CPAS

Qui sont les travailleuses et travailleurs des CPAS bruxellois ?

Une radiographie des caractéristiques des travailleurs, qui sont surtout des travailleuses, des 19 CPAS bruxellois permet de saisir une partie des enjeux auxquels ceux-ci sont confrontés en termes de recrutement, de management et de fidélisation de leur personnel…

"71 % des agents des CPAS sont des femmes"

Un rapport du consultant Probis en 2014 (Lire l’article ici) signalait : « Le nombre de travailleurs sociaux actifs dans les services sociaux des CPAS n’est pas connu. Sur la base de cette étude, nous estimons le nombre de travailleurs sociaux entre 7.163 et 9.445 équivalents temps plein. » (1) Il s’agissait ici d’une estimation portant sur l’ensemble des CPAS de Belgique. Estimation très imprécise, réalisée par extrapolation. Une publication plus récente et très détaillée du Service public régional de Bruxelles, fournit elle les chiffres du personnel des communes et CPAS bruxellois, sur la base des comptes 2018 et des annexes aux budgets 2019, ainsi que de données de l’Office national de Sécurité sociale (ONSS). (2) Les chiffres relatifs aux effectifs du personnel présentent la situation au 30 juin 2018, et sont exprimés en « équivalents temps plein » (ETP). Pour les CPAS, ils comprennent l’ensemble des agents des CPAS, à l’exception des personnes sous contrat « Article 60 ». Nous en synthétisons ci-dessous les éléments qui nous intéressent le plus dans le cadre de notre analyse de la situation des travailleurs sociaux des CPAS bruxellois. Notons que depuis 2018, les effectifs des CPAS ont encore augmenté, avec un nombre important d’engagements dans le cadre des crises Covid, Ukraine et énergie. Mais il s’agit néanmoins d’une base solide et assez récente pour se faire une image relativement proche de la situation actuelle. Seul bémol pour l’analyse de notre sujet, l’étude fait la distinction par niveau de fonction mais pas par type de fonction, ce qui ne permet pas de comptabiliser exactement le nombre de travailleurs sociaux.

Des tailles diverses

Avec un effectif de 82 équivalents temps plein, Koekelberg, le plus petit CPAS de la Région, compte près de vingt fois moins d’agents (tous services confondus donc, hors articles 60) que celui de la ville de Bruxelles, qui emploie 1.595 ETP. (Lire le graphique). L’administration du CPAS de Bruxelles se distingue nettement avec des effectifs de trois à vingt fois supérieurs aux autres. C’est évidemment la commune la plus vaste et la plus peuplée de la Région. Pour couvrir ce territoire, le CPAS a mis en place onze antennes sociales de proximité. Il représentait en 2018 17 % du nombre de RI de la Région. Le CPAS de Bruxelles gère cinq maisons de repos et de soins, ce qui explique aussi le nombre de travailleurs actifs. Possédant un important patrimoine immobilier, il offre aussi un service logement qui n’a aucune commune mesure avec les autres CPAS de la Région. Le CPAS dispose en outre de deux services jeunes agréés, le Home Juliette Herman et le service Intersection, qui sont mandatés par le Tribunal de la jeunesse, le Conseiller ou le Directeur de l’aide à la jeunesse. Il anime aussi une Maison de l’Adolescent, Mado Nord à Laeken. À la suite de Bruxelles, viennent les cinq communes de plus de 80.000 habitants, dont les administrations se détachent également : Anderlecht (13 % du nombre de RI de la Région), Ixelles (6,5 %), Molenbeek-Saint-Jean (13,7 %), Schaerbeek (16,6 %) et Uccle (3,3 %).

Le social puis le personnel

Sans surprise, le poste de dépenses le plus important des CPAS est celui de la redistribution (52 %), donc les aides sociales versées aux bénéficiaires. Viennent ensuite les dépenses de personnel, qui représentent quant à elles 39,4 % des dépenses annuelles, dont 35,9 % pour le personnel actif et 3,5 % pour les pensions. Rappelons également que l’intégration sociale octroyée par les CPAS peut prendre la forme d’une mise à l’emploi des bénéficiaires dans le cadre de contrats dits « Article 60 ». Une partie importante du poste « redistribution » a donc également trait à des dépenses de personnel. Au deuxième trimestre 2018, il y avait 3.641 personnes sous contrat « Article 60 » dans les CPAS bruxellois (source : ONSS), dont une partie travaille au sein même des CPAS.

Même si le CPAS de Bruxelles se distingue nettement avec des effectifs de trois à vingt fois supérieurs aux autres, chacun des CPAS bruxellois, même le plus petit, représente une organisation d’une certaine taille.
Même si le CPAS de Bruxelles se distingue nettement avec des effectifs de trois à vingt fois supérieurs aux autres, chacun des CPAS bruxellois, même le plus petit, représente une organisation d’une certaine taille.

Les statuts

Bien que la primauté du caractère statutaire de l’emploi local soit régulièrement rappelée, la proportion d’agents contractuels est nettement supérieure à celle des agents statutaires. En effet, dans les communes bruxelloises, il y a en moyenne 62 % d’agents contractuels pour 38 % d’agents statutaires. Cette tendance est encore plus marquée au niveau des CPAS, avec 76 % d’agents contractuels pour 24 % d’agents statutaires. Cependant, on note de grandes différences entre les communes, et davantage encore entre les CPAS, où l’amplitude est encore plus grande que dans les communes, avec 38 % d’agents statutaires au sein du CPAS de Bruxelles, pour à peine 4 % parmi les agents du CPAS de Forest. (Lire le graphique) Ceci témoigne de la singularité de la politique des ressources humaines menée par chaque pouvoir local.

Plusieurs facteurs peuvent expliquer la proportion importante d’agents contractuels au sein des communes et CPAS. D’abord, il peut s’agir d’engagements en vue de répondre à des besoins exceptionnels et temporaires, ou dans le cadre de projets subsidiés. C’est très souvent le cas en CPAS. L’engagement contractuel permet aussi le remplacement des agents malades ou bénéficiant d’une des mesures visant à libérer des emplois dans les pouvoirs publics, telles que la semaine volontaire de quatre jours, le départ anticipé à mi-temps ou l’interruption de carrière. Par ailleurs, les administrations locales engagent de nombreux agents contractuels subventionnés (ACS) dans le cadre de programmes dits de lutte contre le chômage mais qui, avec le temps, sont devenus surtout des subsides régionaux aux administrations et à l’associatif. Agents qu’elles ne peuvent nommer sous peine de perdre ces subsides et les exonérations de cotisations sociales que le statut ACS offre. Les CPAS emploient 1.334 ETP subventionnés qui représentent 21 % de l’effectif total. La principale subvention en termes de nombre d’agents recrutés est le dispositif ACS : les CPAS comptent 410 ETP sous contrat ACS, soit une proportion de 30,73 % des emplois subsidiés et de 6 % de l’effectif total. Lorsqu’on analyse ces chiffres pour chaque administration locale, on observe d’importantes différences entre elles. Ainsi, la proportion de contractuels subventionnés dans l’effectif total des CPAS varie de 3 % (Woluwe-Saint-Pierre) à 54 % (Saint-Gilles). Le faible taux de statutaires de la commune unioniste s’explique évidemment largement par ce score élevé en emplois subsidiés.

Les emplois subventionnés représentent 21 % de l’effectif total des CPAS

Si un agent statutaire tombe malade, il reste à la charge complète de l’employeur. Dans un premier temps, l’agent reçoit l’entièreté de son traitement, puis, lorsqu’il a épuisé son quota de jours de congé de maladie (qui lui est attribué en vertu des règles arrêtées par le statut communal), il tombe dans la position de disponibilité et reçoit un traitement d’attente qui équivaut à 60 % de son traitement mais toujours à charge du CPAS. Alors qu’un contractuel, si sa maladie dure plus d’un mois, verra son indemnité prise en charge par la mutuelle. Il est donc beaucoup plus difficile budgétairement pour le CPAS de remplacer un agent statutaire malade que son homologue contractuel puisque c’est le CPAS qui paie tout d’abord le salaire intégral puis verse le revenu de remplacement sans que la mutuelle ne prenne le relais.

De plus, les agents statutaires et contractuels relèvent de régimes distincts en matière de Sécurité sociale, ce qui induit des différences entre eux au niveau des taux de cotisations patronales et de pension. Enfin, en vertu des lois linguistiques, les agents locaux doivent apporter la preuve de leur connaissance de la seconde langue avant de pouvoir être nommés. Le respect de cette obligation constitue un frein important à la nomination des agents dans les pouvoirs locaux bruxellois. Il faut néanmoins pointer que la proportion de statutaires est encore plus faible en Wallonie, où cette exigence linguistique n’existe pas : les CPAS wallons avec 3.000 statutaires n’ont même pas le double d’agents nommés par les CPAS bruxellois. Seuls 13,17 % des travailleurs de CPAS wallons sont nommés, pour donc 24 % à Bruxelles. (Ces chiffres se trouvent facilement sur la page « Publications » de la fédération des CPAS wallons.) Il serait intéressant de creuser la question mais il est probable que la Région bruxelloise ait davantage recours que la Wallonie à la nomination pour attirer les profils de gestion/management.

Les niveaux

En effet, la structure hiérarchique du personnel des communes et CPAS est basée sur les grades liés aux emplois prévus dans l’administration. Ces grades sont répartis en cinq niveaux (A, B, C, D et E) correspondant au critère archaïque du diplôme ou certificat valant comme condition de recrutement pour ce niveau.
> niveau A : un diplôme de master, du deuxième cycle de l’enseignement universitaire ou de > niveau B : un diplôme de bachelor, du premier cycle de l’enseignement universitaire ou de l’enseignement supérieur assimilé ;
> niveau C : un certificat de l’enseignement secondaire supérieur ou d’enseignement assimilé ;
> niveau D : un certificat d’enseignement secondaire du deuxième degré ;
> niveau E : pas d’exigence de diplôme.

Il y a aussi des rangs dans chaque niveau (1, 2, 3, etc. donc par exemple B1, B2, B3). Pour passer au rang 2, il faut six années d’ancienneté et une évaluation favorable et pour accéder au rang 3 il faut quinze années d’ancienneté et une évaluation favorable.

L’amplitude entre les CPAS du nombre d’agents statutaires est forte, allant de 14 % au-dessus de la moyenne régionale à 10 % en-dessous.
L’amplitude entre les CPAS du nombre d’agents statutaires est forte, allant de 14 % au-dessus de la moyenne régionale à 10 % en-dessous.

Dans les CPAS, la répartition est la suivante : 479 ETP de niveau A (7 %), 2.419 ETP de niveau B (37 %), 1.572 ETP de niveau C (24 %), 956 ETP de niveau D (15 %) et 1.059 ETP de niveau E (16 %). Le pourcentage particulièrement élevé d’agents de niveau B dans les CPAS recouvre notamment les métiers d’assistant social et d’infirmier, qui sont au cœur de leurs missions. Il est dommage que la répartition au sein de ce niveau B entre assistantes sociales, infirmières et autres métiers (surtout administratifs) ne soit pas précisée dans cette étude. C’est une info cruciale et qui aurait été très utile pour notre analyse. Bien que les administrations locales exercent des compétences similaires sur leurs territoires respectifs, la structure de leur personnel varie sensiblement en fonction du contexte local et de la politique de gestion des ressources humaines qui y est privilégiée. Ainsi, une fonction similaire peut être exercée par un agent d’un niveau différent selon les administrations. Ce choix relève de l’autonomie locale. En conséquence, on peut observer de grandes différences dans la répartition par niveau des agents. (Lire le tableau) Par exemple, la proportion d’agents CPAS de niveau E peut varier de 4 % (Woluwe-Saint-Lambert) à 40 % (Woluwe-Saint-Pierre). Celle de niveau B est de plus de 40 % à Molenbeek-Saint-Jean (47,87 %), Woluwe-Saint-Lambert, Saint-Gilles et Jette et de seulement 18,70 % à Ganshoren. A Saint-Gilles (11,07 %), Woluwe-Saint-Lambert, Berchem-Sainte-Agathe et Bruxelles, la proportion de niveau A tourne autour de 10 % et à 5 % ou moins à Auderghem (5,08 %), Koekelberg, Ganshoren, Woluwe-Saint-Pierre et Etterbeek (seulement 2,96 %) ! Le niveau E comprend les fonctions d’auxiliaire administratif et d’ouvrier auxiliaire. Il est en diminution constante et il est question depuis plusieurs années de le supprimer en l’intégrant dans le niveau supérieur, le D donc.

Les métiers de base en CPAS (AS et infirmières) sont au niveau B, d’où sa prépondérance. Il faut souhaiter que le niveau E soit supprimé et absorbé par le niveau supérieur.
Les métiers de base en CPAS (AS et infirmières) sont au niveau B, d’où sa prépondérance. Il faut souhaiter que le niveau E soit supprimé et absorbé par le niveau supérieur.

Statut par niveau

Dans les CPAS, c’est au niveau B que l’on trouve la proportion de statutaires la plus faible, avec 18 % seulement. C’est pourtant dans le niveau B que se situent plus d’un tiers des emplois (37 %). À l’inverse, le niveau A compte une proportion de 50 % d’agents statutaires, ce qui est significativement supérieur à celle observée dans les autres niveaux. On sait que c’est dans ce niveau qu’il y a le plus de néerlandophones, chez qui l’exigence de bilinguisme est plus souvent rencontrée. En outre, il est vraisemblable que la nomination soit un atout pour pouvoir engager des niveaux A flamands qui, sans cette sécurité, auraient tendance à privilégier des emplois dans le secteur privé ou en Flandre. Le fait que la Région capitale ait un taux de nomination de 10 % supérieur à la Wallonie s’explique difficilement autrement que par la nécessité d’attirer les candidats flamands. Dans certains CPAS (Jette, Koekelberg, Woluwe-Saint-Pierre, Woluwe-Saint-Lambert), on constate une certaine corrélation entre la proportion de statutaires et le niveau des emplois : plus le niveau est haut, plus le pourcentage d’agents statutaires est élevé. Mais cette tendance n’est pas observée dans les autres administrations locales. Neuf CPAS sur dix-neuf sont au-dessus de la moyenne régionale de 18 % de statutaires dans le niveau B, donc celui qui comprend les assistantes sociales et les infirmières : Woluwe-Saint-Pierre (31%), Auderghem (29%), Watermael-Boitsfort (25%), Bruxelles (24%), Uccle (24%), Berchem-Sainte-Agathe (23%), Jette (22%), Ganshoren (22%) et Ixelles (20%). Trois sont en-dessous des 10 % : Saint-Gilles (8%), Saint-Josse (7%) et Forest (2%).

Un secteur très féminisé

Les communes comptent une proportion moyenne de femmes (55 %) qui est légèrement supérieure à celle des hommes (45 %). La tendance est beaucoup plus marquée au sein des CPAS, dans lesquels 71 % des agents sont des femmes. Le poids des AS et des infirmières à nouveau. Onze CPAS sont au-dessus de cette moyenne dont quatre (Evere, Ganshoren, Jette et Woluwe-Saint-Lambert) atteignent ou dépassent légèrement les 80 %. Les moins féminins sont Saint-Gilles et Schaerbeek qui le sont à 68% et Bruxelles et Ixelles à 65%. Les « femmes contractuelles » constituent le groupe majoritaire au sein des CPAS (55 %). Il n’y a qu’à Anderlecht (24%), Bruxelles (23%) et Berchem-Sainte-Agathe (21%) que plus de 20 % du personnel est constitué de femmes statutaires. 73 % des contractuels sont des femmes comme 64 % des statutaires.

71 % des agents des CPAS sont des femmes

Cette présence majoritaire des femmes se retrouve partout… sauf aux postes les plus élevés. Le plafond de verre est aussi une réalité en CPAS. Comme dans les communes, la haute hiérarchie des CPAS est composée d’un peu plus d’hommes que de femmes. Ce qui doit étonner lorsque l’on sait que les CPAS sont des administrations majoritairement composées de femmes (71 %). À l’instar de ce que l’on peut observer au niveau communal, la proportion de femmes diminue à l’approche du sommet de la hiérarchie, passant de 74 % dans le grade A5 à 38 % pour les Secrétaires généraux (grade A11 bis). (Lire le graphique) Sept femmes occupent fin 2022 la présidence d’un CPAS bruxellois (à Etterbeek, Ganshoren, Jette, Molenbeek, Saint-Gilles, Schaerbeek et Woluwe-Saint-Lambert), soit 37 %.

La présence majoritaire des femmes se retrouve partout… sauf aux postes les plus élevés...
La présence majoritaire des femmes se retrouve partout… sauf aux postes les plus élevés...

Le domicile

Les données transmises par les CPAS permettent de savoir si le domicile des agents se situe à l’intérieur ou en dehors du territoire de la Région de Bruxelles-Capitale, sans autres précisions. La part de travailleurs locaux bruxellois qui résident au sein de la Région de Bruxelles-Capitale est de 69 % dans les communes, et de 61 % dans les CPAS. La proportion de « Bruxellois » est assez homogène dans toutes les administrations locales. La proportion importante de Bruxellois dans la fonction publique locale montre qu’il s’agit d’emplois de proximité, pour lesquels la connaissance du terrain est un atout. Un autre facteur explicatif est que le fait d’avoir son domicile en Région de Bruxelles-Capitale (RBC) est une condition pour être engagé dans le cadre de certains emplois subventionnés. Par exemple, le statut ACS est réservé aux habitants de la RBC. Dès lors qu’en moyenne 6 % des agents des CPAS sont sous contrat ACS, il est normal que cela se répercute dans la proportion de Bruxellois actifs. Auderghem (74%) et Etterbeek (68%) sont les deux seules communes qui dépassent d’au moins 5 % la moyenne régionale de 61 %.

Lorsque l’on croise les données relatives au domicile avec celles sur la relation de travail (statutaire/contractuel), on observe des différences notables. Dans les CPAS, la part de Bruxellois est de 65 % chez les contractuels, et de 51 % chez les statutaires. La proportion de Bruxellois est donc toujours plus grande chez les contractuels que chez les statutaires. Cette différence peut en partie être expliquée par le fait que certains emplois contractuels subventionnés sont réservés aux Bruxellois. Et, comme déjà dit, que l’obligation de bilinguisme avantage les néerlandophones (souvent domiciliés en Flandre) par rapport aux francophones. Les « contractuels bruxellois » constituent près de la moitié des effectifs totaux (48 %). Auderghem est le CPAS qui emploie proportionnellement le plus de Bruxellois : 77 % de ses contractuels et 66 % de ses statutaires. Seuls Bruxelles (73%) et Etterbeek (70%) pour les contractuels et Watermael-Boitsfort (65 %) pour les statutaires font presque aussi bien.

La pyramide des âges

Un contraste saisissant existe entre la structure par âge des agents contractuels et des statutaires. (Lire le graphique) Pour les statutaires, on constate que le nombre d’agents de moins de 30 ans est très faible, tandis qu’ils sont majoritaires au-delà de 50 ans. D’une part, ce constat confirme sans surprise que les agents qui entrent en service sont généralement engagés via un contrat de travail, l’éventuelle « statutarisation » ne survenant qu’en cours de carrière. D’autre part, il pointe l’importance du déséquilibre entre les classes d’âge dans les effectifs statutaires. Ce déséquilibre est un problème important pour le financement du système de pension du personnel nommé des pouvoirs locaux. En effet, celui-ci est un système de solidarité par répartition, dans lequel les cotisations des travailleurs actifs doivent permettre de financer intégralement les pensions en cours des fonctionnaires retraités. Or la structure d’âge des statutaires va engendrer dans les prochaines années un afflux important de pensionnés et, dans le même temps, une réduction de la masse salariale statutaire qui constitue la base du financement. Le taux de cotisation de pension, qui ne cesse d’augmenter, étant la principale variable d’ajustement.

Le nombre d’agents statutaires de moins de 30 ans est très faible, tandis qu’ils sont majoritaires au-delà de 50 ans.
Le nombre d’agents statutaires de moins de 30 ans est très faible, tandis qu’ils sont majoritaires au-delà de 50 ans.

Renforcer l’attractivité

La présente radiographie révèle des différences qui s’expliquent et des inégalités se justifiant nettement moins au sein de la fonction publique des CPAS de la région. Le manque de statutarisation pose des problèmes pour la pension de ceux qui ont été nommés et qui sont plus nombreux à partir à la retraite qu’il n’y a de nouveaux statutaires. Une « cotisation de responsabilisation » a été mise en place pour inciter les CPAS à nommer davantage. Elle est due par le pouvoir local dont le montant financé par la cotisation de base n’est pas suffisant pour payer les pensions de son personnel statutaire aujourd’hui à la retraite. Cette cotisation de responsabilisation est fixée actuellement à un minimum légal de 50% de la différence entre ces deux montants. Force est de constater que cette pénalité semble insuffisante pour pousser les CPAS à nommer davantage d’agents, même dans le niveau A où l’on trouve moitié de contractuels et moitié de fonctionnaires nommés mais avec une pyramide des âges défavorable. Le nombre de nominations est en diminution constante, au point qu’on peut penser que c’est un régime en extinction progressive. Or, à une époque où les CPAS se plaignent de la difficulté à recruter et encore plus à conserver les travailleurs, principalement de niveau B (les AS et les infirmières en majorité ainsi que certains agents administratifs), la statutarisation pourrait être un outil permettant d’attirer et surtout de garder au sein du CPAS les agents et d’ainsi diminuer la rotation de personnel. Pour ce faire, il faudrait notamment rendre les CPAS moins dépendants des emplois subsidiés (qui ne peuvent être statutarisés) et donc améliorer leur financement structurel, principalement au niveau fédéral. Si le gouvernement de la Région voulait inciter à une harmonisation sociale à la hausse et répondre ainsi aux difficultés d’engagement, ne pourrait-il tenir compte de critères liés à la qualité d’emploi dans les subsides qu’il octroie aux CPAS ? Par exemple en finançant mieux les CPAS qui atteignent au moins ou dépassent la moyenne régionale en matière de pourcentage de statutaires et/ou qui supprimeraient (par assimilation) les emplois de niveau E.

Pour surmonter l’écueil de l’obligation de bilinguisme, les CPAS proposent souvent des cours de langue et de préparation à l’examen du Selor durant le temps de travail. Ces offres ont assez peu de succès, car s’y consacrer pourrait renforcer la surcharge de travail par ailleurs et parce qu’il faut bien dire que les travailleurs de terrain n’étant pratiquement jamais confrontés à des demandeurs/bénéficiaires néerlandophones, ils peinent à voir l’intérêt professionnel d’une telle démarche. Peut-être faudrait-il imaginer d’autres incitants, y compris financiers, pour les motiver ?Et ce en amont, pas seulement lorsque le certificat obtenu on reçoit une prime linguistique. Le fait d’annoncer et d’organiser des examens de statutarisation pourrait aussi stimuler la formation. Actuellement, les CPAS n’organisent plus guère ces examens, faute de candidats disent-ils souvent et il y a là un cercle vicieux qu’il semble bien difficile de briser. Il est sûr également que, jusqu’il y a peu, certaines communes et CPAS ont eu tendance à ne plus nommer d’agents pour avoir plus de flexibilité dans leur management. Outre la protection contre le licenciement (de plus en plus relative), ce qui gêne souvent les responsables de « ressources humaines », c’est la difficulté de remplacer des statutaires malades de longue durée ainsi que ceux qui n’ayant pas (ou peu) été malades ont accumulé des jours de congé à prendre en fin de carrière, ce qui signifie parfois de longues absences qui sont très pénalisantes pour la continuité du service. Aujourd’hui encore, un statutaire en fin de carrière peut être en « congé de maladie » pendant la dernière année avant son départ à la pension en conservant son traitement complet.

Une seule limite au quota de jours de maladie existe dans la réglementation en vigueur : en vertu de l’article 82, par. 3, de la loi du 5 août 1978, l’agent qui a atteint l’âge de 60 ans est mis d’office à la retraite le premier jour du mois qui suit celui au cours duquel, sans avoir été reconnu définitivement inapte, il compte, depuis son soixantième anniversaire, soit par congé, soit par disponibilité, soit par l’un et par l’autre, 365 jours d’absence pour cause de maladie. Dans le cadre de cet article 82, par. 3, le calcul du nombre de jours de maladie ne prend donc en compte que les jours de maladie postérieurs au soixantième anniversaire de l’agent. Il résulte de ce qui précède que, à moins d’être reconnu définitivement inapte par le service médical, l’agent absent ne pourra être mis d’office à la pension dès l’âge de 60 ans : il faudra pour cela attendre qu’il ait accumulé 365 jours de maladie ou de disponibilité. Ce système est un frein important à la nomination. Et même sans attendre la fin de carrière, le remplacement d’agents statutaires malades pose problème, comme expliqué plus haut, leur traitement restant à charge du CPAS et non de la mutuelle. Or, s’il est possible de remplacer budgétairement des malades passés « sur la mutuelle », ce n’est pas le cas des statutaires. Il ne faut pas oublier que beaucoup de communes bruxelloises sont sous tutelle financière et que leurs possibilités de recrutement et de remplacement sont dès lors fort contraintes.

Des salaires meilleurs

L’on peut espérer aussi que la tant attendue revalorisation des barèmes (Lire l’article ici) rende le travail en CPAS un peu plus attractif, en particulier pour les niveaux B. La suppression du barème E (par assimilation au D) devrait aider également à pourvoir certaines fonctions. Elle pourrait surtout faire en sorte que l’emploi émancipe vraiment et permette à ces travailleurs d’accéder à un minimum de bien-être. Il faut en effet savoir que si, à l’entrée, la différence de salaire entre un niveau D et E est déjà de 5 %, il peut atteindre jusqu’à 17 % après vingt ans de carrière. Il est nécessaire enfin de mener une réflexion sur la façon de lutter contre le « plafond de verre » qui fait que les femmes, largement majoritaires jusqu’au grade A5, sont minoritaires ensuite. Cela s’explique surtout par le fait que les fonctions supérieures sont davantage accessibles par recrutement externe que par progression interne. Et donc, dans pas mal de cas, il s’agit sans doute davantage de « plancher collant » que de « plafond de verre ». On parle de « plancher collant » lorsque un trop grand ratio de femmes restent « collées » dans des rôles d’entrée au sein de leur organisation, sans avoir suffisamment de possibilités d’avancement. Or les métiers d’AS ou d’infirmières sont fort concernés par le « plancher collant » : l’organisation a besoin d’elles dans ces fonctions et, mis à part devenir chef de leur équipe, mais toujours dans un niveau B (à une échelle légèrement supérieure), les possibilités d’avancement sont pratiquement inexistantes pour elles. Il est donc essentiel que les barèmes continuent à être valorisés, y compris en allongeant l’échelle barémique pour tenir compte de toute l’ancienneté de ces travailleuses. (Lire l’article ici) Mais il peut aussi être opportun de soutenir la formation de travailleuses de niveau B qui, fortes de plusieurs années d’expérience, pourraient peut-être ensuite s’impliquer au niveau A en ayant une meilleure connaissance de la réalité du terrain et du vécu des collègues que certains « grands managers » bombardés de l’extérieur. Même si cela poserait évidemment le problème de leur remplacement dans le niveau B. En outre, les postes sociaux et/ou de management de niveau A ne sont pas nombreux en CPAS…

(1) Probis Consulting, « Analyse de la charge de travail des travailleurs sociaux dans les CPAS belges », Novembre 2014, rapport commandité par SPP Intégration sociale, Lutte contre la Pauvreté et Économie sociale. Disponible sur le site du SPP Intégration sociale.

(2) L’étude « Le personnel des communes et CPAS bruxellois. Données chiffrées » est parue dans le FOCUS # 05 de juillet 2020 et comprend 82 pages de données très intéressantes. FOCUS est une publication de Bruxelles Pouvoirs Locaux, qui paraît une à trois fois par an depuis 2017 et est téléchargeable sur leur site. Tous les tableaux et graphiques viennent de cette étude en étant refaits selon notre charte graphique.

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