dossier élections 2024

Faire primer les politiques sociales et écologiques au niveau de l’UE

2024 : nos priorités, leurs programmes. Les six partis francophones se sont positionnés par rapport à nos propositions en matière de politique européenne.

Votre parti est-il prêt à… Ci-dessous les réponses des six partis francophones à une sélection de propositions qui nous paraissent pertinentes pour enrayer la casse sociale et écologique organisée par les politiques néolibérales de l’UE.

1. Mettre fin au pacte de stabilité et de croissance et abroger les règles budgétaires des 3 % de déficit et des 60 % de dette, modifier les missions et les statuts de la BCE pour lui permettre de prêter directement aux États et la placer sous contrôle démocratique pour en faire un outil politique au service de l’intérêt général avec des objectifs écologiques et sociaux et non plus axés uniquement sur la maîtrise de l’inflation.

PS : Le PS s’est opposé à la modification du pacte de stabilité et de croissance. En plus de maintenir les règles budgétaires des 3% de déficit et de 60% de dette, ce pacte est problématique en ce qu’il n’immunise pas véritablement l’ensemble des investissements nécessaires pour la réalisation d’une transition juste et des dépenses sociales. Le PS soutient également la nécessité de placer sous contrôle démocratique la BCE, et de mieux intégrer la transition climatique dans les missions de celle-ci. De manière plus globale, il est nécessaire de mettre la réglementation bancaire au service de la transition écologique.

MR : Le MR n’est pas d’accord avec ces propositions. Un budget financier sain et solide est un prérequis à la poursuite de l’unité de l’Europe et de sa capacité d’aide, ainsi qu’à la réalisation de ses politiques internes comme externes.

Ecolo : Oui, notre parti se bat pour réformer le pacte de stabilité et de croissance, notamment en instaurant un traitement préférentiel pour les investissements liés à la transition écologique et solidaire et en abrogeant les normes numériques de réduction de la dette. Nous souhaitons par ailleurs verdir et démocratiser la BCE en inscrivant la lutte contre le réchauffement climatique dans son mandat, en conditionnant le refinancement des banques à ce qu’elles font pour la transition écologique (dual interest rates) et en prônant le transfert direct et non remboursable de monnaie centrale aux États pour autant que celle-ci soit affectée à des investissements dans la transition écologique. (1)

PTB : Nous nous opposons aux anciennes et aux nouvelles règles budgétaires européennes. En Europe, nous pourrions faire beaucoup plus ensemble. Mais pour relever nos grands défis structurels, nous avons besoin d’une Europe radicalement différente. Nous voulons des plans d’investissement public. Malheureusement, les traités européens ont enfermé les États membres dans une logique d’austérité. Il faut rompre avec cette logique. Nous voulons des services publics de qualité et un programme climatique ambitieux. Nous voulons une Europe où les citoyens décident vraiment et où les travailleurs sont protégés du dumping social.

Nous utilisons les fonds européens à des fins sociales et environnementales et refusons l’expansion d’une économie de guerre. Il n’est plus acceptable que la principale institution monétaire de la zone euro soit presque totalement détachée de tout contrôle démocratique. Cette institution se range invariablement du côté des grands groupes de capitaux, plutôt que du côté des citoyens européens. Nous avons besoin d’une politique totalement transparente et démocratique qui puisse fournir les fonds nécessaires pour rendre enfin possibles les investissements sociaux dont nous avons tant besoin.

Les Engagés : Nous voulons réviser d’urgence le Pacte de stabilité européen pour distinguer les déficits liés à des dépenses d’investissement et ceux liés à des dépenses de consommation, et adapter les règles budgétaires à la spécificité des dépenses d’investissement. Nous souhaitons modifier les critères pris en compte au niveau européen, plutôt que d’abroger les règles existantes.

DéFI : Non: une maîtrise des déficits et des dettes reste nécessaire, mais l’objectif de 60% est irréaliste et l’objectif de déficit doit exclure les dépenses d’investissements.

2. Supprimer les possibilités de détachement intra-européen de travailleurs. Refuser tout élargissement de l’UE à des pays dont le PIB/habitant est inférieur à la moyenne européenne.

PS : Le PS souhaite limiter la période de détachement classique en Belgique à six mois, soumettre les entreprises faisant appel à des travailleurs détachés à l’ensemble des conditions de travail applicables en Belgique et prévoir le paiement des cotisations de Sécurité sociale dans le pays de détachement.

MR : La liberté de circulation des travailleurs fait partie des acquis européens. Il importe cependant de continuer à lutter contre le dumping social. En matière d’élargissement, le respect des critères d’adhésion reste une condition sine qua non pour que tous les pays candidats progressent sur la voie de l’adhésion. […]. Il est essentiel de soutenir le développement de ces pays afin qu’ils puissent obtenir le statut de candidat, stabiliser la région, favoriser l’intégration et contrer les efforts néfastes de la Russie et de la Chine. L’élargissement de l’Union européenne serait ainsi bénéfique d’un point de vue politique, économique et sécuritaire.

Ecolo : Notre parti soutient le processus d’adhésion et d’intégration des pays candidats à l’adhésion de l’UE. Toutefois, cette adhésion doit se faire moyennant le respect des critères d’adhésion et d’intégration, notamment économiques. Ces derniers requièrent du pays candidat une stabilité économique et la capacité à faire face à la pression concurrentielle du marché unique de l’UE. Ce critère nous semble plus englobant et pérenne comme boussole pour accepter/refuser l’élargissement, que le critère du PIB/habitant. Pour notre parti, il est surtout fondamental de prévenir le dumping social intra-européen.

PTB : Le dumping social est très répandu en Europe. Le secteur de la construction importe de la main-d’œuvre temporaire bon marché pour faire baisser les salaires. Des entreprises comme Ryanair abusent ouvertement des libertés économiques européennes pour saper les systèmes sociaux. Cela va à l’encontre du progrès que la coopération européenne devrait apporter. C’est pourquoi nous introduisons le principe de non-régression : seules les mesures garantissant des progrès sociaux, démocratiques et environnementaux seront acceptées. Les meilleures pratiques suivent, pas les pires. Cela commence par un salaire égal pour un travail égal. Le salaire et le taux de cotisations sociales qui s’appliquent sont ceux du pays où le travailleur travaille : la fameuse « lex loci laboris ». (2) […]

L’Agence européenne pour l’emploi et les inspections nationales doivent être dotées de ressources suffisantes à cette fin. Un contrôle strict par une inspection sociale forte sera une priorité dans chaque État membre européen : dans les pays d’origine et dans les pays où le travail est effectué. L’inspection sociale impliquera structurellement les syndicats dans ce contrôle. En cas d’infraction, des sanctions strictes seront imposées pour faire comprendre que l’exploitation et le dumping social sur les chantiers de construction ne seront plus tolérés. Nous allons également élargir les possibilités pour les syndicats de contrôler la sécurité et les conditions de travail sur les chantiers de construction. Actuellement, les représentants des travailleurs au sein des comités d’entreprise ne peuvent pas poser de questions sur les travailleurs sous-traitants. Les délégués voient et entendent ce qui se passe sur les chantiers, mais ne sont pas autorisés à dénoncer les abus. Cela doit changer.

Les Engagés : Nous ne cherchons pas explicitement à supprimer les possibilités de détachement intra-européen de travailleurs ni à refuser l’élargissement de l’UE sur la base du critère du PIB/habitant. Cependant, nous envisageons de retirer ou de geler le statut d’État candidat aux États qui régressent dans le respect des critères de Copenhague, notamment en matière de respect des droits fondamentaux ou d’État de droit. Nous souhaitons également un renforcement des contrôles et des sanctions en cas de dumping social.

DéFI : Non.

3. Utiliser le droit de veto de la Belgique et des régions, par exemple pour refuser tout nouvel accord de libre-échange et tout nouvel élargissement sans harmonisation sociale, fiscale et environnementale à la hausse préalable au niveau de l’UE.

PS : Le PS propose de conditionner la ratification des accords de commerce à la présence de normes sociales et environnementales contraignantes assorties d’un mécanisme de sanction. Concernant l’élargissement, il doit aller de pair avec un approfondissement au niveau politique et social pour garantir l’application de règles du jeu équitables et le respect de hauts standards sociaux.

MR : Le MR plaide pour que des processus d’arbitrage adéquats puissent être introduits dans notre système politique afin que le pays puisse parler d’une seule voix et que l’on puisse trancher en cas de conflit entre entités. En matière de libre échange, le MR veut poursuivre la négociation et la signature de traités internationaux permettant de baisser les barrières douanières et les obstacles tarifaires. La Belgique doit rester une économie libre et ouverte. Cela ne peut cependant se faire que s’ils n’ont pas d’impact sur nos secteurs les plus fragiles comme l’industrie ou l’agriculture et à la condition que nos standards sanitaires, environnementaux et sociaux soient respectés. Ainsi, en matière d’agriculture, nous plaidons pour l’instauration de clauses-miroirs dans tous les accords de libre-échange. Il n’est pas normal que nos agriculteurs soient soumis à des normes sociales et environnementales très élevées et que les pays qui importent en soient exemptés. A défaut de pouvoir contrôler effectivement la traçabilité et la provenance des produits, il faut s’abstenir d’intégrer l’agriculture dans les accords de libre-échange.

Ecolo : Notre parti milite pour mobiliser la politique commerciale européenne comme levier pour entraîner nos partenaires commerciaux dans une transition écologique et solidaire. Ainsi, les accords commerciaux doivent s’inscrire dans une perspective de respect et de bonne mise en œuvre des traités environnementaux et climatiques et des conventions pertinentes de l’Organisation internationale du Travail. Plus généralement, nous sommes en faveur de relations internationales fondées sur le respect et la promotion des droits humains et prenant comme boussole les Objectifs de développement durable (ODD). Très concrètement, le texte du traité Mercosur ne contribuerait pas, selon nous et sur la base d’une multitude d’analyses, à la réalisation de ces Objectifs. Ainsi, nous ne pouvons soutenir l’accord en l’état actuel. Sans évolutions substantielles, nous nous y opposerons tant au niveau européen que national.

PTB : Notre programme ne préconise pas l’élargissement de l’UE. D’autres questions, comme la lutte contre le dumping social, sont prioritaires. Nous voulons revenir sur les accords de libre-échange concernant les produits agricoles et alimentaires, tels que l’UE-Mercosur, l’AECG ou le traité avec la Nouvelle-Zélande. Tous les produits doivent répondre aux mêmes normes sanitaires et environnementales et nous devons défendre le principe de la souveraineté alimentaire. Il va sans dire que le PTB s’opposera à tous les nouveaux accords de libre-échange qui sapent les droits sociaux et la justice au sein de l’UE. Nous pensons que la Belgique devrait utiliser son droit de veto à des moments clés, comme récemment pour bloquer efficacement le nouveau cycle de mesures d’austérité de 27 milliards d’euros.

Les Engagés : Nous refusons de conclure des accords commerciaux sans une évaluation et une publicité effective sur leurs impacts à long terme, en ce qui concerne la sécurité des consommateurs, la sécurité alimentaire, le climat et les droits de l’Homme. Nous plaidons pour une approche prudente et équilibrée vis-à-vis des nouveaux accords de libre-échange, en tenant compte de divers aspects sociaux et environnementaux.

DéFI : Oui.

4. Instaurer des droits de douane supplémentaires selon des critères sociaux et écologiques (les émissions carbone et les pollutions, par exemple) pour éviter les délocalisations et le dumping social ou écologique.

PS : Le PS souhaite protéger les entreprises européennes à travers une taxe carbone aux frontières de l’Union européenne au-delà des secteurs concernés par le mécanisme d’ajustement carbone actuel et favoriser la relocalisation en Europe des productions critiques pour la transition écologique et sociale.

MR : Le MR est favorable à la réindustrialisation de l’Europe et veut promouvoir le « Made in Europe ». A ce titre, nous sommes en faveur de l’inclusion dans le prix des biens et services du coût réel des externalités négatives, notamment environnementales. Il faut accepter de confronter chacun aux conséquences de ses choix de consommation. L’État pourrait ainsi imposer légalement, pour chaque produit vendu, l’obligation de faire connaître la quantité de gaz à effet de serre nécessaire à leur production, leur conservation, leur transport. L’État serait également chargé de réglementer sur cette base, comme il le fait pour la sécurité de la chaîne alimentaire en tenant compte de la composition d’un produit. En ayant la possibilité de prendre connaissance de l’impact climatique d’un produit, le consommateur peut agir en toute conscience.

Ecolo : Notre parti y est tout à fait favorable. Nous plaidons pour la bonne mise en place du mécanisme d’ajustement carbone aux frontières et à son élargissement pour garantir des conditions de concurrence juste par rapport à des produits étrangers aux standards de production sociaux et environnementaux moins exigeants. Nous sommes également favorables à l’instauration d’une taxe aux frontières tenant compte de l’empreinte matières des produits afin d’éviter le dumping social et écologique.

PTB : Il n’y a pas dans notre programme de position concernant les droits de douane supplémentaires selon des critères sociaux et écologiques. Cependant, nous sommes intéressés par votre position et serions heureux d’en discuter.

Les Engagés : Nous soutenons l’idée de repenser le mécanisme d’ajustement aux frontières de l’Union européenne pour garantir que les biens importés respectent des normes sociales, environnementales, sanitaires et de bien-être animal similaire à celles appliquées aux biens produits en Europe.

DéFI : Oui.

(1) Le double taux d’intérêt fait référence à une politique mise en œuvre par les banques centrales qui vise à influencer les taux de prêt indépendamment des taux de dépôt afin de stimuler l’activité économique.

(2) Le principe établi par les textes européens est lex loci laboris : la législation applicable est celle du pays d’emploi. Ce principe est commun aux textes se rapportant au droit du travail et au droit de la Sécurité sociale.

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