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Cordon sanitaire médiatique : l’œuf ou la poule ?
La faiblesse de l’extrême droite du côté francophone du pays est-il une conséquence du respect du cordon sanitaire médiatique, ou le cordon tient-il parce que l’extrême droite y est quasiment inexistante ? Ou la vieille histoire de l’œuf et de la poule…
« Ceux qui affirment que le cordon sanitaire médiatique en vigueur du côté francophone explique la faiblesse de l’extrême droite attribuent un pouvoir énorme aux médias, lâche Ricardo Gutiérrez, secrétaire général de la Fédération européenne des journalistes. Il faut à mon sens se montrer plus modeste… » (lire son interview)
Un avis partagé par le philosophe et politologue Vincent de Coorebyter : « Une partie significative du jeu politique et électoral s’est toujours déroulée en-dehors des médias : dans les Maisons du peuple, au bistrot, dans les syndicats, et – plus récemment – sur les réseaux dits sociaux. A plusieurs reprises, ces dernières décennies – je pense notamment aux référendums français et hollandais qui se sont soldés par le rejet du traité établissant une constitution pour l’Europe en 2005, au Brexit, et aussi, bien sûr, à l’élection de Donald Trump à la présidence des Etats-Unis -, les médias traditionnels ont dû constater qu’ils faisaient de moins en moins ‘‘autorité’’ dans l’opinion, et qu’ils parvenaient en outre de moins en moins à la prédire. »
Pourquoi l’extrême droite ne perce pas du côté francophone
Pour nombre d’observateurs, donc, le cordon sanitaire médiatique francophone n’explique certainement pas, à lui seul, la relative faiblesse de l’extrême droite au sud du pays. Celle-ci s’expliquerait par plusieurs facteurs, dont ceux-ci : 1/ la médiocrité et l’éclatement des groupuscules d’extrême droite, qui ne parviennent pas à faire émerger un leader charismatique et se disputent entre eux ; 2/ le maillage social dont bénéficie encore la Wallonie, grâce au tissu associatif fortement engagé dans la lutte antifasciste, à la force syndicale et, aussi, à celle du PS et – plus récemment – du PTB, dont la présence sur le terrain permet de recueillir les plaintes, de les traiter et de les contenir, amortissant ainsi la détresse sociale ; 3/ l’absence de sentiment d’appartenance identitaire forte, qu’elle soit « nationale », régionale ou communautaire, contrairement à la Flandre où le mouvement flamand ancre ses racines, depuis toujours, dans l’« identité flamande ».
Pour eux – du côté desquels se rangent l’ensemble des journalistes et intellectuels flamands -, une chose est sûre : le cordon médiatique sanitaire lâcherait si l’extrême droite atteignait en Belgique francophone une puissance semblable à celle de la Flandre.
Victime du « système »
« Si l’extrême droite devenait une réelle force politique, avec un poids électoral significatif, le modèle s’effriterait de lui-même, estime notamment Jérôme Janin, professeur de Science politique à l’ULiège (1). De même, il n’est plus possible de l’appliquer une fois qu’un parti a obtenu une légitimité ‘‘démocratique’’ grâce à son poids électoral : il est beaucoup plus difficile, alors, de faire marche arrière. La population risquerait de se demander s’il ne s’agit pas d’une manipulation de la classe politique pour faire taire un concurrent. »
Avis partagé par Ricardo Gutiérrez, comme il l’explique à Ensemble ! : « Une des raisons pour lesquelles je ne porte pas un amour immodéré au cordon sanitaire médiatique, c’est qu’à l’heure où la défiance du public vis-à-vis des médias et des partis ‘‘traditionnels’’ est énorme, la presse n’envoie pas un bon signal :
elle donne l’image de celle qui, en maître, décide d’octroyer la parole à tels partis et d’en priver un autre, contribuant ainsi à renforcer l’impression selon laquelle elle se range du côté de l’ ‘‘establishment’’. » Quant aux formations d’extrême droite, elles ont beau jeu de se présenter comme les victimes du « système ».
Même faible et muselée, la bête est tapie
Il est vrai cependant – tout le monde est d’accord sur ce point – qu’en optant pour un cordon sanitaire médiatique, « les médias francophones privent les partis d’extrême droite d’une opportunité de se faire connaître et de diffuser leurs messages au sud du pays, consent le politologue Benjamin Biard (2). En outre, ils participent à contrer les tentatives de banalisation de l’extrême droite. En conséquence, la fortune électorale de ces formations politiques s’en retrouve particulièrement affectée. »« Il est certain que l’on crée des difficultés à l’extrême droite en l’invisibilisant dans les médias traditionnels. La preuve, c’est que chaque fois que l’un de ses représentants peut se targuer d’avoir fait ‘‘sauter le cordon, il s’en vante et le fait savoir haut et fort », abonde Vincent de Coorebyter, qui tempère cependant : « Mais en termes de barrière électorale, l’efficacité du cordon n’est pas prouvée : ce ne sont pas les médias qui font l’élection. »
Du côté francophone, en effet, on se félicite peut-être un peu trop vite de la faiblesse de l’extrême droite : « En 2019, il est vrai que chaque groupuscule d’extrême droite a réalisé un mauvais score en Belgique francophone mais, ensemble, ils ont conquis 9% – près d’un électeur sur dix – de l’électorat wallon, poursuit de Coorebyter : pas mal, pour des partis invisibles dans les médias ! Cela signifie que l’idéologie d’extrême droite couve également en Belgique francophone, et qu’il faut ne faut pas affirmer trop vite qu’on en est préservé.»
Il n’y a de cordons utiles que par paire
Pour plusieurs politologues, telle la chercheuse (Université de Cambridge) Leonie De Jonge, l’efficacité du cordon sanitaire médiatique dans la lutte contre l’extrême droite va de pair avec le cordon sanitaire politique. Reprenons : le cordon sanitaire politique contient un volet médiatique, en vertu duquel les responsables politiques francophones s’interdisent de débattre sur les plateaux de télé, dans les émissions radio ou dans les colonnes des journaux. C’est cela, conjugué au fait que les médias n’offrent pas la parole en direct aux représentants de l’extrême droite, qui expliquerait que les thèmes chers aux partis populistes de droite ne s’implantent pas au sud du pays, et que les points de vue de l’extrême droite n’y gagnent pas une légitimité.
En Flandre, où le cordon sanitaire médiatique a duré le temps d’une saison, le seul cordon sanitaire politique qui y est toujours d’application (les partis démocratiques ne gouvernent pas avec l’extrême droite, mais en revanche ne s’interdisent pas de débattre avec elle ni de reprendre à leur compte nombre de ses opinions), n’a pas suffi à endiguer la progression de l’extrême droite. Certes, on l’a crue un moment contenue grâce à la montée en puissance de la N-VA en 2009 et 2014, mais elle est depuis revenue dans la course : les sondages électoraux créditent le Vlaams Belang de près de 28 % des voix, loin devant la N-VA qui est annoncée, au mieux, aux alentours des 20% (3). Des chiffres qui en disent long sur l’état d’esprit au nord du pays, où près de la moitié de l’électorat serait donc prêt à voter en faveur de l’un des deux partis nationalistes, dont les positionnements par rapport à l’ « étranger », francophone ou immigré, ainsi que par rapport au thème de la sécurité, sont somme toute assez proches. L’échec de la lutte contre l’extrême droite serait donc à imputer, au moins en bonne partie, au fait qu’en Flandre, le cordon médiatique est inexistant, et que le seul fait de tenir l’extrême droite à l’écart du pouvoir ne suffit pas à l’endiguer.
Pourquoi il n’y a pas de cordon médiatique en Flandre
Difficile d’écarter un parti populaire des plateaux télé et des colonnes des journaux. Surtout que les partis traditionnels eux-mêmes sont devenus poreux aux thématiques du Vlaams Belang.
Lorsque le Vlaams Blok a réalisé sa première percée électorale significative à l’occasion des élections communales de 1988, les cinq principaux partis flamands de l’époque (CVP, PVV, SP, VU et Agalev) ont signé un protocole par lequel ils s’engageaient à refuser toute alliance avec l’extrême droite. Passons sur le fait que, quelques semaines plus tard, cet accord a été dénoncé par plusieurs de ses signataires : les élections législatives et provinciales du 24 novembre 1991 et la percée historique du VB ont donné un coup de fouet au cordon sanitaire politique qui, à ce jour et exception faite de quelques petites entorses, n’a jamais été bafoué.
Aux premières heures de l’ascension de l’extrême droite flamande, ce cordon sanitaire politique – qui s’impose donc aux responsables politiques – se doublait, comme du côté francophone, d’une volonté d’ériger, aussi, un cordon sanitaire médiatique s’imposant, lui, au monde médiatique.
Ce cordon médiatique, qui n’a jamais été clairement énoncé au Nord, a fait long feu en Flandre. La stratégie consistant à invisibiliser l’extrême droite dans les médias a rapidement laissé la place au choix de la confrontation : au lieu d’isoler le Vlaams Blok, les journalistes flamands (en tout cas pour ce qui est de la presse dite « de qualité ») ont préféré opposer une analyse critique aux opinions des représentants de ce parti, espérant ainsi le discréditer. Mais, à mesure que le Vlaams Blok a gagné en influence, la couverture médiatique de ce parti s’est faite moins critique, jusqu’à finir par se « normaliser » presque totalement.
Cinq raisons principales expliquent ce changement d’attitude. Un : invisibiliser un parti qui réalise de beaux scores électoraux et s’implante durablement dans le paysage politique est difficilement tenable. Deux : des considérations commerciales ont amené les médias, à commencer par ceux dont lectorat vote massivement en faveur du Vlaams Blok (on pense notamment à la Gazet van Antwerpen), à atténuer leurs critiques vis-à-vis de l’extrême droite. Au fil du temps, cette « tolérance » à l’endroit des propos populistes de droite a gagné du terrain dans les médias flamands. Trois : la majorité des journalistes flamands considèrent qu’ils doivent rendre compte de l’ensemble des opinions, et qu’il appartient aux lecteurs de se faire la leur. Cinq : les représentants du Vlaams Blok, devenu Vlaams Belangen 2004 à la suite d’une plainte pour racisme et xénophobie, ont intégré les règles du jeu de la démocratie que, par ailleurs, ils visent à détruire. Ils ont policé leur discours, viré les éléments les plus violents, bref, ils se sont rendus plus « fréquentables ». Quatre : les thématiques de prédilection de l’extrême droite flamande (sécurité, immigration, discours anti-francophones) ont été largement récupérées par les partis traditionnels. Dans un tel contexte, le parti d’extrême droite dénote finalement assez peu dans le paysage politique flamand.
La droitisation des partis flamands
Il est vrai que certains partis sont devenus, à des degrés divers, poreux à des thématiques de prédilection de l’extrême droite, et puisque ses représentants sont régulièrement présents dans les médias, ces mêmes thématiques se sont imposées dans l’agenda politique autant que médiatique du nord du pays, et ont ainsi acquis une importance énorme aux yeux des citoyens.C’est ainsi, par exemple, que l’immigration apparaît comme le troisième thème qui comptera le plus pour l’électeur flamand au moment de déposer son bulletin de vote dans l’urne en juin prochain, juste derrière l’avenir de la Sécu et les prix de l’énergie (et la sécurité de l’approvisionnement). « Plus les journaux ou les télévisions s’attardent sur une question particulière, plus les gens estiment qu’elle est importante », souligne le politologue Stefaan Walgrave (Université d’Anvers), dans Le Soir (4). « Ne nous y trompons pas cependant, relativise la sociologue Hein de Haas, spécialiste de la migration à l’Université d’Amsterdam, dans le même journal : l’opinion des francophones à propos de l’immigration n’est pas fondamentalement différente de celle des Flamands. Mais, au sud du pays, le cordon sanitaire médiatique tient bon là où il s’est fragilisé en Flandre. Ce qui laisse l’extrême droite imposer le débat. Les autres partis embraient, se droitisent et finissent par légitimer les discours de plus en plus durs sur l’immigration. On le voit partout en Europe. »
Donc : ce fameux cordon sanitaire médiatique est une des raisons de la faiblesse structurelle de l’extrême droite, et pas le couteau suisse capable d’en venir à bout.
Cachez ces problèmes que nous ne voulons voir
Cela étant dit, certains s’inquiètent néanmoins de ses effets pervers.
Il aurait permis aussi, aux partis démocratiques francophones, de mettre sous le boisseau les problèmes vécus par les gens : « Les politiques francophones ont longtemps évité d’aborder les sujets délicats pourtant en lien avec les difficultés quotidiennes auxquelles sont confrontés les citoyens, surtout les plus fragilisés d’entre eux, c’est-à-dire ceux qui vivent dans des quartiers ‘‘difficiles’’, pointe de Coorebyter. Et ce sous prétexte que ces sujets sont en lien avec la délinquance, l’immigration, l’insalubrité, etc., et qu’ils sont donc chers à l’extrême droite. C’est une grave erreur : le monde politique se doit de tenter de résoudre ces problèmes sans les minimiser, mais en employant les mots justes, et en pointant les véritables causes, qui sont d’ordre socioéconomiques avant d’être ‘‘identitaires’’. » Empêcher un parti de s’exprimer, s’interdire de débattre avec un représentant de l’extrême droite, ce serait donc peut-être, aussi, se comporter en autruche face à une réalité et aux opinions d’une partie de la population, dont on court le risque de se déconnecter.
Le cordon encouragerait la « paresse » des journalistes
Ces dernières années, du côté francophone, des journalistes et des responsables de médias tiennent des propos relativement critiques vis-à-vis du cordon sanitaire médiatique. « Une des essences de notre métier est d’être en phase avec les mouvements qui traversent la société. Aussi radicales que puissent être les opinions, nous ne pouvons les ignorer », avance ainsi Laurent Haulotte, directeur de l’information de RTL, dans Les cahiers du CDJ (5). « Je n’aime pas trop cette expression de cordon sanitaire médiatique, appuie Jean-Pierre Jacqmin, direction de l’info de la RTBF, dans le même média. Le monde politique applique un cordon qui le concerne. Nous, notre position est davantage d’ordre légal qu’éditorial : nous ne voulons pas propager d’idées qui sont contraires à la loi. »« Eviter de donner la parole en direct à l’extrême droite, sans mise en perspective journaliste, n’empêche pas de traiter le sujet autrement, souligne François Brabant (lire son interview). Ni de faire des reportages de terrain, y compris en allant à la rencontre des leaders de l’extrême droite. Ce qui doit guider le journaliste, c’est le respect de la loi, bien entendu, mais surtout la déontologie, l’éthique personnelle et le sens de la responsabilité sociétale. Dans les faits, pourtant, il faut bien constater que ces sujets ‘‘sensibles’’ sont peu évoqués dans la presse. J’ai l’impression que le cordon sanitaire médiatique encourage les journalistes francophones à la paresse : puisque ces sujets sont délicats à traiter, on ne les traite pas, c’est plus facile. »
« La meilleure réponse contre l’extrême droite et la désinformation, c’est le journalisme de qualité, abonde Ricardo Gutiérrez (FEJ) : il faut, par exemple, pouvoir démentir les affirmations des représentants de l’extrême droite que l’on aurait invités. Mais cela, ça demande beaucoup de travail, et aussi beaucoup de moyens. »
« Il faudrait pouvoir miser sur l’intelligence des gens – c’est d’ailleurs le principe de base de la démocratie, du droit de vote et d’éligibilité, conclut de Coorebyter. Des débats bien préparés avec l’extrême droite pourraient être très utiles, à condition bien sûr que l’objectif poursuivi par le média aille dans le sens de l’intérêt général, et qu’il ne s’agisse pas de se ménager un public ‘‘complaisant’’ ou de faire le ‘‘buzz’’. On devrait pouvoir faire ce pari positif. Mais, pour cela, il faut se donner les moyens du démenti, il faut anticiper de manière à pouvoir démonter les arguments de manière efficace. Si on n’a pas ces moyens, faute de temps ou de compétences, alors il vaut mieux éviter, car un journaliste mal préparé ne pourrait pas se défendre face à un interlocuteur de mauvaise foi. D’autant que l’extrême droite n’a pas besoin de chiffres – sur la délinquance, la prison, l’immigration – pour faire valoir ses arguments : il lui suffit d’évoquer l’expérience vécue, les affects, les ressentis. »
Et si, au contraire, le cordon devait être renforcé ?
Pour qu’un éventuel débat avec un représentant de l’extrême droite soit utile, il faudrait d’abord que le média l’organise pour servir l’intérêt général et la recherche de la vérité, pose en substance de Coorebyter, et non dans l’objectif de faire le buzz. Aux yeux de « Martin » (nom de scène), auteur de la conférence gesticulée « Moins con qu’un poisson – Pourquoi il ne faut pas débattre avec l’extrême droite » ce prérequis n’est précisément pas garanti : « Les débats ne servent le plus souvent que l’hyperbole et se nourrissent de petites phrases-chocs : ce sont des shows, et non des émissions d’information », regrette-t-il en substance (lire son interview). Un avis partagé par Julien Dohet, participant au Front Antifa Liège, secrétaire politique au Setca (FGTB) et auteur de plusieurs ouvrages et articles sur l’extrême droite. A ses yeux, le cordon sanitaire médiatique est l’outil majeur de lutte contre l’extrême droite : il ne pourrait donc être question de l’abandonner ni de donner la parole à ses représentants, même en l’accompagnant d’un vrai travail journalistique. Au contraire, estime-t-il : il faudrait le renforcer en élargissant sa zone d’application : Theo Franken et Drieu Godefridi, pour ne citer qu’eux, devraient être privés d’antenne, et ce même s’ils appartiennent à la N-VA, c’est-à-dire à un parti dit « démocratique » (lire son interview).
On le voit, le cordon sanitaire médiatique est sous tension : critiqué par les uns, porté aux nues par d’autres et, entre ces deux positions, toute une palette de nuances. Espérons que les prochains résultats des urnes ne rendent pas le débat plus brûlant encore…
- Par Isabelle Philippon (CSCE)
(1) Régulation, bulletin d’information trimestriel du CSA, n°46, octobre-décembre 2010.
(2) La lutte contre l’extrême droite en Belgique- II. Cordon sanitaire médiatique, société civile et services de renseignement, par Benjamin Biard, in Courrier hebdomadaire du Crisp 2021/39, n°2524-2525.
(3) Voir Le Grand Baromètre Ipsos-Le Soir-RTL-VTM-Het Laatste Nieuws, du 23 mars 2024 ; ainsi que le sondage De Standaard-VRT du 1 mars 2024.
(4) « Pourquoi les Flamands sont plus préoccupés par l’immigration que les francophones », Le Soir des 30 et 31 mars 2024.
(5) nterrogé par Grégoire Comhaire, « Trente ans de cordon, et combien encore ? » dans Les cahiers du CDJ n°247, mai 2022.