation de prévoir des aménagements raisonnables permettant, par exemple, à la personne handicapée d’occuper un emploi, de suivre des cours, d’aller à un spectacle, etc.

Une discrimination indirecte sur la base du critère de la conviction religieuse peut être justifiée uniquement quand la disposition/le critère/la pratique apparemment neutre qui est au fondement de cette distinction indirecte se justifie objectivement et raisonnablement par un but légitime, et dans la mesure où les moyens pour atteindre cet objectif sont appropriés et nécessaires. Par ailleurs, les États membres peuvent prévoir qu’une différence de traitement fondée sur un critère protégé ne constitue pas une discrimination (directe ou indirecte) lorsque, en raison de la nature de l’activité professionnelle ou des conditions de son exercice, la caractéristique en cause constitue une exigence professionnelle essentielle et déterminante, pour autant que l’objectif soit légitime et que l’exigence soit proportionnée » (art.10 Ord Bxl du 04.09.2008).

L'examen de l'objet du recours

Comme l’indique le jugement, la contestation relative au revenu d’intégration dans le cas de Samira porte sur la seule question de la disposition au travail (2). Cette question ne peut être résolue qu’après avoir jugé si Samira a ou non été victime d’une discrimination lors de sa mise à l’emploi par le CPAS.
Le tribunal tranche entre les diverses législations qui coexistent. Il considère que c’est le législateur régional qui est devenu exclusivement compétent pour adopter les règles en matière de lutte contre la discrimination dans toutes les matières qui dépendent de sa compétence, comprenant l’emploi et la mise au travail des personnes qui bénéficient du droit à l’intégration ou du droit à l’aide sociale financière (5). C’est donc à ce législateur-là qu’il faut se référer s’agissant de vérifier, en l’espèce, si le CPAS a exercé sa mission de mise à l’emploi dans le respect de l’exigence de non-discrimination, sous l’angle des dispositions de l’ordonnance bruxelloise du 04.09.2008 (demande formulée également, mais à titre subsidiaire, par l’avocat de Samira). Le tribunal ne fait donc pas droit à la demande principale de Samira qui tend à la condamnation du CPAS à lui payer une indemnisation forfaitaire équivalente à 6 mois de rémunération, en application de la loi fédérale du 10.05.2007 (art.18, §2).

L’ordonnance prévoit que lorsqu’une personne qui s’estime victime d’un acte de discrimination invoque, devant le juge, des faits qui permettent de présumer l’existence de cette discrimination, c’est au défendeur, le CPAS en l’espèce, qu’il incombe de prouver qu’il n’y a pas eu de discrimination par une justification appropriée. A défaut pour le CPAS d’établir que la différence de traitement est légitime et non discriminatoire, il y a lieu de considérer que la discrimination est avérée. Dans ce cas, l’ordonnance prévoit que la victime peut réclamer, selon son choix, soit une indemnisation de son préjudice en application du droit de la responsabilité contractuelle ou extra-contractuelle, soit l’indemnisation forfaitaire de son préjudice moral fixée par l’ordonnance à 650 €, et à 1.300 € lorsque l’auteur ne peut pas démontrer que le traitement litigieux défavorable aurait également été adopté en l’absence de discrimination ou en raison d’autres circonstances, telles que la gravité du préjudice moral subi.

« A défaut pour le CPAS d'établir que la différence de traitement est légitime et non discriminatoire, il y a lieu de considérer que la discrimination est avérée. »

La liberté de manifester sa religion

Comme le rappelle le jugement (2), la liberté de religion est garantie par la Convention européenne des droits de l’homme (art. 9). Les restrictions à cette liberté doivent être prévues par la loi et ne peuvent constituer que des mesures justifiées et nécessaires à la sécurité publique, à la protection de l’ordre, à la santé ou la morale publiques, ou à la protection des droits et libertés d’autrui. La jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme est abondante en la matière et elle insiste sur l’importance que revêtent ces libertés : «  […] la liberté de pensée, de conscience et de religion représente l’une des assises d’une « société démocratique » au sens de la Convention. Elle figure, dans sa dimension religieuse, parmi les éléments les plus essentiels de l’identité des croyants et de leur conception de la vie, mais elle est aussi un bien précieux pour les athées, les agnostiques, les sceptiques ou les indifférents. Il y va du pluralisme – chèrement conquis au cours des siècles – consubstantiel à pareille société » (6).

Classiquement, il est admis que le droit de manifester ses convictions religieuses, notamment sur le lieu de travail, peut faire l’objet de limitations si celles-ci remplissent la triple condition :
* de légalité : c’est l’inscription dans une norme précise et accessible (dans une loi ou, dans un sens plus souple dans les relations de travail, dans un règlement de travail, par exemple)
* de légitimité : c’est la poursuite d’un des buts légitimes
* de proportionnalité : la mesure doit être susceptible d’atteindre l’objectif poursuivi et il ne doit pas y avoir de moyens moins attentatoires au droit fondamental auquel il est porté atteinte pour y parvenir.

Dans la jurisprudence européenne, la neutralité des services publics peut constituer un objectif légitime à la limitation de la liberté de manifester sa religion opposée aux travailleurs du secteur public (7). Le principe constitutionnel de neutralité des services publics est étroitement lié à l’interdiction de discriminations en général et au principe de l’égalité des usagers du service public en particulier, comme le rappelle la Cour constitutionnelle (8). (Lire l’encadré)

Dans le cas de Samira, il faut donc retenir les trois points suivants :
* les agents des services publics se doivent de traiter de manière égale et impartiale les usagers de ces services.
* Il peut être exigé que ces agents s’abstiennent s’arborer des signes convictionnels dans l’exercice de leur fonction dans la mesure où cette extériorisation de leurs convictions pourrait susciter chez l’usager du service public le sentiment qu’il ne sera pas traité de manière impartiale.
* Pour les autres agents qui, portant des signes convictionnels, ne peuvent susciter auprès du public le sentiment qu’ils n’exercent pas leur fonction d’une manière impartiale (par exemple : fonctions techniques ou d’exécution), une telle restriction au droit fondamental de la liberté de religion ne peut être adoptée qu’au terme d’une évaluation in concreto qui tient compte de la nature de la fonction exercée et d’un examen de la proportionnalité qui met en balance ce droit fondamental et la protection des droits et libertés d’autrui ou encore la protection de la santé. Des difficultés organisationnelles peuvent également justifier, selon les circonstances concrètes, une interdiction générale du port des signes convictionnels s’il apparaît difficile d’opérer une distinction entre les différents membres d’un même service public.

« une telle restriction au droit fondamental de la liberté de religion ne peut être adoptée qu'au terme d'une évaluation in concreto tenant compte de la nature de la fonction exercée et d'un examen de la proportionnalité qui met en balance ce droit fondamental et la protection des droits et libertés d'autrui.»

Il convient encore de vérifier si l’interdiction se limite au strict nécessaire pour atteindre le but poursuivi. Cette vérification relève du pouvoir d’appréciation du juge auquel il incombe, eu égard à tous les éléments du dossier qui lui est soumis, de tenir compte des intérêts en présence et de limiter les restrictions aux libertés en cause au strict nécessaire. L’employeur public qui poursuit une mission d’intérêt général se doit de motiver ces restrictions qu’il impose à des droits fondamentaux au regard de cet intérêt général (10).

« L'employeur public qui poursuit une mission d'intérêt général se doit de motiver les restrictions qu'il impose à des droits fondamentaux au regard de cet intérêt général. »

La différence de traitement

Le jugement analyse d’abord l’existence d’une différence de traitement. Il s’agit d’opérer une comparaison entre la situation de la personne qui se plaint d’un traitement désavantageux en raison de ses convictions et la situation des personnes qui ne subissent pas ces désavantages. Samira fait bien l’objet d’une différence de traitement en raison de sa religion et a été moins bien traitée qu’une autre personne avec un profil comparable au sien mais qui n’aurait pas demandé à garder son voile : c’est parce qu’elle a exprimé son refus d’enlever le voile sur le lieu de travail qu’elle n’a pas pu accéder à l’emploi que le CPAS lui avait proposé.
Le jugement dit : «  A tort, le CPAS fait valoir l’absence de différence de traitement déduite de ce que, d’une part, elle emploie des travailleuses musulmanes qui enlèvent, sur le lieu du travail, le voile qu’elles portent par ailleurs et de ce que, d’autre part, l’exigence du port du voile ne relèverait d’aucune « norme théologique ». Le tribunal, ni le CPAS, n’ont à apprécier la légitimité du prescrit religieux auquel Samira estime devoir se conformer et auquel elle paraît adhérer de manière sincère. »

« C'est parce qu'elle a exprimé son refus d'enlever le voile sur le lieu de travail qu'elle n'a pas pu accéder à l'emploi que le CPAS lui avait proposé. »

Ah oui ! L’avocate du CPAS avait bien osé soutenir que le port du voile n’était pas en lien avec la religion et qu’il existe d’ailleurs une communauté sur la planète où des femmes imams ne sont pas voilées…
Le jugement précise que la personne qui se prévaut de sa liberté de manifester sa religion ne doit pas démontrer qu’elle a agi conformément à un commandement de la religion en question. Dans le cas du port du voile, il suffit donc qu’il soit établi que l’intéressée le porte pour des raisons religieuses et que sa motivation religieuse ne soit pas mise en doute (11). Le tribunal reconnaît que Samira rapporte la preuve des faits qui laissent présumer l’existence d’une discrimination en raison de la religion, il appartient donc au CPAS de faire la preuve de causes de justification. Il retient la qualification de la discrimination indirecte qui rejoint l’interprétation de la Cour de justice de l’UE (12).

« Le tribunal, ni le CPAS, n'ont à apprécier la légitimité du prescrit religieux auquel Samira estime devoir se conformer et auquel elle paraît adhérer de manière sincère. »

Les « justifications » du CPAS

Le jugement analyse ensuite toutes les causes de justification qui ont été invoquées par le CPAS lors de ses plaidoiries orales et dans ses conclusions écrites. Il s’agit de vérifier si l’interdiction de porter le voile se justifie objectivement et raisonnablement par un objectif légitime et si les moyens pour atteindre cet objectif sont appropriés et nécessaires, ou si cette interdiction répond à une exigence professionnelle essentielle et déterminante en raison de la nature de l’activité professionnelle (ou des conditions de son exercice) et si, dans ce cas, elle est proportionnée à l’objectif légitime poursuivi.
Le CPAS invoque son règlement de travail qui interdit à tous les membres de son personnel le port de tout signe convictionnel (13). Il soutient que l’interdiction poursuit légitimement un objectif de neutralité des services publics et que le souci de préserver la neutralité des services publics constitue indéniablement un objectif légitime. Le jugement rappelle alors que le Conseil d’État, en s’appuyant sur la jurisprudence européenne, n’interprète pas le principe de neutralité comme exigeant des agents des services publics un devoir d’abstention de manifester leurs convictions religieuses (9). « La neutralisation des apparences requiert une justification au cas par cas (11) et est intimement liée à l’exercice impartial de la fonction publique. Ce n’est donc que dans la mesure où le port de signes convictionnels est susceptible de faire douter l’usager des services publics de l’impartialité avec laquelle il sera traité par l’agent revêtu d’un tel signe que le droit fondamental à la liberté de manifester sa religion de cet agent peut être restreint. La tâche qu’il était proposé à Samira d’accomplir était celle du nettoyage des locaux (communs et chambres individuelles) de la maison de repos et de soins dépendant du CPAS. Cette tâche n’est susceptible d’aucune exécution dont la partialité ou l’impartialité puisse être questionnée, même lorsque cette exécution a lieu de jour, au vu de tous, dans les locaux où un service public est rendu. » (2)

« Pour une tâche de nettoyage dont la partialité ou l'impartialité ne peut être questionnée, la restriction à la liberté de religion de l'agent doit faire l'objet d'un examen de proportionnalité strict qui met en balance ce droit fondamental et la protection des libertés d'autrui. »

Ah oui ! L’avocate du CPAS avait également plaidé que la vision même d’une femme voilée au sein des locaux du CPAS et de son home était de nature à horrifier les pauvres personnes vulnérables en fin de vie de la résidence… Comme si une femme voilée était une sorte d’extraterrestre ou de monstre ? Pour ne plus avoir à éduquer des personnes contre les préjugés et le racisme ?
D’autre part, poursuit le jugement, pour cette tâche de nettoyage dont la partialité ou l’impartialité ne peut être questionnée, la restriction à la liberté de religion de l’agent doit faire l’objet d’un examen de proportionnalité strict qui met en balance ce droit fondamental et la protection des libertés d’autrui.
« Le tribunal n’aperçoit pas en quoi les libertés des usagers du CPAS auraient pu être mises en danger, de manière réelle et concrète, par le fait que Samira aurait arboré un voile, ou un bonnet d’apparence plus « neutre » comme elle l’avait proposé, pendant qu’elle aurait exécuté des travaux de nettoyage. Sauf à considérer que le CPAS devrait se plier aux préjugés supposés ou perceptions subjectives (emplies de craintes ou de méfiance?) des usagers de ses services. Ce qui ne se peut. » (14)

« Le tribunal n'aperçoit pas en quoi les libertés des usagers du CPAS auraient pu être mises en danger par le fait de porter un voile sauf à considérer que le CPAS devrait se plier aux préjugés supposés ou perceptions subjectives (emplies de craintes ou de méfiance?) des usagers de ses services. Ce qui ne se peut. »

Le CPAS invoque encore en vain la vulnérabilité des résidents de la maison de repos et de soins. Le jugement poursuit : « S’il est indéniable que ces personnes sont généralement dans une situation de vulnérabilité liée à leur grand âge et/ou à leur état de santé, le tribunal n’aperçoit pas en quoi cette vulnérabilité pourrait être atteinte par le fait que la personne effectuant le nettoyage des chambres, ou venant récupérer les plateaux repas pris dans les chambres, porte un voile ou un bonnet. Le CPAS ne l’explique pas. Ici également l’argument sous-jacent paraît être celui de préjugés supposés des résidents et/ou de leurs proches à l’égard des membres du personnel qui porteraient un voile ou un bonnet. Le CPAS n’établit pas de manière convaincante et concrète que le port d’un bonnet, proposé par Samira en lieu et place du voile, aurait été incompatible avec les règles d’hygiène et avec l’imposition du port d’un uniforme à tous les travailleurs de la maison de repos et de soins. »
Ah oui, l’audience des plaidoiries s’est déroulée juste avant le confinement, lorsque l’on évoquait déjà l’arrivée d’une crise sanitaire liée au Covid-19. L’avocate du CPAS n’a donc pas hésité à insinuer que le voile serait le vecteur des virus rapportés des transports publics et qu’il pourrait contaminer l’ensemble de la résidence. Le tribunal a fort heureusement su faire les nuances nécessaires, en poursuivant :
« Le seul exemple concret avancé est celui de l’obligation pour le personnel qui entre en cuisine de se couvrir les cheveux d’une charlotte. Le CPAS n’explique pas en quoi le bonnet aurait contrevenu à cette règle d’hygiène qui a précisément pour objet de recouvrir les cheveux. Il n’explique pas plus pourquoi aucune mesure ne pouvait être envisagée qui aurait garanti l’hygiène du bonnet lui-même qui, à l’instar de l’uniforme, aurait dû être entretenu afin de protéger les résidents de vecteurs de maladie. »

Le CPAS invoque encore l’égalité de traitement entre les membres de son personnel qui imposerait l’interdiction généralisée de tout couvre-chef quelconque, en énonçant toute une série d’autres signes susceptibles d’être visés (kippas, croix, bandeaux et couteaux sikhs, pieds nus, bonnets, gilets jaunes, etc.) et en affirmant que sinon cela provoquerait de potentielles querelles de particularisme ingérables, sans aucunement justifier in concreto l’interdiction faite à Samira de porter un voile ou un bonnet, dans l’exercice d’une tâche de nettoyage, ce que le jugement souligne en insistant : « chacun des signes devrait lui-même faire l’objet d’une appréciation tenant compte, de manière concrète, de la fonction exercée par l’agent qui l’arbore, du doute que le signe pourrait faire naître quant à l’impartialité de l’agent et/ou du rapport de proportionnalité entre la mesure d’interdiction et le droit fondamental de tout agent à la liberté de manifester sa religion, du caractère nécessaire de l’interdiction et de l’absence de moyens moins attentatoires au droit fondamental. On le répète, dans la mesure où l’interdiction porte atteinte à un droit fondamental et est susceptible d’empêcher l’accès à un emploi en raison de l’exercice de ce droit, elle doit être justifiée de manière convaincante, réelle et concrète. Il résulte de ces éléments que le CPAS ne rapporte pas la preuve qui lui incombe d’une justification pertinente et convaincante à la différence de traitement dont Samira a été victime. En conséquence, le tribunal juge que Samira a été victime d’une discrimination indirecte ».

L'indemnité forfaitaire

Concernant l’indemnité forfaitaire, le juge aurait pu accorder celle de 1.300 euros vu que le CPAS ne peut démontrer que « le traitement litigieux défavorable ou désavantageux aurait également été adopté en l’absence de discrimination » (article 24 de l’ordonnance). Malheureusement, les juges ont probablement considéré que la demande ne figurait pas formellement dans les termes du dispositif – seul l’article 24 a été invoqué par l’avocat de Samira, sans demander formellement l’application de l’indemnité de 1.300 €. Le tribunal, assez frileux en général à condamner les CPAS à de lourdes peines pécuniaires, s’en est donc probablement tenu de manière (trop ?) stricte au principe du dispositif.
A noter que dans la mesure où le tribunal a donné raison à Samira concernant la discrimination sur base de ses convictions religieuses, il ne s’est pas exprimé sur l’existence d’une discrimination multiple et intersectionnelle qui avait été soulevée à titre infiniment subsidiaire. C’est regrettable sur le plan des principes et de leur application concrète mais cela ne changera pas grand-chose au résultat final pour Samira.

Intégration sociale vs neutralité de l’État

La loi dispose que toute personne qui réunit les conditions (article 3 de la loi du 26 mai 2002) a droit à l’intégration sociale. Ce droit peut prendre la forme d’un emploi (notamment un emploi dans le cadre d’un contrat dit « article 60 ») et/ou d’un revenu d’intégration, assorti(s) ou non d’un projet individualisé d’intégration sociale. La condition qui d’après le CPAS n’est pas remplie dans le cas de Samira, est celle de l’obligation d’être disposée à travailler : « il s’agit pour la personne d’adopter un comportement de nature à lui permettre, à bref délai ou à terme, de subvenir à ses besoins par son travail ».(15) Cette condition doit être appréciée concrètement et tenir compte de la situation particulière, de la formation et du passé professionnel de la personne, de son âge, des difficultés qu’elle rencontre ou encore de ses charges familiales. Parallèlement, le CPAS doit favoriser le processus d’insertion professionnelle qui, selon la loi, constitue l’une de ses missions prioritaires. Le tribunal relève ici que le rapport social du CPAS témoigne de l’attitude enthousiaste de Samira lors de la proposition d’emploi par le CPAS. Elle a ensuite fait valoir son souhait de pouvoir porter le voile pendant l’exécution du travail. Face à l’interdiction que lui opposait le CPAS, elle a ensuite proposé de substituer le voile par un bonnet qui n’a pas plus été accepté. Elle a alors indiqué qu’elle refusait cet emploi. Toujours d’après le jugement, le fait que ce refus ait été formulé par la voix de son frère est sans pertinence pour apprécier les faits. Dans son avis oral, l’auditeur y décelait justement un élément indiquant que Samira avait d’autant plus besoin de l’aide du CPAS pour parvenir à assurer son intégration sociale et pouvoir s’émanciper de son frère.

« En refusant d'accéder au souhait du port du voile, sans justification convaincante et ancrée dans la réalité concrète de la maison de repos et de soins, le CPAS a discriminé Samira dans son accès à l'emploi et, ce faisant, il a failli à sa mission prioritaire d'intégration sociale »

Le tribunal a jugé qu’en manifestant son souhait de porter le voile au cours de l’exécution du travail qui lui était proposé par le CPAS, Samira avait donc bien exercé son droit fondamental à la liberté de manifester sa religion. Il a également jugé qu’en refusant d’accéder à ce souhait, sans justification convaincante et ancrée dans la réalité concrète de la maison de repos et de soins, le CPAS avait discriminé Samira dans son accès à l’emploi et, ce faisant, il avait failli à sa mission prioritaire d’intégration sociale par l’emploi (et également par l’octroi d’un revenu d’intégration). Il revenait au CPAS de chercher une solution concrète qui, conciliant le principe de neutralité des services publics et sa mission d’intégration sociale, aurait permis à Samira d’accéder à l’emploi qui lui était proposé et pour lequel elle avait manifesté son intérêt. Samira avait elle-même proposé une solution : porter un bonnet. Le CPAS a d’emblée écarté cette solution sans expliquer, de manière convaincante et concrète, en quoi elle était inconciliable avec le principe de neutralité. Dans ces circonstances, il ne peut donc être considéré que Samira n’a pas rempli la condition d’être disposée à travailler et le revenu d’intégration ne pouvait dès lors pas lui être retiré. Le CPAS est donc condamné à reverser à Samira le revenu d’intégration auquel elle avait bien droit pendant toute la période litigieuse, en plus de l’indemnité forfaitaire.

« Il revenait au CPAS de chercher une solution concrète qui aurait permis à Samira d'accéder à l'emploi qui lui était proposé et pour lequel elle avait manifesté son intérêt, en conciliant le principe de neutralité des services publics et sa mission d'intégration sociale. »

Dans cette affaire, UNIA s’est joint à la procédure et comptait se joindre à l’éventuel appel pour développer davantage l’angle transversal et collatéral de l’affaire : le caractère d’être discriminée parce que « femme », parallèlement à ceux de la religion et du travail. Mais le jugement étant favorable à Samira et le CPAS s’étant abstenu d’interjeter appel, le jugement est devenu définitif. Par conséquent, l’affaire ne sera plus revue par une autre juridiction

Le principe constitutionnel de neutralité des services publics : une conception nuancée

Ce principe peut avoir une acception inclusive : la neutralité des actes imposant aux agents des services publics de traiter de manière égale, impartiale, et de s’abstenir de discriminer les usagers des services publics. Elle peut aussi être exclusive : la neutralité qui impose en outre à l’agent ou au contractuel d’une part d’être neutre d’apparence de manière à prémunir l’usager du service public de la crainte d’être discriminé et, d’autre part, à préserver l’unité du service public et l’égalité de traitement entre les membres de son personnel. Selon la section législation du Conseil d’État, qui s’est prononcée à plusieurs reprises sur des propositions de décret ou d’ordonnance visant à interdire aux agents des administrations régionales ou communautaires le port de signes convictionnels dans l’exercice de leurs fonctions, les deux conceptions de la neutralité sont compatibles avec les valeurs portées par la Constitution et la Convention européenne des droits de l’Homme. Différents avis rendus semblent le confirmer (1) : « [ …] En imposant que non seulement les agents des pouvoirs publics exercent leur fonction d’une manière neutre, mais également que « leur apparence extérieure » respecte cette neutralité, les auteurs de la proposition entendent de toute évidence renforcer la confiance des citoyens dans la neutralité de la fonction publique, considérant qu’en agent de l’autorité qui n’est pas vêtu d’une manière neutre pourrait aussi susciter le sentiment qu’il n’exercera pas sa fonction d’une manière impartiale. Ceci vaut aussi pour toute autre forme extérieure d’appartenance philosophique, religieuse, communautaire ou partisane. ».
S’agissant des agents des pouvoirs publics qui exercent leur fonction sans être en contact avec le public, le Conseil d’État poursuit en rappelant la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’Homme « dont il ressort qu’une évaluation in concreto est requise pour pouvoir apprécier s’il existe un « besoin social impérieux » et si la restriction est « proportionnée » au but poursuivi.

D’autre part, il apparaît au Conseil d’État que les auteurs de la proposition ne justifient pas suffisamment le champ d’application très général et les développements ne contiennent pas de justification suffisante de l’obligation qui est faite à tout agent des pouvoirs publics d’observer une même neutralité stricte dans son apparence extérieure, quelle que soit la nature de sa fonction et indépendamment de la circonstance que cette fonction soit exercée en contact ou non avec le public.

Compte tenu du principe de proportionnalité, cette justification s’impose d’autant plus que l’obligation inscrite dans la proposition peut conduire à l’exclusion de citoyens de la fonction publique pour le seul motif qu’ils exercent un droit fondamental, sans qu’il ne soit démontré adéquatement que cet exercice représente un danger pour la « sécurité et sûreté publiques ou nationales, la protection de l’ordre, de la santé ou de la morale publiques, ou de la protection des droits et libertés d’autrui, etc. » – cf. Art 9 et 10 de la CEDH. La justification doit également répondre aux exigences résultant du principe d’égalité et de non-discrimination. »


Le Conseil d’État confirme son avis suite à d’autres tentatives de justification des auteurs de propositions pour imposer à tous les travailleurs de la fonction publique, sans distinction aucune, la neutralité exclusive : respect d’une stricte impartialité, aucune possibilité de pouvoir considérer une influence sur les droits et obligations des administrés, égalité entre tous les fonctionnaires et garantie que l’ensemble des collègues se consacre à l’exécution de ses fonctions dans le même esprit d’impartialité, unité du service public, organisation des lieux et fonctions, etc. Il confirme que ces justifications sont admissibles dans la mesure où il s’agit des « membres du personnel qui, portant des signes convictionnels, peuvent susciter auprès du public le sentiment qu’ils n’exercent pas leur fonction d’une manière impartiale ». Pour les autres fonctions, celles qui ne peuvent pas susciter auprès du public le sentiment qu’ils n’exercent pas leur fonction d’une manière impartiale, par exemple parce qu’ils exercent uniquement des fonctions techniques ou d’exécution, ces justifications ne sont pas suffisantes. Le Conseil d’État ajoute encore que, « pour autant qu’il existe des différences pertinentes entre des catégories d’agents, l’inégalité de traitement de ces catégories peut se justifier précisément à la lumière du principe d’égalité qui, en effet, interdit également que des personnes se trouvant dans des situations différentes soient traitées de manière identique sans justification objective et raisonnable, et ce à la lumière de l’exigence d’un « besoin social impérieux » pour restreindre la liberté d’expression et la liberté religieuse ou philosophique ». Une différence d’appréciation doit donc être faite selon que certaines catégories de personnel puissent ou non susciter manifestement, selon la nature de leur fonction, un doute auprès du public quant à leur impartialité. L’argumentation tirée des difficultés d’organisation qu’impliquerait une réglementation différente selon les catégories du personnel employé retient davantage l’attention du Conseil d’État et pourrait être prise en considération quant au respect du principe de proportionnalité. Pour pouvoir imposer et justifier une interdiction générale, c’est donc au législateur de pouvoir démontrer de manière convaincante qu’il est extrêmement difficile, voire impossible, compte tenu des circonstances concrètes en matière d’organisation et de fonctionnement du service public, d’opérer une distinction entre les différents membres du personnel à l’intérieur d’un même service public. Le Conseil d’État n’est pas lui-même en mesure de se substituer à l’autorité responsable pour procéder à cette appréciation tant les situations sont variables. A défaut, le législateur devra faire une distinction selon qu’en portant des signes convictionnels, les membres du personnel sont susceptibles ou pas de susciter des doutes quant à la neutralité du service public. C’est donc une conception nuancée de la neutralité des services publics qui est prônée par la section législation du Conseil d’État.


(1) Conseil d’État, Avis n°48.147/A/AG, Doc. Parl., Parl. Rég. Bxl-Cap., Ass. Réunies C.C.C., 2009/2010, n°B/10/2 ; Avis n°44.521/AG donné le 20 mai 2008 sur une proposition de loi visant à appliquer la séparation de l’État et des organisations et communautés religieuses et philosophiques non confessionnelles.

Un voile de lumière ?

L’intérêt de ce jugement est qu’il est très pédagogique et qu’il reprend clairement l’ensemble des principes qui gouvernent la matière en faisant une application détaillée des principes au cas particulier de Samira. Il est également très intéressant parce qu’il fustige les éventuels préjugés et les fausses croyances des usagers du home ainsi que des services et responsables de ce CPAS. L’avis de l’auditeur lors de l’audience a aussi clairement montré qu’il s’agissait avant tout ici du droit à l’intégration sociale et qu’en retirant toute chance à l’emploi, ainsi que tout droit au RI, sans justification pertinente, ni convaincante, il s’agissait d’abandonner à son triste sort sa propre usagère vulnérable.

On espère que les règlements de travail (et décisions) des CPAS et ceux des autres secteurs publics seront, à l’avenir, davantage attentifs et adaptés aux lois en vigueur favorisant l’intégration sociale, leur mission première essentielle. L’interdiction générale de la liberté constitutionnelle de manifester sa religion, sans mise en balance des intérêts en présence, est illégale. Il faudrait donc que les CPAS changent leurs propres règlements et décisions plutôt que de tenter d’adapter leurs usagers – et leurs travailleurs – à leurs pratiques abusives, en les obligeant à choisir entre leurs libertés et leurs droits à un emploi, ou à leurs droits à l’intégration sociale…
Ce jugement vient donc peut être comme un voile d’espoir et de lumière, par rapport à l’arrêt de la Cour constitutionnelle du 4 juin dernier qui a donné raison à la Haute École Francisco Ferrer, estimant que l’établissement bruxellois était dans son bon droit d’interdire à ses étudiant(e)s de porter des signes manifestant une appartenance philosophique ou religieuse (16).

(1) Prénom d’emprunt.

(2) T.T. Bxl (25e Ch.), 29 avril 2020, x c. CPAS de Ganshoren, RG n°18/2253/A

(3) Unia, « Discrimination quelques précisions », https://www.unia.be

(4) Pour les principales références légales des lois antidiscrimination : Constitution belge (art. 19) ; Loi du 10.05.2007 tendant à lutter contre certaines formes de discrimination ; Ord. Bxl. Du 04.09.08 relative à la lutte contre la discrimination et à l’égalité de traitement en matière d’emploi, sur la base de ses convictions religieuses, modifiée par l’Ord. Bxl du 16.11.17 visant à lutter contre les discriminations en matière d’emploi en Région Bxl-Capitale, entrée en vigueur le 01.01.18, M.B., 21.11.17, transposant la directive 2000/78/CE  du Conseil du 27.11200 portant création d’un cadre général en faveur de l’égalité de traitement en matière d’emploi et de travail ; CEDH (art. 9) ; Charte des droits fondamentaux de l’UE (art.10).

(5) Art. 6, §1er, IX, 2°/1, inséré dans la loi spéciale de réforme institutionnelles du 8 août 1980 par l’art. 22 de la loi spéciale du 6 janvier 2014 relative à la 6ème réforme de l’État, entrée en vigueur le 01.07.14.

(6) C.E.D.H., 25.05.1993, arrêt Kokkinakis c. Grèce.

(7) C.E.D.H., 26 nov. 2015, Ebrahimian c. France (assistante sociale psychiatrique de la fonction publique hospitalière) ; C.E.D.H., 9 oct. 2007, arrêt Hassan et Eylem Zengin c. Turquie, point 54 (enseignante).

(8) LC.C., arrêt n°40/2011 du 15 mars 2011, point B.9.5.

(9) Conseil d’État, Avis n°48.147/A/AG, Doc. Parl., Parl. Rég. Bxl-Cap., Ass. Réunies C.C.C., 2009/2010, n°B/10/2 ; Avis n°44.521/AG donné le 20 mai 2008 sur une proposition de loi visant à appliquer la séparation de l’État et des organisations et communautés religieuses et philosophiques non confessionnelles.

(10) F. KEFFER, L’expression des convictions religieuses dans les relations de travail, T.S.R.-R.D.S., 2017, n°7 et les notes 22 et 12, p. 537 et s.

(11) C.E.D.H., 10 nov. 2005, arrêt Leyla Sahin c. Turquie, point 78 ; I. RORIVE, Être et avoir l’air : une scénographique baroque des principes de neutralité et de non-discrimination, Commentaire de l’ordonnance du Tribunal du travail francophone de Bruxelles siégeant comme en référé du 16 nov. 2015, A.P., 2016, p. 509.

(12) CJUE arrêt du 14.03.2017, aff. C-157/15, n°37 et 38.

(13) L’article 28 du règlement de travail du CPAS de Ganshoren, sous l’intitulé « Attitude envers les usagers des services du CPAS », dispose ce qui suit : « le CPAS relève du secteur public. Celui-ci est soumis à un certain nombre de règles qui doivent notamment permettre à l’ensemble du public d’y avoir accès et d’y recevoir un accueil convenable. Dans ce cadre, les membres du personnel sont invités à faire preuve, dans leur comportement, de la plus grande neutralité sur le plan politique, philosophique et religieux. Les paroles, les actes ou les signes distinctifs qui seraient contraires à l’esprit de cette disposition sont interdits. ».

(14) Voir à cet égard l’arrêt Bougnaoui (CJCE, 14.03.2017, aff. n°C-188/15, J.L.M.B., p. 801) : « les préjugés des clients d’une entreprise privée qui ne souhaitent pas avoir affaire pour des raisons liées à un critère protégé, ne sauraient constituer une exigence professionnelle déterminante susceptible de justifier le licenciement ou le non-recrutement d’une personne présentant ce critère » ; J. RINGELHEIM, Les concepts-clés du droit de la lutte contre les discriminations, in Comprendre et pratiquer le droit de la lutte contre les discriminations, CUP vol. 184, Liège, Anthémis, 2018, n°21, p.59 ; S. VAN DROOGHENBROECK, Les transformations du concept de neutralité de l’Etat : quelques réflexions provocatrices, in Le droit et la diversité culturelle, Bruxelles, Bruylant, 2011, n°38 et s., pp. 116 et s.

(15) F. BOUQUELLE et P. LAMBILLON, La disposition au travail, in Aide sociale- Intégration sociale. Le droit en pratique, La Charte, 2011, p.322. ; T.T. Bxl (25e Ch.), 29 avril 2020, x c. CPAS de Ganshoren, RG n°18/2253/A, p.30.

(16) C. Const, 4 juin 2020, RG 6927, n°81/2020, https://www.unia.be

Partager cet article

Facebook
Twitter