Forem

Faire une pause et améliorer le Forem

En pleine crise économique, les chômeurs.euses wallons n’ont pas à subir une réforme bâclée et dangereuse. Il est urgent de remettre le projet à plat pour améliorer le Forem de façon concertée.

A lire différentes contributions reprises dans ce dossier (lire p. 106, 110, 113), il est manifeste que l’avant-projet de décret « relatif à l’accompagnement orienté coaching et solutions des chercheurs d’emploi » ne bénéficie à ce stade ni d’un soutien des organisations syndicales ni de certains partenaires importants du Forem, comme l’Interfédé et le secteur des Centres d’insertion socioprofessionnelle. Du moins dans la version actuelle de cet avant-projet, tel qu’adopté en seconde lecture par le gouvernement wallon le 12 novembre 2020. En outre, une partie importante du personnel du Forem est opposée au projet de réforme, comme en témoignent non seulement les travailleurs que nous avons interviewés mais également l’avis négatif rendu sur le projet par la CGSP-Forem lorsque celui-ci a été requis au sein du Comité intermédiaire de concertation en décembre 2019.
A l’analyse, il apparaît que ce projet de réforme a été initié par la direction du Forem lorsqu’elle travaillait sous le responsabilité de Pierre-Yves Jeholet (MR), ministre de l’Emploi sous la législature précédente. Par la suite, il a été quasi imposé par cette direction au gouvernement actuel, puisque la direction du Forem avait déjà fait l’annonce de la réforme à l’ensemble du personnel fin juin 2019, à un moment où la nouvelle majorité gouvernementale wallonne n’était pas encore formée (lire p. 66).

Un empowerment... du Forem

Par la suite, l’adoption du projet de décret en première (juin 2020) et seconde lecture (novembre 2020) ont été faites avec un niveau de concertation des acteurs concernés extrêmement réduit (les instances de concertation on dû travailler pendant les vacances) et dans le contexte d’un débat public totalement inexistant. Cette précipitation a été justifiée par la volonté affichée par la ministre de l’Emploi d’une mise en place de la réforme dès janvier 2021. Cette hâte ayant elle-même reçu une pseudo-justification dans le souhait exprimé par la personne qui gérait le dossier à titre principal au sein du cabinet de la ministre de l’Emploi (Mme Raymonde Yerna) de boucler le projet de réforme avant de quitter cette fonction. Celle-ci ayant été nommée par le gouvernement en qualité d’administratrice générale de l’IFAPME, avec une prise de fonction au 1er décembre 2020. Finalement, l’avant-projet de décret adopté en seconde lecture a lui-même prévu de remettre au gouvernement la possibilité de fixer le rythme de l’application de la réforme, avec pour toute balise prévue une application intégrale pour décembre 2022. Ce climat de pseudo-urgence créé autour de l’adoption du texte s’est donc révélé être un prétexte grossier (le Forem n’aurait d’ailleurs jamais été prêt pour restructurer complètement son organisation en un délai aussi court) pour réduire au minimum les concertations préalables. D’un certain point de vue, cette mise sous pression s’est révélée payante pour les promoteurs du projet. Un avis favorable a été obtenu de la part des interlocuteurs sociaux au sein du CESE -W (mais dont la ministre a fait l’erreur de ne pas prendre en compte les demandes dont il était assorti) et le projet a également été approuvé de façon expresse par les partenaires de la majorité gouvernementale.

La concertation a été extrêmement réduite

Toutefois, Plutarque raconte que Pyrrhus, roi d’Épire, répondit à quelqu’un qui célébrait sa victoire, lors de la bataille d’Héraclée (280 av. J.-C.), que « encore une victoire comme celle-là et je serais complètement défait », car il y avait perdu une grande partie des forces qu’il avait amenées… L’adoption de l’avant-projet de décret réformant le Forem en seconde lecture arrachée par la ministre de l’Emploi pourrait être de cet ordre, tant le texte dont elle est la signataire est d’une qualité exécrable. Le manque de réflexion et de concertation qui a entouré son élaboration a abouti à ce résultat : un projet législatif qui n’a été écrit que par la direction du Forem et ne vise qu’ à servir ce que celle-ci considère comme ses objectifs. C’est-à-dire à remodeler le Forem selon les termes du paradigme de l’État social actif et à le rendre puissant, tout d’abord en lui permettant de développer une énorme base de données sur les demandeurs d’emploi et une série d’instruments informatiques de gestion de ces informations, ensuite en lui donnant une autorité renforcée sur son « environnement », qu’il s’agisse des demandeurs d’emploi ou des partenaires. On aurait espéré un projet de décret favorisant l’empowerment des demandeurs d’emploi wallons, entendu comme le développement de leur capacité à agir sur les conditions sociales, économiques, politiques ou écologiques auxquelles ils sont confrontés. En l’état, le projet de décret servirait surtout l’empowerment de la direction du Forem.

Une préparation bâclée

Outre sa concertation bâclée, le manque d’étude préalable du projet de réforme est son péché originel. Interrogée sur cette question, la ministre nous a tenté de nous prouver le contraire en évoquant (lire p. 94) l’existence d’analyses internes du Forem (mais sans faire référence au moindre document précis, et encore mois à un document public), l’étude de l’ULB-Dulbea « d’évaluation du dispositif de contrôle de la disponibilité des chômeurs, tel que mis en œuvre au sein du Forem » (juin 2019) (1), le rapport de la Cour des comptes sur « la mise au travail des demandeurs d’emploi par le Forem » de mars 2000 (que nous évoquions dans l’article que nous avons publié sur ce sujet en octobre)(2) ainsi que la réalisation en cours « d’une analyse d’impact de la digitalisation sur les droits des demandeurs d’emploi ». Nous ne connaissons pas les analyses internes du Forem à laquelle la ministre fait allusion, puisqu’elles ne sont ni précisément désignées ni publiques, mais pour ce qui concerne l’étude de l’ULB-Dulbea commandée par le Forem, elle est loin d’étudier en détail l’impact de la réforme proposée et encore moins d’en suggérer l’adoption. En effet, les conclusions de ce rapport se limitent en la matière à prôner un « approfondissement opérationnel » des articulations « conseil/contrôle » tout en signalant qu’il pourrait être intéressant de « tester/évaluer, dans le cadre d’un projet pilote développé au sein de l’une de ses Directions territoriales ou sous-régions, la mise en œuvre d’une autre forme organisationnelle possible pour les activités liées à l’accompagnement et au contrôle ». Et l’ULB-Dulbea de relever que ce projet pilote pourrait arriver « à la conclusion que l’implémentation du nouveau modèle organisationnel testé n’est pas judicieuse au sein du Forem » (3). Quant au rapport de la Cour des comptes, qui n’est pas plus que celui de l’ULB-Dulbea une étude de la mise en place de ce projet de réforme, il se bornait quant à lui à recommander en la matière «d’améliorer le coordination des fonctions d’accompagnement et de contrôle et, si nécessaire, ajuster le plan d’action sur base des recommandations formulées par les évaluateurs » (4). Enfin, concernant la digitalisation, l’étude d’impact commandée ne porte, selon la note de la ministre au gouvernement, que sur « la protection des données, telle que prévue par l’article 35.1 du Règlement général sur la protection des données (RGPD)». Il ne s’agit donc que d’une étude préalable ponctuelle (dont l’obligation a été rappelée au gouvernement par l’Autorité de protection des données) qui ne vise que l’aspect « vie privée » et en particulier « concernant les aspects sensibles des traitements encadrés (utilisation d’outil d’intelligence artificielle dans le cadre de prise de décision administrative à l’encontre des usagers du Forem…) » (5). Quoi qu’en dise la ministre, il n’y a donc pas eu de véritables études d’impact préalables du projet de réforme. Le Forem a bien fait appel, en mars 2020, à une grande entreprise multinationale de consultance (Capgemini, pour un coût supérieur à un million d’euros…) mais seulement « afin de bénéficier d’un appui externe et expérimenté dans le cadre de la mise en œuvre de l’accompagnement adapté au sein du Forem » (6). Cette consultance ne porte donc que sur la mise en place de la réforme et non sur sa conception elle-même.

Un projet dangereux pour les demandeurs d’emploi

Faute d’une véritable concertation préalable avec l’ensemble des « parties prenantes », les intérêts de celles-ci (et singulièrement ceux des demandeurs d’emploi) sont malmenés par ce projet, au profit de ceux fixés par la direction du Forem. Faute d’une véritable étude d’impact préalable de la réforme, la ministre se trouve dans l’incapacité de tenir un discours clair et cohérent sur les objectifs du projet qu’elle porte (ceux-ci n’ont apparemment jamais été identifiés de manière détaillée ni examinés en rapport avec les moyens prévus pour les atteindre) (lire p. XX et XX). Elle est incapable d’expliquer quels sont les résultats précis attendus de la mise en œuvre de sa réforme (nombre et type d’accompagnements effectués, nombre et type de sanctions, etc.) ni quels sont les moyens (cadre de personnel) dont devrait disposer le Forem pour que le projet puisse être mis en place dans de bonnes conditions. Elle ne dispose pas non plus d’une évaluation des moyens à prévoir pour permettre aux partenaires du Forem de répondre à la demande de « solutions » et d’aides générée par la réforme. De même, la ministre est incapable d’anticiper les effets de la digitalisation forcenée des relations entre le Forem et les demandeurs d’emploi voulue par la direction du Forem et prévue par l’avant-projet de décret. Elle ne paraît pas non plus avoir aperçu le lien structurel entre le renforcement du cadrage des recherches d’emploi par le Forem, la digitalisation, la constitution d’une méga-base de données sur les demandeurs d’emploi, la multiplication des flux d’informations et des rendez-vous avec le Forem et… le risque d’une explosion du nombre de sanctions de demandeurs d’emploi au titre de l’obligation de disponibilité passive (lire p. XX88).

Le miel et le poison

A l’orée de l’année 2021, une nouvelle positive peut être actée pour les demandeurs d’emploi wallons, : le Forem vient enfin de mettre fin à une pratique scandaleuse dans le traitement des demandeurs d’emploi, qui n’était pas appliquée par ses homologues bruxellois (Actiris) et flamand (VDAB) (lire p. XX). Le Forem indique : « A partir du 1er janvier 2021, la radiation pour « défaut de présentation au Forem » appliquée au moment où un conseiller ouvre le litige disparaît. (…) Ces procédures étant préjudiciables pour le demandeur d’emploi, il a été décidé d’y mettre fin. ». Par cette simple décision administrative, le Forem vient de supprimer le système de « double peine » qu’il était le seul à appliquer aux demandeurs d’emploi. En cas d’absence à un rendez-vous avec son conseiller emploi, le chômeur wallon pouvait jusqu’ici non seulement subir une suspension de ses allocations de plusieurs semaines par le service Contrôle du Forem mais à cette sanction le Forem en ajoutait une seconde, non appliquée dans les autres régions dans cette circonstance : une radiation de l’inscription de la personne en tant que demandeur d’emploi auprès du Forem, qui générait une perte d’allocations supplémentaire. Ainsi, en 2019, le Forem a procédé à la radiation de 3.619 demandeurs d’emploi, contre 23 pour le VDAB et zéro pour Actiris (lire également en p. XX et YY). On se réjouira sans réserve de la « bonne nouvelle » de la suppression de l’application de cette disposition, qui donne tardivement suite à une demande portée notamment par la FGTB -W depuis plusieurs années mais qui avait jusqu’ici été jugée irrecevable par la direction du Forem. Il faut néanmoins relever que cette décision fait apparaître la violence institutionnelle avec laquelle cette direction a parfois fait subir aux demandeurs d’emploi wallons, apparemment sans raison, l’application d’une conception de leurs obligations très personnelle et très répressive. Quant au fait que le Forem signale que « cette modification s’inscrit dans le cadre de l’Accompagnement orienté coaching et solutions, fait suite à différentes problématiques constatées par rapport à cette disposition », elle ne doit pas nous égarer dans l’appréciation du projet de réforme. Non, cette modification n’a rien à voir avec le contenu de l’avant-projet de décret en discussion au gouvernement wallon, du moins pas plus qu’une pilule empoisonnée n’a de rapport avec le miel dont on l’enrobe pour la faire avaler.

Faire une pause

Selon les prévisions de la Banque nationale de Belgique, sans tenir compte d’une possible troisième vague de l’épidémie de Covid, plus de 100.000 emplois seront supprimés d’ici l’automne 2021 dans l’ensemble du pays. C’est dire si le marché de l’emploi wallon a changé par rapport ce qu’il était ces dernières années d’embellie relative, durant lesquelles le projet actuel a été conçu par la direction du Forem. Accompagner tous les demandeurs d’emploi, cela aurait peut-être pu avoir un sens dans le cadre d’un marché de l’emploi susceptible d’offrir à tous, ou du moins à un grand nombre, des perspectives d’emploi réelles. Mais cela paraît de l’agitation absurde qui tourne au harcèlement dans le contexte d’un marché de l’emploi fortement déprimé par la crise sanitaire.

Pour une réforme orientée protection et solutions

S’il est aujourd’hui une urgence pour ce projet de réforme, c’est sans doute celle d’attendre avant de prendre des décisions qui engagent l’avenir et de remettre à plat l’ensemble du projet. Oui, la façon dont le contrôle de la disponibilité active est organisée par le Forem doit être réformée. En 2019, le Forem a sanctionné 5.239 personnes à ce titre contre seulement 262 pour le VDAB et 367 pour Actiris (lire p. 88). Le VDAB et Actiris se sont saisis des possibilités ouvertes par la VIe réforme de l’État pour alléger considérablement ce contrôle, la réglementation fédérale confiant désormais aux services régionaux de l’emploi le soin d’en « fixer les modalités » dans le respect du cadre fédéral (art. 58/5 de l’AR du 25.11.91). Il est donc temps que le Forem fasse de même, comme nous l’avons régulièrement demandé depuis 2017 (7) et comme l’ont également réclamé les organisations syndicales. Non, la façon de procéder conçue par la direction du Forem pour réformer le contrôle de la disponibilité active n’est ni la bonne ni la seule. Outre l’organisation mise en place par Actiris, qui réduit très fortement les sanctions tout en maintenant la distinction entre l’aide et le contrôle, mais ne semble pas avoir été sérieusement étudiée par le Forem, d’autres types de mesures permettraient d’arriver à ce résultat tout en évitant les graves et multiples effets pervers du projet de réforme actuel. Par exemple, le Forem pourrait revoir sérieusement à la baisse (comme les autres régions l’ont fait, au vu de la diminution drastique du nombre de personnes sanctionnées) le niveau d’application des critères de la disponibilité active appliqués par son service de contrôle. Il pourrait également être prévu, complémentairement, que les conseillers de référence puissent réaliser des évaluations positives de la disponibilité active des demandeurs d’emploi mais sans leur donner pour mission de transmettre, le cas échéant, des propositions d’évaluation négative au service contrôle. Ainsi, les demandeurs d’emploi dont l’accompagnement se passe bien seraient dispensés de l’évaluation par le service contrôle et ceux qui seraient convoqués devant ce service ne le seraient pas sur base d’un dossier « à charge ».

D’autres types de mesures permettraient d’éviter les graves effets pervers du projet

Quant à l’application du contrôle de la disponibilité passive, le Forem devrait encore largement l’alléger. En 2019, 1.510 personnes (sans compter les avertissements) ont subi, au seul motif de leur absence à un rendez-vous fixé par le Forem, des sanctions effectives allant de la perte de 4 à 52 semaines d’allocation jusqu’à l’exclusion des allocations de chômage. C’est un nombre de sanctions de ce type beaucoup moindre que celui des deux autres régions, ce dont on se félicite, mais il n’y en a pas moins une disproportion manifeste entre la faute et la sanction. Il nous paraît absurde de considérer qu’une personne n’est pas « disponible sur la marché du travail » au seul motif qu’elle ait raté un rendez-vous fixé par le Forem. Le respect de la réglementation fédérale s’impose également en la matière, mais gageons que le Forem dispose, à travers l’organisation de son application, de larges marges pour diminuer très fortement tant ce nombre de sanctions absurdes que la durée de la sanction. Est-ce la seule façon pour le Forem de rendre ses services attractifs vis-à-vis des demandeurs d’emploi ? En quoi couper les allocations d’un demandeur d’emploi constitue-t-il une aide pour lui permettre de retrouver un emploi ? Le demandeur est-il plus « disponible » sur le marché de l’emploi lorsqu’il est criblé de dettes, ne peut plus payer son loyer ou ses factures de téléphone ? Le conseiller de référence que nous avons interviewé nous a déclaré que « dans certaines régions, les rendez-vous sont fixés de commun accord avec le demandeur d’emploi, par exemple en convenant préalablement de la date par téléphone. Dans d’autres régions, le demandeur d’emploi est convoqué sans concertation sur le moment fixé. Le taux d’absentéisme est moindre quand le choix de la date et du moment ont été concertés. » (lire p. 73). Mais pourquoi donc la procédure qui donne lieu auà un moindre absentéisme moindre (et donc à moins de sanctions) n’est-elle pas généralisée ? Le Forem vient de décider de mettre fin à sa pratique scandaleuse de radiations massives de demandeurs d’emploi (lire l’encadré p. XX), il faut poursuivre dans cette voie.

Le projet de réforme actuellement en discussion devrait donc être abandonné ou être fondamentalement revu. En ces temps de crise économique et sociale en particulier, il conviendrait de faire du maintien de la protection sociale des demandeurs d’emploi, du caractère humain de l’accueil du Forem et du développement de l’offre de « solutions » réelles les priorités de toute future réforme. En particulier, il ne faut pas imposer aux conseillers référents qui prodiguent de l’aide aux demandeurs d’emploi de transmettre des propositions d’évaluation négative au service de contrôle. Il ne faut pas obliger les demandeurs d’emploi à utiliser un dossier spécifique sur le site web du Forem. Il ne faut pas privilégier la communication électronique ni l’accompagnement à distance. Il faut supprimer ou encadrer toutes les dispositions qui risquent d’engendrer une augmentation des sanctions. Il ne faut pas viser à accompagner 100 % des demandeurs d’emploi. Il faut garantir la maîtrise du demandeur d’emploi sur son projet de recherche d’emploi. Il faut garantir une défense syndicale dès qu’il y peut y avoir une contractualisation susceptible de donner lieu à des sanctions. Il faut privilégier l’inscription et l’accompagnement en présentiel ainsi que la communication par courrier. Il faut rééquilibrer la relation entre les demandeurs d’emploi et le Forem, en créant une véritable instance d’appel paritaire par rapport à l’ensemble des décisions prises ou imposées par le Forem ou encore en créant un véritable médiateur du Forem susceptible de traiter les plaintes et d’y donner suite . Il faut mettre en place un pilotage de la réforme qui dépasse le Forem et donne une place à l’ensemble des acteurs concernés (interlocuteurs sociaux, demandeurs d’emploi, personnels du Forem, partenaires du Forem) et favoriser en particulier l’expression du point de vue des demandeurs d’emploi, etc. Nous avons traité ces points par ailleurs (8).

Les organisations syndicales peuvent reprendre la main

Les diverses rencontres que nous avons eues démontrent que les acteurs de terrain regorgent d’idées pour réaliser un empowerment des chômeurs, probablement moins coûteuses, plus efficaces et moins dangereuses que le projet proposé par la direction du Forem. Le conseiller de référence que nous avons interviewé nous a indiqué qu’il lui semblait prioritaire, pour le public éloigné du marché du travail de « développer l’offre des partenaires du Forem, de veiller à ce que cette offre couvre les zones qui ne le sont pas actuellement et à prendre en charge les frais de déplacement des demandeurs d’emploi lorsqu’ils suivent une formation ». Quand à l’évaluatrice que nous avons rencontrée, elle pointait notamment une carence dans l’offre du Forem : « pourquoi le Forem n’organise-t-il pas, pour ceux qui n’ont pas terminé leurs études secondaires, des formations leur permettant de préparer le jury central ? Aujourd’hui la préparation du jury central, qui peut être lourde, n’est pas valorisée dans le cadre du stage d’insertion : le jeune reste à 100 % tenu de chercher de l’emploi » . Le mémorandum de l’Interfédé fourmille lui aussi de propositions concrètes, soulignant par exemple la nécessité de revaloriser l’indemnité de formation : « reconnaître les efforts de formation des demandeurs d’emploi passe par une indemnité de formation qui soit ajustée aux coûts de la vie. Le montant de l’indemnité de formation octroyée aux stagiaires est fixé à 1 euro brut de l’heure depuis 1973 et n’a jamais été indexé. » (9). Toutes ces propositions concrètes et précises n’ont pas été prises en considération par les auteurs du projet, parce que la voix des acteurs de terrain n’a pas été écoutée avant d’engager le projet. C’est pourtant sans doute là que résident les « solutions » à proposer aux demandeurs d’emploi, que l’avant-projet de décret actuellement en discussion annonce dans son titre mais qu’il ne met pas en place. Aujourd’hui, la ministre de l’Emploi court derrière un mauvais projet initié par la direction du Forem qui piétine les parties concernées et est dangereux pour les demandeurs d’emploi.

Actuellement, la ministre est suivie par l’ensemble du gouvernement. Si rien ne se produit, les parlementaires de la majorité suivront leur gouvernement et feront de ce mauvais projet un mauvais décret. Notre proposition : on fait une pause, tout le monde réfléchit, discute. On élabore un nouveau projet, qui améliore le Forem et la protection des demandeurs d’emploi wallons. Utopique ? Les organisations syndicales sont mises sous pression par le gouvernement, mais elles peuvent néanmoins reprendre la main. Dans la conjoncture présente des rapports de forces, nous ne pouvons imaginer que la coalition wallonne actuelle assume de faire passer ce projet de décret si elles y manifestent publiquement leur opposition.

(1) Malory Renoir et Illan Tojerow (Dulbéa-ULB), « Évaluation de l’ensemble du dispositif de la disponibilité des chômeurs, tel que mis en œuvre au sein du Forem », juin 2019.

(2) Cour des Comptes, « La mise au travail des demandeurs d’emploi par le Forem », 18 mars 2020, p. 49.

(3) Malory Renoir et alii, p. 139, 140.

(4) CdC (2020), ibid, p. 63

(5) APD, Avis n ° 90/2020 du 11 septembre 2020

(6) 27/03/2020, Avis d’attribution de marché..

(7) Yves Martens, « Sanctions 2016 : la Wallonie championne », Ensemble ! n°93, mars 2017, p. 37.

(8) Interfédé, Mémorandum 2019, in l’Essor octobre 2018.

(9) Arnaud Lismond-Mertes et Yves Martens (CSCE), « Réflexions sur l’avant-projet de décret… »; 12.11.20, en ligne sur www.ensemble.be

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