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Penasse : « Merci Virginie »
A l’occasion de journées de conférences covido-sceptiques, Alexandre Penasse (Kairos) introduisait l’intervention de Virginie Joron, députée européenne du Rassemblement National. Tout en s’étonnant du fait qu’Ensemble ! lui impute un rapprochement avec l’extrême droite.
Selon le site « d’information » complotiste France Soir : « Ce jeudi 18 mai s’est déroulée la première journée du 100e du Conseil Scientifique Indépendant (CSI) à Saintes (Charente-Maritime), notamment organisée et animée par l’association Reinfo Liberté. Pour l’occasion, 1.700 citoyens et personnalités scientifiques et du monde de la santé se sont retrouvés afin de phosphorer lors d’ateliers et de tables rondes, laissant la place à de riches échanges d’idées autour de thèmes comme la médecine, la santé ou encore la citoyenneté. Le CSI regroupe depuis sa création début 2021 des médecins, des chercheurs, des enseignants et bien d’autres professionnels issus de disciplines ayant notamment trait à la santé, au bien-être et au vivre-ensemble » (1). Un évènement « antivax » qui durait deux jours, entièrement filmé et diffusé en ligne, notamment sur le site et sur toutes les plates-formes du journal Kairos (2). Et pour cause : son rédacteur en chef, Alexandre Penasse y participait en tant que tel à deux niveaux. En tant qu’intervenant dans un panel sur le journalisme, d’une part et, de l’autre, en tant que présentateur, dans un panel politique (par vidéo conférence).
Au cours de ces deux journées, devant une salle de près de 2.000 personnes, ce sont non seulement des soignants « résistants » (sic), des scientifiques « résistants » (sic) et des journalistes « résistants » (sic) qui se sont succédé à la tribune, mais aussi, selon les termes des organisateurs, des « personnes impliquées dans la vie de la Cité ». Entendons des orateurs « résistants » représentant des partis d’extrême droite, qui s’y sont fait copieusement applaudir au cours de « tables rondes politiques ». Tout cela n’a pas empêché Alexandre Penasse d’y faire part de son étonnement du fait que notre revue ait dénoncé ses relations avec l’extrême droite.
« Ils m'accusent de m'être rapproché de l'extrême droite »
Le panel sur journalisme au sein duquel est intervenu Alexandre Penasse était animé par Mike Borowski, ex-député UMP, créateur des sites très fréquentés « La gauche m’a tuer », de la chaîne vidéo « Droitards méchants », et patron d’émission sur la radio d’extrême droite Radio Courtoisie. Alors que celui-ci invitait Penasse à se situer politiquement – « Journaliste de gauche, c’est comme ça que tu te définis? » -, ce dernier lui a répondu qu’il préférait dire, « comme Slobodan Despot », « on n’est ni de droite ni de gauche, et surtout pas du centre (…) ». … Une réponse qui ne manque pas d’ambiguïté, lorsqu’on connaît le positionnement politique de Slobodan Despot , lequel a non seulement dirigé Xénia, une maison d’édition – dont le slogan est « Osez lire ce que nous osons publier » – spécialisée dans la publication de livres d’auteurs d’extrême droite, mais a également été, pendant plusieurs années, le chargé de communication d’Oskar Freysinger. Un politicien suisse d’extrême droite et islamophobe (UDC), auquel il a consacré un livre (Oskar et les minarets, La Suisse, un « village gaulois » face à l’islam et à la mondialisation, éditions Favre 2010).
« Comme dit Slobodan Despot, on n’est ni de droite ni de gauche, et surtout pas du centre »
Au cours de ce panel, Alexandre Penasse en est vite venu à exposer son plaidoyer pro domo, dans lequel il s’est présenté comme le chevalier blanc de la presse libre et de la recherche de la vérité en Belgique, censuré lors des conférences de presse du Premier ministre belge, conspué par les médias dominants, réprimé par le Conseil de déontologie journalistique… et dénigré par la revue Ensemble!. (3) Le rédacteur en chef de Kairos s’étonnant, in fine, que l’on ait pointé les relations douteuses qu’il avait développées avec des groupes d’extrême droite : « Les attaques les plus virulentes ?sont venues? d’un journal d’extrême gauche (sic) syndical, qui s’appelle Ensemble! Moi, je les appelle ‘‘Ensemble avec le gouvernement’’. Ils indiquent que j’aurais dissuadé les lecteurs de se faire vacciner. » (4) Et Alexandre Penasse d’enchaîner avec une citation véhémente sur l’irresponsabilité des antivax, issue… d’un vieux post (excessif et déplacé, certes) que notre collègue Yves Martens avait publié sur sa page Facebook personnelle, écrit en pleine crise sanitaire à un moment où il était victime d’un covid long et avait perdu plusieurs amis, décédés suite au covid.
Le chevalier blanc de la liberté de la presse, si pas de la déontologie journalistique, s’est servi de ce post pour pratiquer un amalgame entre le post personnel et le dossier que nous avons consacré à Kairos dans notre numéro 109, prétendant que notre collègue, auteur de ce post, était celui qui avait écrit le dossier sur Kairos. Alors que, dans les faits, comme en atteste la signature des articles publiés, Yves Martens n’en a pas écrit une seule ligne. Penasse a poursuivi sa « réfutation » : « Ils ont aussi écrit, dans le journal Ensemble!, que nos vérités étaient non sourcées : Alexandra Henrion Caude, Christian Perronne, Laurent Toubiana, Laurent Bazin, Martin Zizi, Pierre Chailloton, on les a tous interviewés, ça me semble sourcé ! ». Et de conclure : « Ils nous ont également reproché d’avoir mis en danger les lecteurs les plus vulnérables. Les plus vulnérables par rapport à quoi ? On ne sait pas. Ils m’accusent également d’avoir viré complotiste et de m’être rapproché de l’extrême droite ». Sans préciser si cette intervention devait être entendue comme une dénégation de tout rapprochement avec l’extrême droite, ou plutôt comme le fait qu’il considère que les rapports avec l’extrême droite ne doivent pas être considérés comme un problème, tout comme il considère sans doute que les sources qu’il a énumérées sont fiables ou que les vaccins contre le Covid sont un danger et non un moyen de se protéger de l’épidémie.
« Virigine Joron, une des seule à s'opposer au totalitarisme politique »
Il semble que c’est bien l’interprétation « avoir des rapprochement avec l’extrême droite, en quoi est-ce un problème ? » qui est la bonne. En effet, le matin même et devant le même auditoire, Alexandre Penasse introduisait Virginie Joron, députée du Rassemblement National (le parti d’extrême droite français des Le Pen), en ces termes : « Merci aux organisateurs, merci à tout le monde d’être là. (…). C’est un plaisir d’être là. (…) Nous avons posé une question à Virginie Joron, qui est aussi une exception parmi les 750 députés européens. Vous connaissez Virginie Joron, c’est une des seules à s’opposer au totalitarisme politique (sic). Évidemment il y a Michèle Rivasi aussi (NDLR : députée européenne écologiste qui avait annulé une semaine plus tôt sa participation à cette réunion du « Conseil scientifique indépendant » où sa présence avait été annoncée). Il y en a d’autres, mais ils sont très peu nombreux ». (5) Et le rédacteur de chef de Kairos de conclure l’intervention vidéo de la députée d’extrême droite par un familier « Merci Virginie ». La députée est, il est vrai, une de ses interlocutrices régulières, à laquelle il n’hésite pas à offrir des tribunes sur le site et les plateformes de Kairos. Notamment, le 12 janvier 2023, à travers une vidéo d’interview de trente-sept minutes dans son bureau du parlement européen (6) ou encore, le 18 mai 2022, en invitant celle-ci à un débat organisé, filmé et diffusé en ligne par Kairos sur les « Omertas : médicale, vaccinale, médiatique, politique ». (7)
Lors de l’évènement du CIS du mois de mai dernier, la première « table ronde politique » qui s’est tenue le matin (8) devant le même public a été, quant à elle, particulièrement explicite sur le sens politique de l’évènement : rapprocher le mouvement « anti-vax » d’une partie de l’extrême droite française, représentée à cette table-ronde par trois figures de choix. Leur curriculum vitae politique est éloquent. Tout d’abord, Jean-Frédéric Poisson, le moins connu du panel. Ex député de l’UMP, celui-ci s’est rallié en 2022 à la candidature d’Eric Zemmour pour la présidentielle, estimant que « le choix civilisationnel » fait par celui-ci était « nécessaire pour que la France retrouve sa grandeur et sa réputation ». Nicolas Dupont-Aignan, ensuite. Ex député de l’UMP, il a créé son propre parti Debout la France. Aux élections présidentielles de 2017, il a annoncé qu’il soutenait l’élection de Marine Le Pen, laquelle avait déclaré dans une conférence de presse, tenue avec lui, qu’elle en ferait son Premier ministre si elle était élue. Candidat à l’élection présidentielle de 2022, il a remporté 2 % des suffrages au premier tour, et a alors appelé à voter pour Marine le Pen au second tour, afin de « faire barrage à Macron ». Il est toujours député et membre de l’Assemblé nationale, sans discontinuité depuis 1997, mais aujourd’hui sous la bannière de son propre parti. Enfin, Florian Philippot. Ex-vice-président (2012) du Front National de Marine Le Pen, il a quitté le FN et fondé son propre parti, Les Patriotes, en 2017. Pour la présidentielle de 2022, il s’est rallié à la candidature de Nicolas Dupont-Aignan au premier tour avant de se rallier, lui aussi, à celle de Marine Le Pen au second tour, « pour faire barrage à Macron ».
Florian Philippot : « Il y a ici un écosystème de résistances »
Outre Mike Borowski, déjà évoqué, ce panel politique de choix était animé par Myriam Palomba. Celle-ci a présenté l’intervention de Florian Philippot, avec une complicité explicite : « L’intro de Florian Phillipot sera un peu longue. Aussi longue que le nombre de manifestations qu’il a organisées contre le Pass sanitaire, contre le Pass covid, vaccinal, pour la réintégration des soignants (applaudissements), pour la liberté en Europe… On l’a même vu devant chez Pfizer pour dénoncer les effets indésirables. Tout le monde connaît M. Florian Philippot, depuis le début, il est là. Il a été un de nos plus fidèles serviteurs, à nous qui ne sommes rien dans la société, pour nous aider à combattre cet Etat qui nous a imposé des lois liberticides. Il a donné la parole à de nombreuses personnes comme Alexandra Henrion Caude, il n’a jamais lâché la pression face à la politique désastreuse de ce gouvernement, réunissant de nombreux Français à Paris… Je vais le laisser s’exprimer, je sais qu’il a encore beaucoup de choses à dire et à faire. Lâchez-vous Florian. Vous avez quinze minutes, applaudissez-le… ».
« Chapeau aux organisateurs, car créer des ponts c'est la clé du succès » (Florian Phillipot)
Et Philippot de rebondir, en faisant notamment ressortir tout l’intérêt qu’il portait à cet évènement : « Merci pour cet accueil. Grand merci et bravo aux organisateurs pour ce magnifique évènement, on est extrêmement nombreux, il paraît que malheureusement plusieurs centaines de personnes ont dû être refusées. C’est un signe de succès et exactement ce qu’il faut faire. Je tire mon chapeau aux organisateurs, car créer des ponts, faire se rencontrer des gens, faire parler ensemble des gens qui ne se connaissaient pas encore ou ne se voyaient pas, ou ne combattaient pas ensemble, c’est la clé du succès. J’en suis persuadé : en face, ils veulent nous diviser. Ils veulent qu’on soit seuls et ici c’est l’inverse (applaudissements). Et je salue les deux journalistes, Myriam et Mike qui animent avec brio, indépendance et liberté cette table ronde. (…) Ce qui compte, c’est qu’on maintienne la pression. Ici, il y a un écosystème de résistances, entre personnes de tous milieux, toutes professions, toutes origines, toutes philosophies. Je crois qu’il faut que l’on maintienne des cercles de vigilance antitotalitaire. (…) On doit maintenir l’esprit de libre arbitre et l’esprit critique, et on doit tout faire pour qu’ils reviennent dans les familles et à l’école. Il faut également développer un réseau de médias et des réseaux indépendants, Mike en est un magnifique exemple. Il faut qu’on investisse énormément, parce qu’ils vont essayer de nous brider sur internet, sur les réseaux sociaux indépendants. (…) »
N. Dupont-Aignan : « Faire renaître une autre façon de se parler entre nous »
C’est toujours avec la même invitation à la connivence que Myriam Palomba a introduit Nicolas Dupont-Aignan, « député de l’Essonne depuis 1997, maire depuis vingt-deux ans, à la tête du parti politique Debout la France depuis quinze ans. Un de nos plus précieux relais à l’Assemblée nationale, le plus précieux, il faut le dire. Il a été à l’origine d’une commission parlementaire d’enquête sur les effets secondaires des vaccins contre le covid. »
Et le député–président de Debout la France d’enchaîner en explicitant lui aussi tout l’intérêt qu’il voyait aux évènements de ce type : « Cette crise est un formidable accélérateur de cette décomposition institutionnelle, démocratique de notre pays. (…). La vraie question qui se pose, c’est celle de notre capacité à tenir, à nous organiser, à nous rassembler, à porter un projet, à réintégrer les Français dans le jeu politique, parce qu’à la fin ça se fait par le suffrage. Combien de fois, durant la présidentielle, j’ai rencontré des Français qui me disaient ‘‘J’ai pas voté, mais je vous aime bien.’’ Eh bien, je leur répondais, ‘‘J’aimerais que vous m’aimiez peut-être un peu moins, mais que vous alliez voter.’’ Parce que, en attendant, on a à nouveau Macron pour cinq ans. Et quand on a Macron pour cinq ans, on a le système derrière, qui est un système de destruction, pas seulement de la France. Parce que la France porte une certaine idée du savoir, et le savoir c’est vous qui le portez avec Réinfo covid, avec tous les scientifiques et c’est vous qui allez le faire fructifier durant ce week-end (…) Votre association Réinfo covid est importante. On en parlait tout à l’heure avec Louis Fouché (NDLR : médecin antivax fondateur du « Conseil scientifique indépendant » et de Réinfo Covid, organisateurs de l’évènement), non seulement pour la science, mais pour faire renaître une autre façon de se parler entre nous. Et ça, c’est un moyen de faire renaître la démocratie. »
« Votre association Réinfo covid est importante non seulement pour la science, mais pour faire renaître une autre façon de parler entre nous. » (Nicolas Dupont-Aignan )
« Applaudissez ces trois hommes politiques, ce sont des résistants »
In fine, les deux « gentils animateurs » de ce panel ont conclu en appelant au soutien de la salle. Boroski : « Applaudissez ces trois hommes politiques, qui sont quand même des résistants. Jean-Frédéric Poisson, qui était dans un parti où, chez M. Zemmour, tout ce qui était vaccination n’était pas vraiment la priorité. M. Philippot, qui fait ses manifestations avec grand courage. Le député Dupont-Aignan qui, même s’il est un peu seul à l’Assemblée nationale sur ces sujets, se bat et résiste. » Palomba : « Le combat continue avec Florian Philippot et Les Patriotes, le samedi 27 mai à 14h à Paris Port Royal, il y a une manif « spécial effets secondaires », très importante, j’imagine que tu attends tout le monde. »
Ceci n’est pas un rassemblement de propagande pour l’extrême droite ?
Alexandre Penasse ignore-t-il qu’il a participé activement, en tant que représentant de Kairos, à une opération de propagande en faveur de l’extrême droite française ? Ignorent-t-ils lui, le Conseil d’Administration et les rédacteurs de Kairos, qu’ils ont contribué et contribuent à prolonger cette opération en diffusant ces contenus sur leurs plateformes et réseaux sociaux ?
- Par Arnaud Lismond-Mertes (CSCE)
(1) France Soir, « Le 100e du Conseil Scientifique Indépendant (CSI) à Saintes : un beau succès populaire, des idées et l’espoir d’un nouveau monde », 19 mai 2023
(2) Kairos sur la vague du complotisme, Ensemble ! n° 109, décembre 2022.
(3) Sur le site de Kairos
(4) Conseil Scientifique Indépendant (CSI) N°100, Publié le 19 mai 2023, sur le site de Kairos. , CSI #100 3
(5) Sur le site de Kairos. CSI # 100 1
(6) Miss Pfizer au cœur de la tourmente, le 12 janvier 2023, sur le site de Kairos.
(7) Vidéo, sur le site de Kairos.
(8)Sur le site de Kairos. CSI #100 2