droit à l'énergie

Le grand retrait des fournisseurs d’énergie

En juillet 2021, deux fournisseurs, Octa+ et Mega, ont décidé de ne plus faire offre dans la Région de Bruxelles-Capitale. Conséquence : les usagers et le marché bruxellois de l’énergie se voient confrontés à un quasi duopole.

Le prix marginal est fixé sur base du prix (et non du coût) de la dernière centrale nécessaire pour satisfaire la demande.
Le prix marginal est fixé sur base du prix (et non du coût) de la dernière centrale nécessaire pour satisfaire la demande.

Le 12 juillet 2021, ce fut un petit coup de tonnerre lorsque le fournisseur d’énergie Mega annonça qu’il se retirait provisoirement du marché bruxellois de l’énergie pour une durée indéterminée. Cela signifiait que Mega n’allait plus conclure de nouveaux contrats, tout en honorant les contrats existants. Quelques jours plus tard, le 14 juillet, c’était au tour d’Octa+ de se retirer partiellement du marché bruxellois. Même scénario : plus de nouveaux contrats dans la Région bruxelloise mais maintien des contrats déjà conclus.

Les motifs (prétextes?) des deux fournisseurs étaient assez semblables : le cadre régulatoire en Région de Bruxelles-Capitale serait, selon eux, trop restrictif. Le système de protection du client résidentiel serait, toujours selon eux, trop peu efficace. Ils visent en l’espèce l’obligation légale de passer devant le juge de Paix avant de pouvoir résilier le contrat ou couper un point de fourniture. Et ils se plaignent de la longueur que peut prendre cette procédure. Ils clament également qu’il y a un manque d’équilibre dans la répartition de la charge entre les fournisseurs et le gestionnaire du réseau de distribution (GRD). Cela n’est pas un point d’achoppement purement bruxellois, il est mis pareillement sur la table par les fournisseurs dans les trois régions. Les fournisseurs déplorent notamment que les frais de distribution qu’ils facturent aux usagers et qu’ils transfèrent par la suite au GRD (Sibelga), doivent être versés y compris en cas de défaut de paiement. Cela veut dire que les frais de distribution que les fournisseurs n’ont pas perçu des usagers qui ne paient pas, doivent malgré tout être versés par le fournisseur au GRD.

Une seconde secousse

Plus grand coup de tonnerre encore fin décembre 2021, précisément le mercredi 29 décembre, quand Octa+ annonce qu’il se retire complètement du marché bruxellois, qu’il veut faire reprendre tous ses contrats et « vendre » son portefeuille à un autre fournisseur à Bruxelles. En même temps, Octa+ annonce qu’il va en revanche continuer la fourniture dans les deux autres régions. Une info donnée en primeur. Sauf qu’Octa+ a été imprudent et a sorti son annonce trop vite. Car le lendemain, le jeudi 30 décembre, se retrouvent réunis autour de la table : Brugel, le régulateur bruxellois de l’énergie, Sibelga, le gestionnaire du réseau de distribution et Octa+. Entretemps, il est devenu clair que les deux fournisseurs susceptibles de pouvoir reprendre le portefeuille de clients d’Octa+ ne sont pas intéressés par l’offre. Il s’agit de Lampiris, rebaptisée entretemps TotalEnergies, et Engie Electrabel. Chacun a ses propres raisons de ne pas accepter la proposition d’Octa+. Pour TotalEnergies il s’agit d’un portefeuille dérisoire (1,5 à 2,5 % des usagers en Région de Bruxelles-Capitale) comparé à celui qu’il entretient lui-même à Bruxelles (17,5 %). Donc l’opération ne changerait pas fondamentalement sa position, mais entraînerait beaucoup de travail administratif. Pour Engie Electrabel, l’équation est encore plus simple. Comme Engie est le fournisseur par défaut à Bruxelles, il est déjà obligé par la loi de reprendre la clientèle de tout fournisseur qui quitterait la scène. Donc Engie Electrabel ne doit strictement rien faire pour obtenir in fine ce portefeuille.

Les coûts pour produire de l’électricité à partir d’une éolienne ou des panneaux photovoltaïques n’ont pas fort changé.
Les coûts pour produire de l’électricité à partir d’une éolienne ou des panneaux photovoltaïques n’ont pas fort changé.

Lors de la réunion du jeudi 30 décembre, les positions deviennent claires : Octa+ déclare être incapable de payer les frais de distribution qu’elle doit à Sibelga. Sibelga décide de retirer l’accès au réseau d’Octa+. Brugel décide en conséquence de retirer à Octa+ sa licence de fourniture et, suivant en cela la régulation légale, stipule que tous les clients d’Octa+ seront fournis à partir du 1er janvier 2022 par Engie Electrabel. Un communiqué de presse sommaire est rendu public. Le site web de Brugel annonce les mesures prises, accompagné d’une « Foire aux Questions » (FAQ) sur les sites web d’Octa+ et de Sibelga.

Des points d’interrogation

La procédure suivie le 30 décembre pose des questions qui sont restées sans réponse. Tout d’abord, comment un fournisseur – qui ne fait pas faillite, ni ne dépose son bilan – peut-il quitter la scène comme ça, résilier tous ses contrats, avec l’aval du régulateur et du gestionnaire de réseau de distribution ? En annonçant en même temps qu’il va bel et bien continuer ses opérations comme si de rien n’était dans les deux autres régions ? Comment un fournisseur peut-il déclarer ne plus pouvoir payer son dû au GRD à Bruxelles, alors qu’il continue sans broncher de le régler aux distributeurs en Wallonie et en Flandre ? Autre question : la procédure légale pour retirer l’accès au réseau a-t-elle été respectée ? Cette procédure prescrit que le GRD (Sibelga) doit avertir par lettre recommandée le fournisseur qui fait défaut aux conditions d’accès au réseau (en réalité défaut de payer au GRD les frais de distribution qu’il lui doit). La procédure légale précise qu’après cette lettre recommandée, le fournisseur a un mois pour s’expliquer ou régulariser la situation. Ce n’est qu’après ce délai d’un mois que l’accès au réseau peut lui être retiré. Les participants à la réunion du 30 décembre n’ont pas donné d’indication que cette procédure avait bel et bien été respectée. Nous avons interrogé Sibelga et Octa+, sans obtenir de réponses. Le régulateur Brugel, en revanche, a clairement expliqué qu’il avait été estimé qu’il y avait urgence et que là résidait la clé des décisions de décembre.

Et les consommateurs dans tout cela ?

Les effets pour les consommateurs à Bruxelles se situent à deux niveaux. D’une part, le nombre de fournisseurs effectifs et accessibles à tous les consommateurs est dorénavant réduit à deux. On parle dans ce cas d’un duopole. Cela est-il néfaste pour les prix ? Pas à première vue, car les prix offerts à Bruxelles ne sont pas sensiblement plus hauts que les prix dans les autres régions. Les rares moments où ils ont été plus chers dans le passé, c’était du fait de certains fournisseurs à bas prix dans les autres régions, comme par exemple le Vlaamse Energie Leverancier, qui a fait faillite depuis. D’autre part, cela a un impact à un autre niveau, notamment quand le consommateur est déjà endetté chez les deux fournisseurs qui subsistent. Dans cette situation, le consommateur n’a plus aucun choix pour obtenir un contrat, car le fournisseur chez lequel il a une dette n’est pas obligé de reprendre ce consommateur. La nouvelle ordonnance de l’électricité (et l’ordonnance sœur du gaz), votée(s) le 11 mars 2022, prévoi(en)t dans ces cas une fourniture garantie par Sibelga, sur demande du CPAS. La nouvelle ordonnance prévoit aussi un basculement vers le statut de client protégé plus facile et plus rapide en cas de défaut de paiement. (Lire l’article).

Une catastrophe pour certains

L’effet du retrait total d’Octa+ est bien plus dramatique pour les 17.000 consommateurs qui en étaient clients. A nouveau, il y a deux niveaux d’impact pour ces consommateurs. Les clients se voient transférés vers Engie Electrabel avec le contrat par défaut qui s’appelle maintenant Easy variable. Ils se voient donc appliquer un contrat à prix variable et beaucoup plus cher que le contrat qu’ils avaient conclu chez Octa+. Les dégâts sont d’autant plus considérables pour les clients d’Octa+ qui avaient un contrat à prix fixe, et qui était peut-être valable pour encore un an ou même plus. Ces clients perdent toute protection contre la hausse des prix, alors même qu’ils s’en étaient dotés, et retombent subitement dans un contrat à prix variable et beaucoup plus cher. Cette suppression unilatérale des droits contractuels de certains consommateurs jette encore une fois la lumière sur la légalité , ou le manque de légalité, des décisions du 30 décembre, prises par le régulateur Brugel et Sibelga, d’ouvrir la porte à la sortie sans conditions d’Octa+. A fortiori en tenant compte qu’Octa+ continue sans rechigner à fournir ses clients en Flandre et en Wallonie.

Bruxelles-Capitale et au-delà !

Les fournisseurs, représentés par la FEBEG (Fédération belge des entreprises électriques et gazières), avancent les mêmes doléances dans les trois régions, à savoir que, selon eux :
* les contrats à prix fixe, non résiliables par le fournisseur, mais résiliables par le consommateur avec un préavis d’un mois, ne peuvent être soutenus dans les circonstances actuelles. Ils réclament une équité des deux parties au sens que la non-résiliabilité devrait aussi être appliquée de la part du consommateur. Cette exigence s’applique spécifiquement à la Région bruxelloise, où le contrat est d’office un contrat de trois ans.
* les retards de paiement et les défauts de paiement mettent en cause la liquidité des fournisseurs alors qu’ils doivent quand même payer les frais de distribution aux GRD.
* le préfinancement du tarif social, qu’ils contestent de longue date mais qui est aggravé par la crise des prix de l’électricité et du gaz. (Lire l’encadré.)

On le voit, les revendications de la FEBEG ne concernent pas uniquement la Région bruxelloise, de même que le retrait de fournisseurs n’est pas un phénomène spécifique à Bruxelles. Dès avant le grand boum d’Octa+ fin décembre, il y avait eu des remous en Flandre et en Wallonie. En novembre, le Vlaamse Energie Leverancier, fournisseur apparu il y a quelques années seulement et réputé pour être le moins cher de Flandre, fait brusquement faillite. 170.000 clients perdent instantanément leur fournisseur et restent sans contrat. Ils sont renvoyés vers le fournisseur de dernier ressort qui est en Flandre le gestionnaire de réseau de distribution – Fluvius – à des tarifs exorbitants. Ces dupés sont priés de trouver dans les deux mois un fournisseur commercial. C’était encore possible en décembre, mais c’est devenu bien plus difficile sinon impossible à partir de janvier. Plusieurs fournisseurs annoncent qu’ils ne peuvent plus accepter de nouveaux clients. Et ils n’offrent plus de contrats à prix fixe. Le législateur flamand, contraint par la réalité des choses, a depuis étendu de deux à douze mois le délai donné aux usagers résidentiels pour trouver un fournisseur commercial. Le petit fournisseur flamand Watz s’est vu retirer l’accès au réseau à Bruxelles et en Wallonie en décembre, puis, quelques mois plus tard, a déposé son bilan. L’effet sur le marché de Bruxelles fut limité car Watz fournissait seulement quarante-trois clients professionnels en gaz. La régulation à Bruxelles stipule que les clients tombés sans fournisseur disposent de vingt-cinq jours pour se trouver un contrat avec un autre fournisseur, faute de quoi ils sont fournis par le fournisseur par défaut qui est à Bruxelles Engie Electrabel.

De nouvelles défections

Début mars 2022 survient le retrait – pas une faillite ou un dépôt de bilan – d’AECO, mieux connue comme la coopérative Energie2030, des marchés de Bruxelles-Capitale et de Wallonie. Il s’agit d’un retrait de l’accès au réseau suivi par le retrait de la licence de fourniture, en Wallonie et à Bruxelles. En Flandre, le régulateur refuse ce retrait en argumentant « qu’il n’y a pas d’éléments matériels justifiant que le fournisseur se retire du marché ». En fait AECO était un label commercial, utilisé depuis 2021, pour commercialiser la production éolienne des coopératives Energie2030 (basées à Raeren près d’Eupen) et Clean Power Europe SCE. Le régulateur flamand, la VREG, soutenu en cela par le gestionnaire de distribution Fluvius, attendra jusqu’au 18 mars pour retirer l’accès au réseau pour la fourniture de gaz, mais n’a pas encore appliqué le retrait pour la fourniture d’électricité. La VREG et Fluvius considèrent que le fournisseur Energie2030 produit lui-même l’énergie renouvelable qu’il offre en fourniture et qu’il n’est donc pas directement mis en difficulté par l’explosion des prix sur les marchés de l’énergie.

Le 2 mars, c’est le fournisseur courtraisien Elexys, qui fournit exclusivement aux entreprises, qui se retire des marchés de Bruxelles et de Wallonie, avec l’aval des régulateurs et des gestionnaires de réseau des dites régions, tout en continuant de fournir en Flandre. Une nouvelle réalité voit donc le jour : des fournisseurs invoquent la hausse des prix pour se retirer dans certaines régions mais pas dans d’autres. Ce mouvement de retrait de fournisseurs provient donc en Flandre de deux faillites, alors qu’en Wallonie et à Bruxelles ce sont des retraits sans faillites. Le phénomène est encore plus répandu aux Pays-Bas et en Grande-Bretagne où des dizaines de fournisseurs ont fait faillite, laissant leur clientèle dans l’incertitude.

La réponse des autorités

La réponse des autorités face aux effets de la crise énergétique s’est traduite surtout par des mesures pour alléger la facture des usagers résidentiels. Une première ristourne de 80 euros a été octroyée aux bénéficiaires du tarif social, puis une réduction de 100 euros pour tous les usagers d’énergie, de gaz, d’électricité mais aussi de mazout de chauffage. La diminution du taux de TVA, qui a suscité bien des débats, a fini par faire l’objet d’un accord. L’élargissement de l’application du tarif social aux bénéficiaires de l’intervention majorée (BIM) a été une mesure majeure qui a été prolongée dans le temps sans devenir jusqu’ici structurelle, ce que les organisations sociales revendiquent pourtant depuis longtemps. Comme précisé par ailleurs (Lire l’encadré), des mesures ont été prises en faveur des fournisseurs qui reçoivent désormais des avances trimestrielles pour rembourser le préfinancement des clients au tarif social. En revanche, certains secteurs industriels qui souffrent manifestement des prix élevés de l’énergie n’ont pour l’instant pas obtenu de soutien spécifique.

La réaction des autorités a donc été de venir au secours des consommateurs par des mécanismes allégeant l’impact sur la facture des redevances et des taxes. C’était évidemment la seule solution qui était possible à court terme. Sauf que, clairement, le problème n’est pas là. La crise des prix ne s’est pas produite à cause de l’impact des redevances et taxes sur la facture, elle s’est manifestée sur les marchés de l’énergie. Dans ce domaine, il y a eu jusqu’à maintenant très peu d’initiatives de la part des autorités, qu’elles soient régionales, fédérales voire européennes. Ni même des pistes de sortie de crise.

Tarif social : la question du préfinancement

Le tarif social est calculé par la CREG (Commission de régulation de l’électricité et du gaz) chaque trimestre conformément aux arrêtés ministériels du 30 mars 2007 tels que modifiés par les arrêtés ministériels du 3 avril 2020.

Les fournisseurs doivent préfinancer la différence entre le prix du tarif social et un prix de référence calculé par la CREG sur la base de la moyenne arithmétique des tarifs commerciaux les plus bas des fournisseurs actifs. Le fournisseur introduit ensuite une demande de remboursement de cette différence. Au terme d’une procédure de contrôle très stricte, la CREG rembourse le fournisseur à la fin de l’année suivant l’année de fourniture, délai dont les fournisseurs se plaignent. Ce remboursement est effectué grâce aux ressources d’un Fonds, alimenté par le produit de la contribution fédérale comprise dans la facture du consommateur.

Vu l’augmentation des prix depuis septembre 2021, la différence entre le prix de référence et le prix du tarif social s’est fortement agrandie. Dès lors, l’enveloppe à préfinancer a connu la même inflation. Cependant, pour évaluer correctement la situation, il faut tenir compte de deux mesures  :
1) l’octroi du tarif social a été étendu aux bénéficiaires de l’intervention majorée (BIM), ce qui a doublé le nombre d’ayants droit à cet avantage ;
2) le gouvernement fédéral a décidé d’alléger le préfinancement par les fournisseurs en payant une avance trimestrielle sur la compensation annuelle.

On peut donc conclure que si le préfinancement a certes augmenté, en raison de la hausse du nombre de bénéficiaires et de l’augmentation des prix, les fournisseurs ont néanmoins obtenu une compensation substantielle du fait de l’avance qui leur a été consentie.

Les marchés de l’énergie

Dans la crise actuelle de l’énergie, on discerne trois dimensions liées :
1) les cotations en bourse d’une partie des marchés de gros depuis 1996, en Belgique principalement depuis 2013, sont devenues déterminantes dans les marchés et surtout dans la fixation du prix pour les consommateurs, résidentiels aussi bien qu’industriels;
2) le clivage entre fournisseurs sans production propre, dépendant des achats sur les bourses, et fournisseurs/producteurs qui trouvent une base stable grâce à leur production propre dans la maison mère;
3) l’abandon progressif des contrats à long terme par certains des gros acteurs du terrain de l’énergie, les petits acteurs ne pouvant même pas y rêver.

Plusieurs gros producteurs d’électricité continuent à produire comme avant la crise des prix (qui a débuté en septembre 2021), avec les mêmes structures de coûts, comme par exemple les producteurs d’énergie nucléaire et les producteurs d’énergie renouvelable. Le coût de l’uranium, d’ailleurs infime dans les coûts de production des centrales nucléaires, a augmenté de 40 euros/livre en 2014 à 56 euros dans les mois passés. Les coûts pour produire de l’électricité à partir d’une éolienne ou des panneaux photovoltaïques n’ont pas fort changé. Le hic, c’est qu’il y a une fraction de la production qui sert les besoins à la marge. Lorsqu’il y a trop de demande, il faut activer les centrales à charbon, ou les centrales à gaz, ou les deux. Et cette petite fraction de la production totale coûte beaucoup plus cher. Or, selon le diktat du système actuel, on fait payer tout le monde, les clients résidentiels et les secteurs industriels qui n’ont pas de contrat particulier avec un fournisseur ou avec un producteur, au prix de cette production marginale très chère. C’est là que le bât blesse. C’est le combat entre deux systèmes : d’une part la fixation du prix sur base du prix (et non du coût) de la dernière centrale activée, ce qu’on appelle le prix marginal, système qui est en vogue depuis la libéralisation, et d’autre part la fixation du prix basée sur le coût moyen d’approvisionnement d’un fournisseur, système qui a prévalu dans les décennies avant la libéralisation.
Les premières voix qui ont plaidé pour une refonte complète du système de fixation des prix, ont émané des associations sociales de défense des intérêts des usagers de l’énergie. Mais, récemment, des pays comme la France, l’Espagne et le Portugal ont proposé au Conseil des ministres de l’Energie de l’Union européenne de refondre le système. Ils ont été bloqués par d’autres pays, notamment les Pays-Bas et l’Allemagne, mais aussi la Belgique. Ils n’ont obtenu que des promesses de faire étudier par la Commission européenne les alternatives possibles.

Les fournisseurs qui ne sont pas aussi producteurs sont totalement vulnérables quand une crise des prix se produit

Une deuxième tendance, notamment l’abandon ou la diminution des contrats à long terme, représente un axe important de la volatilité de prix sur les marchés européens. Un contrat à long terme garantit une assurance d’approvisionnement pour l’acheteur, ainsi qu’une prévision à long terme sur le prix de cet approvisionnement. C’était la norme dans les décennies passées. Seulement le modèle de marché basé sur des bourses qui vendent/achètent sur base de cotations journalières, rendait la base constante de ces contrats à long terme incertaine. Le « hedging » (pratique de couvrir en bourse ses engagements de vente comme d’achat) est devenu le credo de ce monde de l’énergie qui se voit obligé de répondre en permanence aux exigences financières du jour.

Il y a fournisseur et fournisseur

Et finalement, il y a deux catégories de fournisseurs. Durant des années après la « libéralisation », on a complètement occulté cette réalité. Tout d’abord, il y a des fournisseurs qui sont à la fois fournisseurs et producteurs. Un exemple pratique suffit pour l’expliquer. Luminus, fournisseur en Belgique, mais qui exploite aussi quelques parts de centrales nucléaires et des centrales classiques à gaz, et qui est en plus une succursale totale d’« Électricité de France », trouve l’énergie à fournir auprès de sa maison mère, et n’a pas besoin de se tourner vers les bourses de l’ énergie. Il en va de même pour Engie Electrabel, qui fait entièrement partie d’Engie qui produit la majorité de l’électricité nucléaire en Belgique. Engie Electrabel doit donc seulement accessoirement s’approvisionner sur les bourses de l’énergie.

A l’inverse, il y a les fournisseurs « simples », ceux qui ne produisent rien, mais qui achètent sur les bourses (ou qui ont des contrats de gré à gré avec un grand producteur) et qui vendent aux clients. Ces fournisseurs sont totalement vulnérables quand une crise de prix se produit comme on la connaît en cette période. Ce qui se passe actuellement dans le marché le prouve amplement : ce sont ces fournisseurs qui font faillite en ce moment, aussi bien en Flandre, qu’aux Pays-Bas ou au Royaume-uni.

Il est évidement nécessaire que les autorités fassent le maximum pour protéger les usagers résidentiels et certains secteurs industriels contre les factures d’énergie insupportables. Mais il faut considérer avec la même insistance une refonte de la manière dont fonctionnent les marchés de gros (dont les bourses font partie mais qui ne représentent pas les marchés de gros en soi). Et il faut mettre en question un système qui fait l’amalgame entre fournisseurs sans production et fournisseurs liés à un producteur « de leur famille ».

Partager cet article

Facebook
Twitter