presse
Comment la presse française a fait le bonheur de l’extrême-droite
Les personnalités de l’extrême droite française, de même que ses idées et ses messages, ont été largement banalisés par les médias de l’Hexagone. Un vrai marchepied vers le pouvoir.
Pour la première fois dans son histoire, le parti d’extrême droite créé par Jean-Marie Le Pen a coiffé les lauriers de premier parti de France, en nombre de voix, au second tour des législatives, en juillet dernier. En recueillant le 30 juin, avec ses alliés républicains (LR), 33,1 % des suffrages lors du premier tour, le Rassemblement National (RN) de Marine Le Pen avait déjà battu un double record : celui de son meilleur score historique mais aussi celui du plus grand nombre de voix obtenues par le parti à la flamme lors d’élections nationales.
Trois semaines, plus tôt, lors des élections européennes, la liste RN emmenée par le président Jordan Bardella avait annoncé la couleur en recueillant 31,37 % des suffrages. Plus de 11,5 millions de Français ont voté en faveur de ce parti xénophobe. Au pays des Droits de l’Homme, et dans le monde, la surprise est totale. Et à quelques semaines des Jeux Olympiques de Paris, chacun retient son souffle. Le président de la République a dissous l’Assemblée Nationale, au lendemain du scrutin européen, appelant les Français à retourner aux urnes. Au risque de faire accéder Jordan Bardella au poste de Premier ministre de la République. Comment en est-on arrivé là ?
Trois semaines, plus tôt, lors des élections européennes, la liste RN emmenée par le président Jordan Bardella avait annoncé la couleur en recueillant 31,37 % des suffrages. Plus de 11,5 millions de Français ont voté en faveur de ce parti xénophobe. Au pays des Droits de l’Homme, et dans le monde, la surprise est totale. Et à quelques semaines des Jeux Olympiques de Paris, chacun retient son souffle. Le président de la République a dissout l’Assemblée Nationale, au lendemain du scrutin européen, appelant les Français à retourner aux urnes. Au risque de faire accéder Jordan Bardella au poste de Premier ministre de la République. Comment en est-on arrivé là ?
Bien sûr, la France n’est pas une île, et la marée brune menace toute Europe : l’extrême droite a progressé dans la majorité des Etats membres aux élections européennes, et est au pouvoir – ou le partage – dans nombre d’entre eux. Et les violentes émeutes qui ont éclaté cet été dans plusieurs villes du Royaume-Uni, les pires depuis dix ans, sont, selon les observateurs, le fruit de la banalisation de l’extrême droite. Pour Aurélien Mondon, spécialiste de la normalisation des politiques réactionnaires à l’Université de Bath, en Angleterre, « on paie les pots cassés. L’extrême-droite s’est nourrie de ce blanc-seing donné par les politiciens, les médias traditionnels et certains universitaires » (1).
Bien sûr encore, tous les analystes s’accordent pour affirmer que le vote en faveur des partis d’extrême droite est avant tout un vote de rejet et de peur, deux thèmes que ces formations exploitent avec brio. Et bien sûr enfin, pour revenir en France, l’aversion de nombre de Français à l’égard de leur président et de son arrogance, a fait le miel de l’équipe Le Pen.
Mais le RN a aussi très largement bénéficié du soutien des médias. De ceux qui, particulièrement dans la galaxie du magnat de la presse Vincent Bolloré, soutiennent son programme mais aussi, plus largement, de ceux qui ont banalisé ses discours de haine et policé l’image de ses ténors. Contrairement à la Belgique francophone, il n’existe pas de cordon sanitaire médiatique en France : les chaînes et les organes de presse peuvent librement donner la parole aux ténors de l’extrême droite, qui ne se privent pas d’y instiller leurs idées toxiques. Plus inquiétantes encore sont les relations sulfureuses entre les « journalistes » des chaînes de Bolloré et des personnalités politiques d’extrême droite. Ces liens incestueux entre presse et politique ont pour seul objectif de renforcer l’extrême droite et de la hisser au pouvoir. Le dessein ultime de Vincent Bolloré.
- Par Isabelle Philippon (CSCE)
(1) « Pourquoi la banalisation de l’extrême droite est à l’origine des émeutes racistes au Royaume-Uni », Martine Dubuisson, Le Soir, 5 août 2024.