revenu de base

Penser le RDB, avec Daniel Dumont et contre Daniel Dumont

L’analyse critique du RDB faite par Daniel Dumont est salutaire. Mais ne reste-t-elle pas trop limitée ? Assume-t-elle la conflictualité sociale à l’origine de la Sécu et l’horizon de l’État social porté par le mouvement ouvrier ?

"Sans assumer toute sa part à la lutte des classes, l’analyse du marché du travail et de la Sécurité sociale, même si elle se proclame « sociale-démocrate », est un couteau sans lame." - Dessin Manu Scordia
"Sans assumer toute sa part à la lutte des classes, l’analyse du marché du travail et de la Sécurité sociale, même si elle se proclame « sociale-démocrate », est un couteau sans lame." - Dessin Manu Scordia

L’analyse que fait Daniel Dumont des propositions de Revenu de base (RDB) actuellement formulées en Belgique et au regard de leurs possibilités d’application en complément avec le système de Sécurité sociale belge dans son dernier livre (1) documente largement la question au point de vue du droit social. Elle nous semble toutefois, comme cela transparaît dans l’interview réalisée de l’auteur (Lire p. 102), partielle et insuffisamment radicale dans sa critique.

Une réfutation saluée par les RDBistes

La posture d’expert a priori « agnostique » en matière de RDB, même si son analyse le conduit à être a posteriori « sceptique » (c’est-à-dire opposé) par rapport à l’idée d’instaurer un RDB, lui a notamment valu d’être invité par Ecolo à présenter son livre lors de l’Université d’été du parti, en août 2022. Et ce alors qu’en 2019, sous l’impulsion de Philippe Defeyt et après un long débat interne, Ecolo avait inscrit à son programme électoral la proposition d’instaurer un RDB Jeunes pour les 18 – 25 ans. Mais la critique à fleuret moucheté ne touche pas vraiment l’adversaire. Le paradoxe est que, lors de cette université d’été, la présentation n’y a pas suscité de véritable débat contradictoire entre partisans (RDBistes) et opposants (anti-RDBistes). Les responsables Ecolo de cet atelier estimant manifestement pouvoir à la fois encenser l’ouvrage de Daniel Dumont, qui conclu explicitement au rejet de l’idée de RDB et continuer eux-mêmes à réaffirmer leur soutien à l’adoption d’un RDB Jeunes. Sans doute faut-il y voir l’effet d’un manque de prise au sérieux de l’analyse présentée ou encore d’un manque d’arguments des partisans du RDB pour relever le défi d’une discussion contradictoire sur son opportunité articulée précisément sur le droit social belge. Mais n’est-ce pas également la conséquence d’un manque de tranchant et de radicalité dans la critique du RDB faite par l’auteur, qui n’oblige pas les partisans cette idée à sortir du bois pour confronter la critique, pied à pied, argument contre argument ? Daniel Dumont présente volontiers sa démarche comme une tentative de « repenser la Sécurité sociale (belge) avec le revenu de base contre le revenu de base » (2), selon la formule de Pierre Bourdieu, qui invitait à penser avec Marx contre Marx, avec Durkheim contre Durkheim… Pour le paraphraser, nous voudrions ici tenter de montrer en quoi il faut, pour le prendre dans toute son amplitude, « penser le RDB avec Daniel Dumont et contre (l’optique de) Daniel Dumont ».

Une critique ni matérialiste ni socialiste

L’essentiel de notre critique tient en ceci : l’étude du RDB faite par Daniel Dumont, qui se tient sur le plan du droit de la Sécurité sociale réfléchit au RDB comme si le système de protection sociale était indépendant de l’organisation du marché du travail, de l’opposition fondamentale qui traverse ce marché et la société entière entre ceux qui doivent vendre leur force de travail pour survivre et ceux qui doivent acheter cette force de travail pour valoriser leur capital accumulé et en tirer un profit. Opposition et rapports de forces qui se cristallisent sur un point précis : l’organisation de la fixation du prix du travail, qui conditionne le taux de profit. Bref, l’ouvrage adopte le ton d’une dite « neutralité » académique qui ne fait pas sa part au rôle essentiel de la lutte des classes dans la formation et l’existence de la Sécurité sociale et des salaires, voire l’oblitère. Il tend à considérer, de façon idéaliste, le droit social et la Sécurité sociale comme le résultat de discussions raisonnables sur l’adoption du meilleur système possible plutôt que, de façon matérialiste, comme une construction du mouvement ouvrier dans son rapport dialectique avec un État bourgeois, auquel il s’est opposé, construction à laquelle il a apporté sa marque, à travers la création de l’État social, dont la Sécurité sociale et le droit du travail sont l’un des aspects. En ce sens, quoiqu’elle revendique une filiation sociale-démocrate, cette critique du RDB n’est pas socialiste et reste insuffisante.

"Le principe même du RDB étant le cumul de l’allocation et de revenus salariaux ou autres, le RDB ne contribue donc pas à fixer ce salaire minimal que doivent offrir les employeurs pour trouver de la main-d’œuvre." - Dessin Manu Scordia
"Le principe même du RDB étant le cumul de l’allocation et de revenus salariaux ou autres, le RDB ne contribue donc pas à fixer ce salaire minimal que doivent offrir les employeurs pour trouver de la main-d’œuvre." - Dessin Manu Scordia

L’auteur semble lui-même conscient de cette faiblesse et tente de se disculper dans la conclusion de son ouvrage : « Les pages qui précèdent n’ont bien entendu pas la prétention de clore le sujet (…) il serait précieux que l’impact de l’introduction d’un RDB universel soit mieux étudié sous l’angle du droit du travail, lequel conduirait à accorder une place centrale à des aspects ici injustement laissés dans l’ombre, tels la politique salariale, le rôle des organisations syndicales, la multiplication des formes de travail atypique et la dynamique de la précarisation de l’emploi de manière plus générale. » (3). Cette façon de justifier le fait de ne pas mettre en lumière le lien entre la question du RDB et le marché du travail, ainsi qu’avec les conflits sociaux et politiques qui le traversent par la nécessaire division du travail intellectuel (je fais mon travail de juriste du droit de la Sécurité sociale, que les sociologues du travail fassent le leur et le complètent) ne nous paraît pas satisfaisante. Par exemple, l’étude des transformations du droit et des relations collectives du travail par Micheline Jamoulle (ULG) et alli (4), prouve, si besoin en était, que ce type d’étude scientifique du droit social en lien avec ses conditions sociales de production est possible. Le fait d’assumer l’étude de cet enracinement social du droit, ou pas, nous semble ultimement moins une question de temps ou de compétences qu’une question de choix de méthodologie et d’orientation politique.

On ne peut penser le RDB sans le mettre en rapport avec la formation des salaires

De facto, l’impact de l’instauration du RDB sur la formation des salaires et sur la flexibilisation des emplois est essentiel dans le débat qui oppose partisans et opposants au RDB. Puisque les allocations comme le chômage ont (en principe) vocation à remplacer l’absence involontaire d’emploi, elles sont conçues (en principe) pour ne pas se cumuler avec des revenus salariaux. Elle contribuent dès lors à définir un « salaire de réserve », c’est-à-dire un salaire minimal en-dessous duquel le chômeur n’accepte pas de travailler (ce que la droite patronale qualifie de « piège à l’emploi »), puisqu’il n’en retire pas un supplément pécuniaire suffisant par rapport à l’allocation. Par opposition, le principe même du RDB étant le cumul de l’allocation et de revenus salariaux ou autres, le RDB ne contribue donc pas à fixer ce salaire minimal que doivent offrir les employeurs pour trouver de la main-d’œuvre.

Le RDB ne contribue donc pas à fixer ce salaire minimun

Daniel Dumont perçoit bien cet enjeu, mais ne le reconnaît que dans les scénarios de RDB ouvertement néolibéraux comme celui de Milton Friedman : « la garantie d’un revenu minimal inconditionnel en guise de principale, voire seule protection, aurait sans doute l’effet (…) d’exacerber les contraintes économiques. C’est, qu’en pratique, les personnes peu qualifiées désireuses de compléter leur modeste pitance mensuelle garantie par l’allocation universelle seraient forcées de multiplier les petits boulots, sur un marché de l’emploi ‘libéré’ de ses régulations collectives et sans plus de protection contre les risques sociaux  (…)» (5). Par contre, D. Dumont n’aperçoit pas ce risque, à tort selon nous, dans les versions du RDB qui prévoient un cumul du RDB et du système de protection sociale actuel (6).

Cette question de la fixation du salaire minimal et des dits « pièges à l’emploi » est cruciale dans le débat sur le RDB, ainsi que l’illustrent les propos tenus par Philippe Defeyt (RDBiste notoire) au sein même du livre de Daniel Dumont, qui expriment ouvertement son hostilité foncière à toute pression à la hausse sur les bas salaires. Daniel Dumont a-t-il bien lu ce passage du texte de Philippe Defeyt (Lire l’encadré) qu’il publie dans son propre livre ? Si oui, comment ne pas voir que le RDB est une machine de guerre contre les bas salaires, non seulement dans sa version friedmanienne mais également dans la version édulcorée ?

La hantise des partisans du RDB : l’augmentation des bas salaires

Dans sa « réplique » publiée à la fin du livre de Daniel Dumont, l’un des principaux propagandistes de l’idée du RDB en Belgique, Philippe Defeyt, se livre à une attaque en règle contre l’idée d’augmenter les allocations de remplacement, au nom des « pièges à l’emploi » que cela créerait et de la pression à la hausse que cela ferait sur les bas salaires. Il va même jusqu’à explicitement remettre en cause l’un des points les plus progressistes de l’accord de gouvernement fédéral du gouvernement De Croo (dont son parti, Ecolo, est membre) : une augmentation significative du montant du revenu d’intégration dispensé par les CPAS, ou encore – en pleine période de crise sanitaire et de pénurie – à s’inquiéter de l’effet indirect à la hausse qu’une telle augmentation pourrait avoir sur… le salaire des infirmières. « Plus on augmente une allocation (…), plus, toutes choses égales par ailleurs, on risque d’aggraver des situations de pièges à l’emploi (…). Ainsi, toutes choses étant égales par ailleurs, l’augmentation de 22 % du revenu d’intégration sur l’espace de la législature fédérale 2020-2024 prévue par l’accord de gouvernement de la coalition en place aura pour conséquence que, en 2024, un revenu d’intégration au taux « ménage » rapportera autant, voire plus (si l’on tient compte des dépenses directes et indirectes) que le salaire net découlant d’un emploi à temps plein au salaire minimum interprofessionnel. Certes, pour éviter cela, on peut demander aussi largement l’augmentation des bas salaires, mais cela augmenterait considérablement la facture totale du scénario qui est habituellement simulé (…). Les employeurs, qui prennent en charge les salaires dans le secteur privé, accepteront-ils d’assumer le coût d’une augmentation des rémunérations ? Les pouvoirs publics pour leur part, pourront-ils le faire pour ce qui concerne la fonction publique et tous les secteurs qui sont subsidiés ? Par ailleurs, il ne faut pas non plus négliger les effets en cascade d’un relèvement des salaires minimums que n’évoquent jamais ses partisans. Ainsi, pense-t-on vraiment que les infirmières vont se ‘contenter’ d’un salaire de 2.300 euros bruts par mois pour un temps plein dès lors que les techniciennes de surface arriveraient à ce niveau, celui revendiqué par certains milieux syndicaux ? (…)» (a). Par-delà l’évolution de la présentation du projet de RDB depuis lors, la continuité entre cette analyse et celle présentée en 1985, en soutien à la proposition « néolibérale » de RDB (qui assumait de vouloir « supprimer les allocations de chômage », « déréguler le marché du travail », « abolir toute législation imposant un salaire minimum ») (b) : « La suppression dans nos pays d’un revenu minimum assuré par des allocations de remplacement ouvre la porte à une réduction de la rémunération horaire moyenne du travail. » (c). Comment mieux illustrer l’hostilité aux salaires et la continuité d’analyse sous-jacente entre la version ouvertement néolibérale de RDB de 1985 et sa version édulcorée d’aujourd’hui ?

(a) Philippe Defeyt in Daniel Dumont (2021), ibid, p. 105.
(b) Paul-Marie Boulanger, Philippe Defeyt, Paul-Marie Boulanger et alii, sous le nom de Colectif Charles Fourier, « L’allocation universelle », La Revue nouvelle, avril 1985, p. 345.
(c) Béatrice Van Haeperen et Philippe Van Parijs, « Quelle stratégie contre le chômage ? Des politiques de relance à l’allocation universelle », La Revue nouvelle, avril 1985, p. 385.

Une version libérale des « pièges à l’emploi »

C’est sans doute que, sans adhérer à l’idée du RDB, l’auteur ne se soucie pas vraiment du rôle que les allocations de remplacement (chômage, revenu d’intégration…) jouent dans la fixation d’un «salaire de réservation ». Et ce à un moment où toute la droite martèle l’idée qu’il faut continuer à casser les allocations de chômage pour augmenter le « taux d’emploi » et pourvoir aux « métiers en pénurie » (Lire p. 68), c’est-à-dire qu’elle veut affamer les demandeurs d’emploi pour les obliger à accepter des jobs aux conditions de salaire et de travail les plus basses. A bien le lire, on constate que Daniel Dumont n’est pas insensible à la question des « pièges à l’emploi », c’est-à-dire des allocations de remplacement « trop hautes » pour inciter à la reprise du travail sous-payé. Ne déplore-t-il pas lui même le « manque d’incitation financière forte à reprendre le travail » (7), allant même plus loin en plaidant ouvertement pour une amélioration du « design et de la cohérence de l’ensemble des mécanismes de cumul [d’allocations et de salaires], pour mieux garantir que le travail soit pécuniairement intéressant » (8).

Vive la « contractualisation juste » ?

On remarquera, par ailleurs, que Daniel Dumont déclare adhérer à l’idée de contractualisation des allocations (de l’aide sociale, du chômage… et demain des allocations d’invalidité ?) qui est au cœur de l’idéologie de l’État social actif. « Il ne nous semble pas souhaitable », indique-t-il, « de rompre avec le principe au fondement de tous les systèmes de protection sociale qui consiste à lier juridiquement, pour les membres de la population active, l’octroi par la collectivité d’un revenu de remplacement ou d’aide sociale à une exigence de contrepartie elle-même inscrite dans un horizon d’intégration socio-professionnelle » (9). Il poursuit plus loin : « La perspective qui se dessine ainsi, concernant la difficile problématique de la contrepartie, consiste en la consécration conjointe d’un droit à l’allocation sociale et d’un droit à l’insertion socio-professionnelle, l’un et l’autre assortis, en retour, d’une obligation de participer activement à la réalisation du trajet de réinsertion convenu. Il s’agit de chercher à ‘tenir une ligne de crête entre la garantie d’un droit aux ressources d’un côté et de l’autre la volonté de ramener les allocataires vers l’emploi’. (…) C’est en réalité ce que préfiguraient déjà, depuis longtemps, certaines pratiques de travail social développés par les CPAS dans le cadre des projets individualisés d’intégration sociale qui accompagnent l’octroi du revenu d’intégration » (10). Et l’auteur de déplorer que la gauche n’ait pas élaboré de propositions de « conditionnalité juste au regard des circonstances » (11). Dans l’interview qu’il nous a accordée (Lire ici), il poursuit dans cette veine indiquant tantôt qu’il est « favorable à ce qu’en matière de chômage l’on individualise beaucoup plus qu’on ne le fait les attentes de disponibilité », tantôt que « la contractualisation de l’allocation (…) peut être, si elle fait l’objet d’un cadre juridique suffisamment balisé et cadrant, une situation préférable à celle où l’on inscrit dans le code du chômage ou le droit à intégration que ‘la personne doit être disponible sur le marché de l’emploi’ et que l’on s’en remet au colloque singulier entre le chômeur et un évaluateur pour fixer si cette obligation est ou non remplie », tantôt qu’il pense « qu’on ne va pas faire marche arrière par rapport aux statuts hybrides, aux temps partiels et revenir au CDI à temps plein pour tout le monde ».

La lutte des classes occultée

Comment concilier une affiliation revendiquée à la « vieille social-démocratie » et ces affirmations ? Comment peut-on ne pas voir que l’État social actif, et la contractualisation des allocations (introduite en Belgique en 2002 en matière de droit à l’intégration sociale et en 2004 en matière de chômage) ont été des machines de guerre mises en place par la droite, ainsi que par un courant social-libéral blairiste, pour démolir la protection sociale des salariés ? Comment ne pas voir que cette contractualisation fait perdre aux droit sociaux leur qualité de droit opposable sur des bases objectives (comme par exemple le fait de ne pas refuser une offre d’emploi convenable) pour en faire des sortes d’aumônes à perpétuellement mériter en fonction d’injonctions fixées selon des directives administratives changeantes ? Comment faire l’éloge de la contractualisation du revenu d’intégration (RI) par les CPAS alors que celle-ci donne une emprise presque sans limite aux institutions sur la vie des bénéficiaires et que jamais une sanction pour non-respect d’un « projet individualisé d’intégration sociale » (PIIS) n’aide un allocataire ? Comment ne pas voir que ces « projets individualisés » sont imposés aux bénéficiaires par les CPAS dans une relation complètement asymétrique entre l’institution et ceux qui demandent à faire valoir leur droit au RI ? Comment ne pas voir que la plupart des CPAS sont complémentent débordés et incapables d’effectuer un véritable travail d’aide sociale individualisée pour les milliers de bénéficiaires dont ils contractualisent le droit aux allocations  (Lire p. 60) ?

Une cécité savante qui renvoie au positionnement politique du chercheur

Comment ne pas voir que « beaucoup plus individualiser les attentes en matière de disponibilité au travail » pour bénéficier des allocations, c’est nécessairement cesser de faire du droit aux allocations un droit opposable et ramener son octroi à un « colloque singulier entre le chômeur et un évaluateur », lequel appliquera d’une façon qui lui est propre des règles administratives variables, au gré des instructions reçues ? Comment ne pas voir que la multiplication des « statuts hybrides » (cumul d’allocation et de salaire) et des temps partiels n’est ni une donnée « inscrite dans les astres » d’une évolution sociale fixée par un déterminisme qui nous dépasse ni, dans la plupart des cas, un choix positif des travailleur.euse.s, mais bien le résultat de choix politiques d’organisation du marché du travail qui leur sont imposés ? Comment ne pas voir que renoncer à l’horizon du temps plein en CDI pour toutes et tous, qui est celui des promoteurs d’une réduction collective du temps de travail, c’est forcément cautionner des inégalités de revenus inextricables et la mise sur le marché d’une main-d’œuvre taillable et corvéable à merci par les employeurs ? Comment ne pas voir que ces abandons, ces renoncements et ces aveuglements mènent à la destruction de l’État social, plus ou mal défendu ? C’est que sans assumer toute sa part à la lutte des classes, l’analyse du marché du travail et de la Sécurité sociale, même si elle se proclame « sociale-démocrate », est un couteau sans lame.

Pour l’État social du mouvement ouvrier ou pour l’État social actif du patronat?

Ce qui nous apparaît comme une cécité savante ne peut, selon nous, s’expliquer que par une approche intellectuelle partielle, qui n’assume pas la centralité de la conflictualité sociale pour la structuration et la compréhension du marché du travail et de la Sécurité sociale. Elle renvoie in fine au positionnement politique du chercheur. Celui-ci souhaite-t-il se placer dans le cadre de ce qu’est devenu le système de protection sociale actuel, après la vague du néolibéralisme, du blairisme et de l’État social actif, et de ce qui est considéré comme « audible » ou « de bon ton » dans les cénacles qui gravitent autour de sa gestion ? Ou bien souhaite-t-il placer sa réflexion et son travail dans le cadre du projet d’État social porté par le mouvement ouvrier, même si les tenants de cet horizon, toujours puissant et agissant, ont multiplié les défaites au cours des dernières décennies ? La seconde branche de l’alternative ne mène pas aux honneurs distribués par la bourgeoisie, à la reconnaissance par celle-ci d’un statut d’intervenant « crédible ». Mais elle offre, par contre, la satisfaction de la cohérence intellectuelle et du service de la juste cause du monde du travail.

(1) Daniel Dumont, « Le revenu de base universel, avenir de la Sécurité sociale ? Une introduction critique au débat », Ed. De l’ULB, (2021).

(2) Daniel Dumont, « Repenser la Sécurité sociale avec le revenu de base contre le revenu de base », Politique, Revue belge d’analyse et de débat, n° 107, mars 2019.

(3) Daniel Dumont, (2021), ibid p. 88.

(4) Micheline Jamoulle et alii, « Le temps de travail – Transformations du droit et des relations collectives du travail », (1997), ed Crisp.

(5) Daniel Dumont, (2021), ibid p. 66.

(6) ibid p. 67.

(7) ibid, p. 68.

(8) ibid, p. 75.

(9) ibid, p. 76

(10) ibid, p. 85.

(11) ibid, p. 86.

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