édito

Le fascisme comme menace politique réelle

« Celui qui sauve son pays ne viole aucune loi », X. 15.02.25

Le 6 janvier 2021, le premier mandat de Donald Trump (2017-2021) se terminait dans une ambiance irréelle, avec son refus de reconnaître sa défaite électorale et l’envahissement violent (5 morts, près de 150 blessés) du Capitole par un millier de ses partisans fanatisés, pour tenter d’empêcher la validation de l’élection de Joe Biden. Le monde était resté incrédule face à cet événement, qui apparaissait comme un fait divers aberrant. Après la réélection de Trump, l’assaut du Capitole prend le sens d’un signe avant-coureur du projet politique de son second mandat : renverser l’État de droit aux USA et y installer un pouvoir fasciste à la solde des milliardaires. Depuis le 20 janvier 2025, il s’y attelle avec une brutalité sidérante, fort du soutien d’une majorité républicaine au Congrès et au Sénat, de la majorité réactionnaire des juges de la Cour suprême, de celui des super riches ainsi que de la majorité des médias. En moins d’un mois d’exercice du pouvoir, Trump a personnellement émis plus de soixante décrets présidentiels à portée légale et multiplié les déclarations qui annoncent le caractère fasciste du régime de gouvernement qu’il entend mettre en place.

Une volonté de pouvoir personnel sans limite

Presque chaque jour, le 47e président des États-Unis contourne les principes d’une démocratie parlementaire et communique au pays ses « décisions » devant les caméras, faisant fi de tout respect de l’État de droit, des lois, du rôle du Congrès et de la justice : amnistie des assaillants du Capitole, retrait des USA de l’OMS, retrait de l’Accord de Paris sur le climat, interdiction de séjour aux juges de la cour pénale internationale, déclaration de l’État d’urgence à la frontière avec le Mexique, suspension de l’accès au territoire des demandeurs d’asile, fin du droit à la citoyenneté américaine pour les personnes nées sur le sol des USA, gel des embauches dans la fonction publique fédérale, épuration politique de celle-ci, défense des « femmes contre l’extrémisme idéologique de genre » et rétablissement de « la vérité biologique au sein du gouvernement fédéral »… sans oublier la décision de renommer le Golfe du Mexique le « Golfe de l’Amérique », de créer un « Bureau de la Foi » au sein de la Maison Blanche, ou – suivant le modèle argentin de Milei – un « Département de l’Efficacité gouvernementale » (« Doge »), placé sous la direction d’Elon Musk, première fortune mondiale, mandaté pour faire des coupes dans les dépenses des administrations fédérales et pour prendre le contrôle de leur fonctionnement.

En moins d’un mois, l’agence qui met en œuvre la Coopération au développement (USAID) a été mise en liquidation et son personnel mis en congé administratif, les magistrats qui avaient enquêté sur le rôle de Trump lors de l’assaut sur le Capitole ont été virés, les employés de Elon Musk (« Doge Kids ») ont fait irruption dans des ministères, exigé (et obtenu) des accès informatiques aux données, supprimé les références à la crise climatique sur les sites web de sites gouvernementaux. La Fondation nationale pour la science (NSF) est menacée de perdre entre 25 % et 50 % de son personnel et a reçu l’ordre de couper ses subventions aux recherches sur le réchauffement climatique ou prétendument liées à « l’idéologique woke ». Le budget préparé par les Républicains prévoit 500 milliards de dollars de diminutions de taxes sur les plus hauts revenus et les entreprises. Soit une perte d’environ 10 % des recettes de l’État. Le sens de ce qui se produit est souligné par le geste de salut fasciste d’Elon Musk lors de la cérémonie d’investiture présidentielle ou encore par ses marques répétées de soutien, en pleine compagne électorale, au parti d’extrême droite allemand (AfD), soutien également partagé par le vice-président J-D. Vance, qui a appelé les Européens à rejeter les cordons sanitaires vis-à-vis de l’extrême droite.

Ce basculement vers un régime fasciste de la première puissance militaire est un événement majeur de l’histoire mondiale. Ses contours, sa portée et les résistances qu’il rencontrera sont encore inconnus. Depuis la victoire sur le nazisme, la démocratie représentative, l’État de droit et la reconnaissance des droits humains, malgré les défaillances,s’étaient imposés comme le cadre politique légitime en Occident. Avec Trump II, nous sortons de cette époque. Face à la primauté économique acquise par la Chine (désormais première au classement du PNB mondial) et aux crises majeures prévisibles liées au réchauffement climatique, les milliardaires américains ont fait le choix de renverser la table et opté pour la mise en œuvre d’un régime fascisant, brutal et affranchi de toutes les limites. La lutte contre ce fascisme qui monte, pour protéger la décence, la dignité humaine et la planète est ainsi devenue, en 2025, l’horizon incontournable de toutes et tous les démocrates.

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