digitalisation

Numérisation des services publics : l’envers du décor

Depuis plusieurs années, le GSARA a entamé une réflexion et des actions sur les enjeux numériques. Après s’être intéressée à la question du télétravail en 2020 et de la fracture numérique en 2021, sa nouvelle campagne s’intitule « Numérisation des services publics : l’envers du décor ». La numérisation accélérée des services publics et d’intérêt général ne donne lieu à aucun débat public. Pire, il y a une absence quasi totale de prise en compte du corps social dans ce déploiement. Rarement voire jamais n’est questionné, en amont, le choix ou la pertinence de la numérisation de tel ou tel service.

La numérisation est toujours présentée comme une facilitation de la vie du citoyen. Bien souvent pourtant, il en voit les effets contraires : des démarches plus compliquées, selon un formatage qui ne correspond ni à ses besoins, ni à ses capacités. A cet égard, s’il s’agit de lui permettre de développer ces dernières, la campagne précédente, portant sur les inégalités socionumériques, a montré les limites de la chose.

Le second argument est l’économie de coût réalisé. Or, face à la fermeture des guichets, souvent ce sont d’autres acteurs de première ligne qui reprennent le relais de l’accompagnement, quand celui-ci n’est pas le fait de canaux encore plus informels, plus invisibles encore. Ce sont eux, secteur associatif, proches, familles, qui, face à la déshérence de l’État, permettent encore à la machine de tenir. Parmi ces acteurs de première ligne, toute une série de métiers, de natures différentes, des assistants sociaux aux animateurs des espaces publics numériques (EPN) en passant par les informaticiens publics. En plus d’être le plus souvent relégués à entreprendre des démarches administratives « à la place de », ils sont aussi de plus en plus souvent assujettis à un financement via des appels à projets. Au sentiment de déclassement professionnel s’ajoute alors une précarisation de leur statut qui rend d’autant plus fragile leur propre situation. Dans un même mouvement sont liées précarisations individuelles et associatives. Se pose alors la question de savoir si les économies faites à un endroit ne sont pas sources d’un déficit finalement plus grand encore.

Si les politiques prescriptrices de la numérisation continuent d’associer progrès social et progrès technique, il s’agit de rendre enfin visible ses effets sur le terrain, où les cas de non-recours aux droits fondamentaux sont de plus en plus nombreux. Le paradoxe est de plus en plus criant. En même temps que l’écart continue de se creuser entre les modalités actuelles de la numérisation du social d’un côté, et les réalités de terrain de l’autre, où l’on note sans ambiguïté possible un accroissement des inégalités sociales, les politiques de numérisation continuent malgré tout d’accélérer dans le même sens. C’est pourquoi le GSARA a voulu les analyser au plus près afin de mettre en lumière cet écart.

D’abord en interviewant Périne Brotcorne, co-autrice du Baromètre de l’inclusion numérique et co-autrice d’études sur les modalités de la numérisation au sein des services d’intérêt général. En enquêtant ensuite sur les conséquences sur le terrain en suivant le travail de deux animateurs d’EPN, ce qui a donné lieu à un podcast. Enfin, le GSARA a organisé une série d’ateliers intitulés « Reprendre la main face à la digitalisation du monde », qui ont réuni de nombreux collectifs, associations, citoyens et universitaires, et qui ont permis, entre autres, de mesurer l’étendue des constats que chacun voit et vit localement.

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