énergie

L’accès à l’énergie à Bruxelles dans un contexte de crise

Comment l’augmentation des prix du gaz et de l’électricité impacte-t-elle concrètement les ménages bruxellois ? Pour le savoir nous avons rencontré l’équipe d’Infor Gaz Elec.

Dessin Manu Scordia
Les fournisseurs rendent un service de plus en plus déficient aux ménages - Dessin Manu Scordia

L’augmentation des prix du gaz et de l’électricité, qui avait déjà commencé après la reprise économique qui a suivi la crise du Covid, s’est encore exacerbée après le déclenchement de la guerre entre la Russie et l’Ukraine, en février 2022. Au-delà des chiffres et des principales mesures adoptées (Lire ici), quelle est l’évolution de la situation des ménages bruxellois en termes d’accès à l’énergie dans ce contexte ? Nos collègues de l’équipe du service Infor Gaz Elec (Lire l’encadré) nous ont fait part de leur vision de la situation des ménages qu’ils rencontrent quotidiennement.

Des fournisseurs privés de plus en plus rares et défaillants

Au moment d’écrire cet article (octobre 2022), les problèmes rencontrés par ces ménages concernant l’accès au gaz et à l’électricité ont-ils fondamentalement changé avec l’augmentation des prix ? Oui et non. Tout d’abord, il y a ceux pour lesquels la situation n’a pas ou a peu changé. Certains ménages avaient signé des contrats à prix fixes, valables trois ans en région bruxelloise, et qui sont toujours en cours. Ceux-là n’ont à ce stade pas encore été exposés aux augmentations de prix. Pour autant que leur fournisseur n’ait pas réussi à se débarrasser de ces contrats en mettant la clé sous le paillasson, comme l’a de facto fait Octa+ (1). Les usagers qui bénéficient du tarif social (élargi aux BIM) ont eux aussi été largement protégés de l’augmentation des prix du gaz et de l’électricité. (Lire ici). Le service Infor Gaz Elec est toujours confronté à des questions et problèmes similaires à ceux qu’il avait l’habitude de traiter (comparaisons de contrats, défauts de paiement, litiges avec les fournisseurs, menace de coupures, etc.). Mais la crise a amplifié ces problèmes, touché un public plus large et créé de l’instabilité. Jusque-là, les prix et les réglementations évoluaient relativement lentement. Ce n’est plus le cas aujourd’hui, nous indiquent les conseillers d’Infor Gaz Elec :«Tout se passe plus vite, tout devient plus compliqué : si on prend deux semaines de vacances, lorsqu’on revient la situation a fort changé et il faut poser beaucoup de questions aux collègues pour se remettre à jour». Pour les contrats à prix variable, il y a une grande différence entre le résultat de la simulation que les gens avaient faite avant de souscrire un contrat et le prix qu’ils paient effectivement une fois qu’ils reçoivent leur facture de régularisation : « Des gens arrivent avec des factures d’acompte qui ont été multipliées par trois, quatre, cinq ou six ». Il n’y a plus moyen de souscrire des contrats à prix fixe et, au mois de septembre, il n’y avait même plus moyen de comparer valablement les offres à prix variable, car les fournisseurs avaient adopté des formules d’indexation différentes (Lire l’encadré). D’un autre côté, les fournisseurs rendent un service de plus en plus déficient aux ménages. Il n’y a plus de guichets d’accueil physique pour accéder au fournisseur, sauf chez Engie qui a préservé… un « guichet » composé de deux agents placés derrière une table dans un « point poste », perdu dans un sous-sol sans fenêtre de la gare du Nord. Auparavant les fournisseurs étaient à tout le moins accessibles par téléphone. Ce n’est presque plus le cas  :«Les usagers doivent parfois patienter une demi-journée en ligne, avec un message qui leur indique régulièrement le nombre d’appels à traiter avant le leur, avant de pouvoir parler à un interlocuteur». Ou bien le fournisseur raccroche sans les avoir écoutés. Les consommateurs sont censés tout gérer en ligne depuis leur espace client sur le site du fournisseur, mais beaucoup ne s’y retrouvent pas. « Certains clients téléphonent à Infor Gaz Elec en croyant qu’ils s’adressent au service clientèle de leur fournisseur » et par rapport à septembre 2021 le nombre d’appels téléphoniques reçus par IGE a doublé.

Des protections sociales essentielles mais d’accès parfois complexe

Face à l’augmentation des prix, le tarif social s’est avéré très protecteur (Lire ici) et son élargissement à l’ensemble des bénéficiaires du statut BIM (« Bénéficiaire de l’intervention majorée ») a permis d’éviter à des dizaines de milliers de ménages de se retrouver dans des procédures de défaut de paiement… sauvant par là-même les fournisseurs concernés de l’accumulation d’impayés. Mais, dans certains cas, l’octroi de ce statut BIM n’est pas automatique, et des ménages ignorent qu’ils y ont droit et/ou se perdent dans les procédures administratives qu’ils doivent effectuer pour ce faire auprès de leur mutuelle, par exemple parce qu’ils ne retrouvent pas les documents nécessaires (avertissement extrait de rôle attestant de leurs revenus, etc.) ou des codes d’accès à ces documents.

La RBC a élargi le statut de « client protégé », offrant aux personnes à revenus moyens et en difficulté de paiement l’accès au tarif social

En outre, la Région de Bruxelles-Capitale a élargi le statut de « client protégé » offrant ainsi aux personnes à revenus faibles à moyens (inférieurs à 39.212 euros pour une personne isolée et à 54.856 euros pour une déclaration commune, avec des suppléments en fonction des personnes à charge) et en difficulté de paiement la possibilité de bénéficier d’une fourniture en gaz et en électricité au tarif social, le temps qu’ils apurent leur dette chez leur fournisseur. Selon les cas, ce statut peut être octroyé via le distributeur (Sibelga), le régulateur bruxellois du marché du gaz et de l’électricité (Brugel) ou via la cellule énergie du CPAS (2). Le financement de cette mesure régionale, importante en termes de maintien de l’accès à l’énergie, est pour partie à charge des consommateurs de la région, à travers le tarif de distribution, pour partie à charge de ses contribuables, à travers le budget régional. La réglementation régionale prévoit que, durant le temps du plan de paiement « raisonnable » conclu avec le fournisseur, qui peut être étalé sur un maximum de cinq ans, et sous réserve du respect de ce plan, le client peut bénéficier d’une fourniture au tarif social.

Dessin Manu Scordia
« Des gens arrivent avec des factures d’acompte qui ont été multipliées par trois, quatre, cinq ou six ». - Dessin Manu Scordia

Mais encore faut-il que les personnes sollicitent ce dispositif, c’est-à-dire qu’elles acceptent de reconnaître qu’elles ne peuvent plus payer leurs factures d’énergie et qu’elles sont en défaut de paiement, car elles reçoivent des lettres intimidantes de huissiers, de sociétés de recouvrement… Beaucoup n’aiment pas avoir une dette et renoncent à demander le statut de client protégé pour cette raison, quitte à se priver de dépenses essentielles (frais médicaux, etc.). Et comment « négocier » un plan de paiement « raisonnable » avec son fournisseur, a fortiori lorsque celui-ci n’est pas accessible via un guichet ou par téléphone ? Il faut, selon les conseillers d’Infor Gaz Elec, être assertif, indiquer au fournisseur « Je peux payer autant et pas plus » pour le remboursement de la dette, et puis respecter cet engagement, même si c’est seulement cinq ou vingt euros par mois. Dans cette circonstance, le fournisseur ne peut pas couper l’accès au gaz et à l’électricité. Si le consommateur ne peut obtenir un accord écrit du fournisseur, il est conseillé d’appliquer néanmoins sa propre proposition de plan de paiement « raisonnable » et il est important de le faire, sous peine de perdre son statut de « client protégé », et donc sa fourniture au tarif social. Malgré la réticence de beaucoup à avoir une dette, la différence de prix offerte par l’accès à ce statut finit par convaincre une partie des personnes concernées d’activer ce droit. Au service Infor Gaz Elec, on anticipe cependant déjà les problèmes que ce statut, qui a permis à de nombreuses personnes de garder la tête hors de l’eau, posera à l’avenir. En effet, après deux ans d’octroi, le gestionnaire du réseau de distribution (Sibelga) devra vérifier si les ayants droit à ce statut en remplissent toujours les conditions. Les bénéficiaires devront répondre à un courrier de Sibelga et apporter la preuve qu’ils ont respecté leur plan de paiement. A défaut, ils perdront le bénéfice de ce statut et rebasculeront sur une fourniture au prix du marché.

Dessin Manu Scordia
Mais encore faut-il que les personnes sollicitent ce dispositif, c’est-à-dire qu’elles acceptent de reconnaître qu’elles ne peuvent plus payer leurs factures d’énergie - Dessin Manu Scordia

Enfin, il faut relever qu’il y a des « oubliés » pour l’application du tarif social : les locataires de logements collectifs qui n’ont pas de compteur de gaz individuel à leur nom et dépendent de la chaudière générale de l’immeuble. Hormis pour les immeubles de logement social pour lesquels une disposition spécifique a été prévue, ils se retrouvent de facto exclus du bénéfice du tarif social pour leur consommation de gaz. Quant aux petits indépendants, ils ne bénéficient d’à peu près aucune mesure de protection sociale. En cas de défaut de paiement, le fournisseur peut facilement faire couper leur fourniture d’énergie. En l’absence de réglementation protectrice pour ce type de clients, les fournisseurs ne sont pas obligés de souscrire un contrat de fourniture et ils peuvent conditionner celle-ci au paiement préalable d’une garantie fort élevée.

Des prix qui deviennent incomparables

En septembre 2022, le prix du kWh de gaz du contrat variable BOLT était annoncé à 11,39 centimes. Celui du gaz du contrat variable FLOW d’Engie était annoncé à 25,4 centimes/kWh. Mais dans les faits, le prix réellement facturé en fonction du 1er contrat ne sera pas de moitié inférieur à celui effectivement facturé en fonction du second, car ils appliquent chacun des formules de prix basées sur des temporalités différentes et les comparateurs qui donnaient l’un plus avantageux que l’autre ont comparé des poires et des pommes.

L’explosion des prix du gaz et de l’électricité sur les marchés boursiers a eu pour conséquence la disparition des contrats à prix fixe proposés par les fournisseurs. Depuis, ils n’offrent plus sur le marché que des contrats à prix variables qui sont difficiles à comparer entre eux. Les contrats à prix fixe permettaient aux usagers d’avoir une prévisibilité de leurs factures à long terme puisque le prix du kWh de gaz et d’électricité était fixé pour toute la durée du contrat (1, 2, 3 ou 5 ans selon le type de contrat). Contrairement à ce type de contrat, les contrats à prix variables n’offrent aucune prévisibilité future. En effet, les prix du kWh sont indexés et varient en fonction des cotations boursières pendant toute la durée du contrat, ils augmenteront si les cotations boursières augmentent et inversement. Il est impossible dans le présent de prévoir quel sera le montant de ces cotations dans le futur, il est dès lors impossible de prédire quels seront les prix du kWh de gaz et d’électricité pendant la durée du contrat. Ce problème rend l’estimation réelle du montant de la facture annuelle de gaz et d’électricité pour les différents comparateurs impossible car ils ne peuvent pas connaître les prix futurs. A défaut de les connaître, la plupart des comparateurs extrapolent les prix connus du mois en cours à l’année entière. Exemple, si le prix du kWh de gaz est de 12 centimes ce mois-ci, les comparateurs font comme si ce prix sera le même pour l’année entière. Certains comparateurs fonctionnent différemment et essayent de prévoir l’évolution des cotations boursières, le prix du kWh ainsi utilisé pour estimer le montant de la facture annuelle diffère de la méthode précédente. Cela peut entraîner des estimations annuelles avec des montants très différents pour un même contrat.

Un autre problème vient compliquer les comparaisons de contrats à prix variables, il s’agit de la temporalité de l’indexation de ces derniers. Certains de ces contrats sont indexés mensuellement, ce qui signifie que le prix du kWh est indexé sur des cotations boursières mensuelles. En général, il s’agit d’une moyenne arithmétique des cotations journalières pendant le mois de fourniture. A défaut de connaître cette moyenne, qui ne sera connue qu’à la fin du mois, les fournisseurs calculent le prix du kWh proposé sur leurs fiches tarifaires en prenant la moyenne du mois précédent. D’autres sont indexés trimestriellement, ce qui signifie que le prix du kWh est indexé sur des cotations boursières trimestrielles. Il s’agit en général d’une moyenne arithmétique des cotations journalières pendant le trimestre de fourniture. A défaut de connaître cette moyenne qui ne sera connue qu’à la fin du trimestre, les fournisseurs calculent le prix du kWh proposé sur leurs fiches tarifaires en prenant la moyenne du trimestre précédent.

Pour ces deux types de contrats, la valeur des cotations boursières n’est pas connue, les prix du kWh affiché sur les fiches tarifaires sont donc indicatifs.

Le fait de comparer les prix de contrats ayant des temporalités différentes (mensuelles et trimestrielles) rend cet exercice très complexe, d’autant plus lorsque les prix augmentent très fort comme cela a été le cas pour les cotations boursières pendant le mois d’août 2022. Cette augmentation s’est répercutée sur les fiches tarifaires de septembre pour les contrats indexés mensuellement (comme nous l’avons dit plus haut, à défaut de connaître les cotations boursières qui ne seront connues qu’en fin de mois, les fournisseurs utilisent celle du mois précédent pour calculer leurs prix, mais qui sont indicatifs). Donc le prix du kWh de ce type de contrat a très fort augmenté en septembre. Par exemple, en septembre le prix du kWh de gaz du contrat FLOW d’Engie était de 25,4 centimes/kWh.

En revanche, les contrats indexés trimestriellement n’ont pas répercuté cette augmentation sur leurs fiches tarifaires, puisqu’ils utilisent la moyenne des cotations du trimestre passé. Dans ce cas-là, la moyenne du trimestre passé, le 2ème de l’année, était bien moins élevée. Par exemple, en septembre, le prix du kWh de gaz du contrat BOLT était de 11,39 centimes/kWh, mais cela était un prix indicatif, le prix réel qui sera facturé par le fournisseur au moment du décompte final n’était pas encore connu.

Sans savoir cela, lorsqu’on compare le prix du contrat Flow qui est mensuel avec celui de Bolt qui est trimestriel, on pense que le prix du kWh du contrat Flow est plus de deux fois plus cher. Alors qu’en réalité il n’en est rien. C’est la raison pour laquelle beaucoup d’usagers ont constaté des différences importantes entre les prix des contrats à prix variables en septembre. A l’heure de publier ce dossier (novembre 2022), le problème soulevé ici aurait été résolu pour les nouvelles offres de contrat et le régulateur fédéral (CREG) élabore une proposition pour éviter qu’il se reproduise à l’avenir.

Nicolas Per (CSCE)

Les CPAS au cœur des protections mais trop souvent dépassés

Qu’advient-il de tous ceux et celles qui sont incapables de faire face à leurs factures de gaz et/ou d’électricité, même au tarif social ? Risquent-ils d’être coupés et privés de l’accès à ces biens essentiels du point de vue de la dignité humaine ? Lorsqu’il y avait plus de fournisseurs actifs sur le marché bruxellois, les ménages qui avaient accumulé des dettes chez un fournisseur pouvaient contracter chez un autre. Mais ce système ne fonctionne plus lorsqu’il ne reste que deux fournisseurs commerciaux, sachant qu’un fournisseur a le droit de refuser d’établir un nouveau contrat avec un client qui a déjà une dette auprès de lui. La Région bruxelloise a donc chargé le distributeur, l’intercommunale Sibelga, de jouer le rôle de « fournisseur de dernier ressort » vis-à-vis de ce public, sur injonction des CPAS. Cela signifie donc que la personne coupée ou menacée d’être coupée après avoir accumulé une dette chez deux fournisseurs peut s’adresser au CPAS de la commune où elle réside pour que celui-ci fasse injonction à Sibelga de prendre le relais au niveau de la fourniture de gaz et d’électricité (au tarif social). Et qu’advient-il si le ménage ne paie pas ses factures chez Sibelga ? En principe, le distributeur peut le citer devant le juge de paix et demander une autorisation de coupure. C’est une nouvelle fois vers le CPAS que le ménage devra alors s’adresser pour solliciter une prise en charge de sa dette chez Sibelga. Les CPAS ont reçu, en plus de l’augmentation du fonds énergie fédéral, dix millions d’euros supplémentaires du gouvernement régional. Au total, les CPAS bruxellois ont environ doublé les moyens dont ils disposent en temps normal et ce afin de pouvoir largement aider les ménages en difficulté à faire face à leurs factures d’énergie.

Dessin Manu Scordia
Il n’y a plus moyen de souscrire des contrats à prix fixe et, au mois de septembre, il n’y avait même plus moyen de comparer valablement les offres à prix variable. Dessin Manu Scordia.

En théorie, tout cela est bien beau. Mais qu’en est-il en pratique ? L’accès aux CPAS est trop souvent problématique. Tout d’abord parce que, pour une partie du public, l’institution n’est pas perçue comme un service public comme un autre, chargé de reconnaître et de mettre en œuvre des droits à des aides, mais comme une institution d’assistance. Certains refusent donc de s’y adresser. D’autant que, dans son fonctionnement général, les CPAS n’agissent qu’en dernier ressort et après avoir constaté un état de besoin, après une « enquête sociale » qui n’est pas toujours conçue de façon généreuse, et est parfois liée à des procédures inquisitrices et dégradantes liées au contrôle du budget, des modes de vie ou à la contractualisation de certaines aides. En outre, les budgets fédéraux alimentant le fonds énergie des CPAS ayant naguère été réduits, ceux-ci avaient été incités à adopter des politiques restrictives en la matière. Certains ménages ont donc par le passé reçu des réponses négatives de CPAS par rapport à leurs demandes d’aides en matière d’énergie. Parfois l’aide octroyée a été liée à un engagement de remboursement, total ou partiel, de celle-ci. Les ménages qui ont vécu ces expériences sont donc peu enclins à repousser les portes de l’institution, même si pour le moment les budgets et les lignes directrices des CPAS ne sont plus les mêmes en la matière. En outre, de nombreux CPAS sont dépassés par les demandes d’interventions sociales auxquelles ils doivent faire face, connaissent un épuisement de leurs équipes et ont des difficultés à recruter. Des actions de grève sont actuellement en cours ou annoncées dans les CPAS. Maxime Nys, Secrétaire régional adjoint CGSP, indiquait récemment à cet égard que « Les travailleurs sont dans un mal-être structurel. Ils ne font plus du travail social, mais du travail à la chaîne et ils sont vraiment dans un mal-être. Ils parlent même d’une violence institutionnelle non seulement envers eux, mais malheureusement aussi envers les citoyens » (3).

De nombreux CPAS sont dépassés par le nombre de demandes d’interventions sociales

La situation varie en fonction de chaque CPAS mais, lorsque les personnes accèdent à la cellule énergie du CPAS, elles sont souvent bien accueillies et le dossier est pris en charge rapidement. Encore faut-il parfois que ces personnes aient fait la file devant l’institution pendant plusieurs heures. Dans certains CPAS, les files commencent avant sept heures du matin et le premier accueil est malheureusement parfois déficient. Soit que le personnel qui s’en charge indique sommairement, à tort, que la personne n’est pas dans les conditions pour avoir une aide, éventuellement sans même lui donner un accusé de réception écrit de sa demande. Soit qu’il l’oriente vers le service médiation de dettes du CPAS, où le délai d’attente pour que la demande soit traitée peut être de six mois. Ailleurs ce sont parfois des délais de deux mois qui sont appliqués pour avoir un rendez-vous… à moins de pouvoir passer par un supérieur hiérarchique…

Pour bénéficier des aides et protections auxquels ils ont droit, les ménages doivent réunir les documents exigés par les lignes de conduite du CPAS (qui varient d’un CPAS à l’autre). Nouvel obstacle. Mais quid des ménages qui n’ont pas conservé les documents ? Quid des mises en demeure qui n’ont pas été reçues ou pas été envoyées ? Il faut alors refaire des démarches, contacter des fournisseurs difficilement accessibles, compléter les dossiers administratifs, etc. Tout cela dans un contexte où les assistants sociaux sont submergés de demandes. Bien souvent, pour les usagers qu’il reçoit, le service Infor Gaz Elec prépare le travail du CPAS, explique la situation, les démarches déjà faites, établit un contact avec sa cellule énergie, etc. Mais il lui est matériellement impossible et il ne rentre pas dans ses missions de développer ce service à grande échelle et de pallier les problèmes d’accueil des CPAS.

Les pansements sociaux qui ont été conçus par les pouvoirs publics et ont été appliqués sur les blessures ouvertes par l’explosion des prix du gaz et de l’électricité ont atténué le coup porté aux pouvoir d’achat des ménages et ont jusqu’ici empêché une explosion des coupures de gaz et d’électricité. Mais pour combien de temps encore ?

(1) Paul Vanlerberghe, « Le grand retrait des fournisseurs d’énergie », Ensemble ! n° 107, mai 2022, p. 6.

(3) Bx1, « Les 19 CPAS bruxellois en grève le 16 novembre, des arrêts de travail prévus dès ce vendredi », 12.10.22

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